Les fins dernières : espérer plutôt que spéculer

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Crises, guerres, catastrophes naturelles… À chaque génération, des voix s’élèvent pour annoncer la fin du monde. Certains se réclament de visions ou de calculs mystérieux, d’autres prophétisent l’apocalypse imminente, et d’autres encore se référent à des approches prophétiques souvent sujettes à caution. Pourtant, l’Église catholique ne cesse de rappeler la parole claire du Christ : « Quant à ce jour et à cette heure, nul ne les connaît, pas même les anges du ciel, ni le Fils, mais le Père seul. » (Mt 24, 36). Loin des peurs et des spéculations, la foi invite à une attente confiante : celle de l’espérance, de la vigilance et de la conversion du cœur.

Dans la tradition chrétienne, on appelle les fins dernières les réalités ultimes de notre destinée : la mort, le jugement, le paradis et l’enfer. Ces mots, souvent redoutés, ne sont pas faits pour effrayer. Ils nous rappellent que notre vie a un sens, une direction et un aboutissement. Nous ne sommes pas de simples passagers dans un univers qui s’éteindra un jour au hasard ; nous marchons vers Dieu, vers la plénitude de la Vie.

Loin de toute angoisse, cette perspective est une espérance. Elle nous invite à vivre chaque jour à la lumière de l’éternité. Rappelons que dès notre conception, nous entrons dans cette éternité. Le cantique breton Tremen ‘ra pep tra dit :

Kant vloaz ha mil bloaz,
A ve disterig c’hoaz,
TREMEN ‘RA PÉP TRA!
Nemed c’hwi, Doue,
Hag an eternite.

Cent ans, mille ans,
C’est si peu de chose,
Toute chose passe!
Mais il y a Vous, Seigneur
Et l’éternité.

Si tout doit passer, alors tout prend aussi un poids d’éternité : nos gestes d’amour, nos actes de foi, nos efforts pour la paix, nos pardons offerts ou reçus. Rien de cela n’est perdu.

Et pourtant, combien d’hommes et de femmes se laissent encore séduire par les annonces de “fin du monde” ! L’histoire en regorge : à l’an mil, en 1666, à l’aube de l’an 2000, ou en 2012, certains affirmaient avoir trouvé des signes, des chiffres, des révélations cachées. De Nostradamus à Malachie d’Armagh, en passant par Marie-Julie Jahenny et bien d’autres. Aujourd’hui encore, les réseaux sociaux amplifient ces discours : on y parle d’astres alignés, de secrets dévoilés, de dates fatidiques. Comme si on révélait des secrets cachés.

Or la Parole de Dieu – la seule qui devrait nous importer – nous avertit : toute tentative de prédire la fin des temps est vaine. Elle trahit une curiosité spirituelle qui n’est pas la foi. Le Christ nous demande autre chose :

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » (Mt 25, 13).

Cette phrase, trop souvent citée sans être comprise, n’est pas une menace nous poussant à la crainte : c’est une invitation à la confiance. Jésus ne veut pas que ses disciples vivent dans la peur, mais dans la vigilance du cœur et dans une pleine confiance en Dieu. Il nous apprend à préparer notre âme, non à guetter le calendrier du ciel. Calendrier qui, au demeurant, est celui d’un Dieu tout amour qui souhaite le meilleur pour les hommes et les femmes qu’il a créé à son image.

Les “fins dernières”, dans la foi catholique, ne sont pas une fin du monde catastrophique : elles sont le commencement de la vie véritable. Le monde matériel, tel que nous le connaissons, passera, mais c’est pour laisser place à une création transfigurée :

« Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).

Le Catéchisme de l’Église catholique le rappelle avec sobriété : avant le retour du Christ, l’Église passera par une épreuve qui ébranlera la foi de beaucoup, mais c’est Dieu seul qui remportera la victoire (et si on regarde l’échelle du temps à l’aulne du Créateur, on sait déjà que nous sommes sauvés). Rien dans cet enseignement sur les fins dernières ne parle de dates, ni de chiffres, ni de catastrophes prévisibles. Le message est clair : ce n’est pas à nous de savoir quand, mais d’être prêts à aimer jusqu’au bout.

Combien de nos contemporains se laissent happer par des « voyants ». Il est si humain de vouloir savoir. Savoir quand tout finira, savoir ce qui se cache derrière les prophéties, savoir combien de temps il reste… Mais cette quête de certitude trahit souvent une peur du présent. Elle oublie que le Royaume de Dieu est déjà là, à portée de nos cœurs, chaque fois que nous choisissons la vérité, la charité et la fidélité.

Les prétendus “prophètes” qui annoncent des échéances, même au nom du Ciel, s’égarent … et égarent avec eux ceux qui les écoutent. L’Église l’a répété maintes fois : aucune révélation privée ne peut fixer la fin du monde. Les grandes apparitions reconnues, comme Fatima, La Salette ou Lourdes, ne livrent aucun calendrier caché. Il en est de même pour Akita. Elles appellent à la conversion, à la prière, à la confiance en Dieu. Rien d’autre.

Alors, comment vivre cette attente ?
Peut-être tout simplement comme saint François d’Assise, à qui l’on demandait ce qu’il ferait si la fin du monde arrivait demain. Il répondit : « Je continuerais à cultiver mon jardin. »

C’est cela, la vraie vigilance chrétienne : rester fidèle à sa mission quotidienne, aimer, prier, semer le bien, même dans un monde incertain. Et Dieu sait si le monde actuel en a besoin. Le chrétien ne vit pas dans la peur de la fin, mais dans la joie de l’attente. Car la fin du monde, pour celui qui croit, n’est pas une destruction, mais une rencontre : celle du Christ ressuscité, venu tout récapituler en Lui.

Et si la “fin du monde”, finalement, c’était simplement le moment où Dieu vient à notre rencontre ?

Chaque mort, chaque passage, chaque instant où nous remettons notre vie entre Ses mains, est déjà une petite fin du monde… et un commencement d’éternité. Contemplons Jésus-Hostie dans l’ostensoir et c’est déjà l’épiphanie d’une promesse.

Ainsi, quand Jésus dit : « Vous ne savez ni le jour, ni l’heure », ce n’est pas pour nous effrayer, mais pour nous éveiller. Il nous invite à vivre pleinement, à aimer sincèrement, à espérer sans cesse.

La foi chrétienne n’est pas une peur du dernier jour, mais une confiance en l’aube du Royaume.
Et cette aube commence aujourd’hui, ici, maintenant, dans le silence de nos cœurs fidèles.


« Le monde passe, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. »
— 1 Jean 2, 17

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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