« Les missions populaires en Bretagne au XVII° siècle », une conférence de Monsieur l’Abbé Jean-Marie Surel

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Bieuzy-Lanvaux le dimanche 24 novembre 2019, fête du Christ Roi

Où, mieux que chez les coopérateurs et coopératrices paroissiaux du Christ-Roi, à N. D. de Fatima de Bieuzy-Lanvaux, peut- on célébrer la fête du Christ-Roi instituée par l’encyclique du pape Pie XI « quas primas » le 11 décembre 1925 – dont la lecture reste instructive : en clôture de l’année jubilaire, anniversaire du 1° Concile de Nicée (325) ?

D’autant qu’y était annoncé une conférence sur les « missions populaires en Bretagne au XVII° siècle » par un spécialiste de la question : l’abbé Jean-Marie Surel, ancien vicaire de la paroisse Saint Louis de Lorient, actuel supérieur du Foyer saint Jean-Paul II à Sainte Ane d’Auray, auteur d’une étude d’Armelle Nicolas (1606-1671), la « bonne Armelle », qui lui a valu ses grades en théologie auprès de l’Université Pontificale de la Sainte Croix à Rome et qui devrait prochainement être publiée aux fameuses éditions « Ar Gedour ».

Dans son homélie au cours de la messe qu’il présidait, en commentant l’évangile de la fête du Christ Roi qui clôture l’année liturgique, l’abbé Surel nous a fait remarquer que la royauté du Christ sur terre s’exerce sur la croix : Ponce Pilate lui-même ne s’y est pas trompé à la suite de son interrogatoire de Jésus en écrivant sur le titulus « roi des juifs », ce qui n’a pas manqué d’entrainer les véhémentes protestations des grands prêtres dont il ne tint aucun compte : « quod scripsi, scripsi » (Jn 19, 22)

Et le bon larron, que la légende dorée nomme Dismas, appelle bien « Royaume » ce que Jésus qualifie de « Paradis » (Lc 23, 42 & 43)

 C’est un roi au cœur blessé nous précise l’abbé Surel en nous faisant observer que le corps glorieux du ressuscité reste néanmoins marqué – comme Thomas pourra s’en assurer par le toucher – des blessures de la passion.

Il a conclu son homélie par le conseil suivant donné par le Père Gábor Hevenesi (Vásárosmiske/Hongrie 1656 – Vienne 1715), jésuite hongrois, auteur des “Scintillae Ignatianae” (1705), recueil de propos qu’on attribua à Ignace de Loyola lui-même : « crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul. »

Au cours de la conférence qui a suivi la messe, l’Abbé Surel nous a présenté les missions populaires en Bretagne au XVII° siècle comme le signe d’un raffermissement de l’Eglise, lointain héritage des prédications de Saint Vincent Ferrier, se traduisant par de spectaculaires élans populaires qui ont atteint toutes les couches de la population, une vague de piété même chez les classes aisées, les développement des vocations sacerdotales et surtout religieuses et enfin, de véritables élans mystiques chez certaines personnes.

Il convient d’observer qu’à la suite de la réforme protestante et du concile de Trente (1545-1563) à l’initiative d’une contre-réforme catholique, la population chrétienne ressentait une grande attente spirituelle et manifestait un grand besoin de renouveau.

C’est ainsi qu’en Espagne, Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), « le château intérieur ou les demeures » (1577) et  Saint Jean de la Croix (1542-1591), « la nuit obscure » (publié en France en 1622), réforment l’ordre du Carmel et fondent les carmes déchaux. De son côté, Saint Ignace de Loyola (1491-1566) fonde la Compagnie de Jésus en 1539 à Montmartre.

En Italie Saint Charles Borromée (1538-1584), cardinal archevêque de Milan rédige le catéchisme (1566) issu du concile de Trente tandis que Saint Philippe Neri (1515-1591) fonde en 1575 la congrégation de l’Oratoire

Pendant ce temps-là, en France, on se livre aux guerres de religion (1562, massacre de Wassy – 1598, édit de Nantes) opposant les catholiques de la « sainte ligue » aux protestants et même au pouvoir royal après l’avènement d’Henri IV (1553-1610) en 1589.

Pourtant, notamment en Bretagne, les réformes tridentines vont se mettre en œuvre : la création des séminaires va donner aux prêtres la formation intellectuelle et spirituelle que requiert leur mission pastorale. Le renouveau va également toucher l’épiscopat qui va être totalement renouvelé avec une obligation de résider dans son diocèse et d’y procéder périodiquement à des visites pastorales auprès des paroisses de son ressort.

Ainsi, à Vannes Mgr Sébastien de Rosmadec (1570-1646) qui aura à gérer le mystère de sainte Anne apparue à Yvon Nicolazic qu’il confiera opportunément aux Carmes et son successeur, et lointain cousin homonyme, Mgr Charles de Rosmadec (1618-1672) dont le projet de séminaire échouera devant l’opposition de son clergé.

Toutefois cet échec se transformera en succès pastoral avec la  création des « retraites » sous l’impulsion des hennebontais Vincent Huby (1608-1693), jésuite et Louis Eudo de Kerlivio (1621-1685), vicaire général, retraites dont la part féminine – les sœurs de la retraite – revient à Catherine de Francheville (1620-1689) et Claude-Thérèse de Kerméno (1625-1693)

Si le Père Huby a été à Rennes l’élève du Père Jean Rigoleuc (1596-1658), lui-même élève, avec Saint Jean de Brébeuf (1593-1649), martyrisé au Canada, du Père Louis Lallemant (1588-1635) et le condisciple du bienheureux Julien Maunoir (1606-1683), bretonnant et collaborateur de Dom Michel Le Nobletz (1577-1632), l’initiateur des « taolennous », de son côté, l’abbé Eudo a été à Paris celui de saint Vincent de Paul (1581-1660), fondateur des lazaristes et disciple du Cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629), à l’origine, avec d’autres, de « l’école française de spiritualité », selon l’abbé Henri Brémond, de l’Académie Française, (Histoire littéraire du sentiment religieux en France, 1929). La « filiale » bretonne et singulièrement morbihannaise de cette école de spiritualité mystique aura été particulièrement florissante.

Qu’on en juge :

Armelle Nicolas (1606-1671), non pas l’actuelle maire d’Inzinzac-Lochrist, mais la « bonne Armelle » conseillée par les Ursulines de Vannes dont la chapelle se trouve en façade du collège saint François Xavier, rue Thiers, sujet du mémoire de théologie du conférencier.

Mathurine Berthelot (1636 – 1669), native de Ploermel, membre du tiers ordre des carmélites, dirigée par le Père Huby

Madeleine Morice (1736-1769) inhumée dans l’église paroissiale de Porcaro où se déroule chaque 15 août le pardon des motards.

Selon l’enseignement de leurs maitres et directeurs spirituels on apprenait à sa méfier de « l’activisme » et à conserver la dimension spirituelle de sa vie

N’est-ce pas ce qu’enseignent les retraites ignaciennes conduites par les Coopérateurs et Coopératrices paroissiaux du Christ-Roi à la maison de Notre-Dame de Fatima à Bieuzy-Lanvaux, dignes et nécessaires continuatrices celles initiées à Vannes par les RR PP Huby et Eudo et Madame de Francheville ?

L’après-midi la conférence s’est poursuivie par la présentation des outils pédagogiques utilisés lors de ces nouvelles missions et des thèmes de prédilection opportunément retenus

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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