Pontivy ce 24 juillet. La basilique est bien grande pour cette centaine de personnes venues écouter le Trio Kervarec – Dudognon – Le Bot et leur invité chanter le chant des trépassés. Il faut dire que l’obligation du pass sanitaire imposée aux organisateurs n’incite pas à se rendre à cet événement ou un autre, malgré la publicité qui en est faite. Et pourtant, ce concert alliant orgue, chant, biniou et bombarde a emporté le public. Bien plus qu’un concert, c’est ici un hommage musical pour toutes les âmes qui ces derniers mois et particulièrement durant le premier confinement, se sont vues partir seules. Un thème osé qui tenait à coeur de Per Vari Kervarec, celui qui perpétue avec d’autres l’héritage de Yann-Fañch Kemener, passeur incontournable de mémoire qui sera parvenu à transmettre.
Un chant pour l’âme
Combien de personnes sont ainsi décédées seules, sans possibilité de tenir la main d’un proche ? Combien de personnes ont été accompagnées en terre selon un rituel bradé car les risques pour les vivants semblaient plus importants que l’éternité des morts.
Alors Per-Vari Kervarec, avec talent, entonne un hommage pour toutes ces âmes. La bombarde s’élance vers le ciel en symbiose avec les orgues, et entame cet échange musical avec le koz et le sax. Les musiciens occupent la totalité de l’espace sacré, ils évoluent dans le moindre recoin, et font vibrer les pierres. Le talabarder évoque ce dont on ne parle plus en bien des lieux : le cri des âmes envoyées au purgatoire. Ce n’est plus un simple chant issu du répertoire traditionnel breton, mais une invitation poignante : « Fermez les yeux, ressentez déjà au fond de votre coeur cette poignante supplique que nous font les défunts, demandant à ce que l’on prie pour eux. L’espoir est là mais les larmes coulent : les âmes ne veulent pas qu’on les oublie et n’attendent qu’une pensée, qu’une prière. Ne les oublions pas car un jour sera notre tour. Hiziv dit te, warc’hoaz din me ».
Un thème sombre, songeront certains. A première vue, on pourrait le penser, mais c’est un répertoire lumineux que le trio déroule pour vous. Nos cantiques et chants populaires, du populaire Salud Iliz ma farrouz au très connu Marv e ma mestrez, dans une libre interprétation, reprennent vie pour rendre hommage à nos morts, pour conter l’espérance de l’au-delà. Et c’est plutôt réussi. Tout comme cette reprise très personnelle de Aet on, poème de Donatien Laurent mis en musique par Alan Stivell dans son album 1Douar et qui rappelle que la mort tant redoutée n’est qu’un passage, comme le terme breton de trepas (passage, couloir) le laisse entendre.
« Aet on ‘tu all d’ar vuhez
Da heul ma hent evidon me
Ganeoc’h tud holl e joman
Breman ha da viken »
Parti de l’autre côté de la vie
Suivre la voie qui m’est impartie
Avec vous je reste
Maintenant et à jamais
Le public, à travers toute la Bretagne, a plébiscité ce concert. Il suffit d’écouter les spectateurs au sortir du spectacle pour être assuré que le trio les a emporté. Nous ne pouvons que vous inviter à rejoindre l’un des concerts de la saison. Le prochain concert est le 9 août à l’église de Roscoff, à 20h30. Pour en savoir plus, retrouvez l’interview de Per Vari Kervarec sur notre article précédent.
Et on se met à espérer que, grâce à de telles initiatives, nos paroisses remettent rapidement à l’honneur ce répertoire perdu, ces chants qui vous prennent aux tripes par leurs mélodies et par des paroles d’une richesse inouïe qui n’ont rien à envier au répertoire en français.