Extrait de l’homélie d’ordination prononcée par Mgr Pascal N’Koué, évêque de Parakou (Bénin).
Rien n’est plus grand que la messe. Elle a une valeur infinie. Padre Pio disait :
« Si les hommes comprenaient la valeur de la sainte messe, à chaque célébration, il faudrait des gendarmes pour maintenir l’ordre parmi les foules qui se bousculeraient pour entrer dans les églises ».
Saint Thomas d’Aquin, prêtre, après avoir célébré sa messe du matin, servait une autre messe en action de grâce. Et que dire du petit Jean-Berchmans. Il expliqua un jour à sa grand-mère pourquoi il sortait le matin très tôt de la maison : « c’est pour attirer les bénédictions de Dieu. J’ai obtenu de servir trois messes avant de me rendre à l’école ». Avis à ceux qui arrivent en retard en traînant les pieds, après avoir fait une bonne grasse matinée. Le saint Curé d’Ars ira jusqu’à dire que « le martyre (sanglant) n’est rien comparé à une sainte messe, parce que la messe est le sacrifice de Dieu pour l’homme ». Or le martyre c’est le sacrifice de l’homme pour Dieu. Au ciel et sur terre, il n’y a rien de plus grand, parce que c’est l’expression la plus éloquente de l’Amour de Dieu pour le salut de l’humanité : « Qui mange de ce pain vivra éternellement » (Jn 6, 51).
Ceux qui avancent des arguments trop humains pour ne pas aller à la sainte messe tous les matins ne savent pas ce qu’ils perdent. Même la rénovation de nos familles et de la vie sociale dépendent de la sainte messe. Chose extraordinaire : Jésus-Christ, l’unique et vrai prêtre, souverain et éternel, vrai Dieu et vrai Homme a voulu que son saint sacrifice soit célébré par des hommes fragiles, pécheurs, indignes comme nous. On comprend alors l’émerveillement de saint Paul : « Ce trésor (le Christ crucifié) nous le portons dans des poteries en argiles » que sont nos personnes fragiles (2Co 4, 7). Jésus-Christ à la fois prêtre et victime s’offre lui-même chaque jour à son Père par les mains des prêtres. Chers amis, chers séminaristes, chers prêtres, c’est beau, c’est inouï d’être prêtres quand on est prêtre pour les autres ! C’est une question de qualité de relation avec Dieu, pour le salut de l’humanité. C’est donc une question de foi, d’amour, de sainteté et de bonheur. D’abord, ilfaut se savoir aimé de Dieu : tout est là. Nos plaintes puériles et grincements de dents stériles viennent de ce que nous cherchons notre bonheur en dehors de Celui qui a tout créé pour le bonheur de l’homme. Ah ! Si on apprenait à remercier le Seigneur pour tout ce que nous recevons de Lui à travers nos divers bienfaiteurs.
Chers prêtres, vivez votre sacerdoce presbytéral dans l’harmonie, la cohérence, la joie et les chants. Vivez votre sacerdoce dans l’enthousiasme et la passion d’imiter le Christ, tout donné au Père et à l’humanité.En paroisse.Aimez les enfants, les jeunes, les vieillards, les biens portants, les malades. Soyez simples avec tout le monde dans la sincérité.Aimez les laissés pour compte, les rejetés de la société, visitez ceux qui sont dans les périphéries. Intéressez-vous aux couples, aux familles, aux vocations sacerdotales et à la vie consacrée. Mais où puiser cette force ? Dans l’Eucharistie bien célébrée.
Remettons la croix de Jésus au centre de l’autel et exhortons le peuple de Dieu à fixer les yeux sur Jésus crucifié. Il nous a dit : « Lorsque je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12, 30). Saint Cyrille de Jérusalem dans sa catéchèse baptismale insiste sur la gloire qui nous vient de la croix du Christ.Dans la Vie Diocésaine du mois dernier, j’ai demandé à tous de faire une demi-heure d’oraison ou de méditation par jour. Trouver trente minutes pour Dieu, pour contempler la croix, pour se taire, écouter le crucifié et lui parler dans le cœur à cœur, dans le silence, dans l’amitié et l’intimité. Trente minutes à tous. Mais à vous prêtres je demande une heure d’oraison. Vous ne serez pas seuls, je vous accompagnerai. C’est à ce prix que nos relations avec notre Père des cieux s’amélioreront et que notre apostolat deviendra plus fructueux. C’est à ce prix que l’évangélisation dans notre diocèse atteindra sa vitesse de croisière. Une heure d’oraison dans la journée. Ce n’est pas impossible. Les séminaristes de Providentia Dei le font. Ils nous ont devancés.Cette fois-ci, l’exemple vient des petits. Et ce que le petit fait de bien, le grand devrait pouvoir faire davantage.
Je reviens de Venasque (France) où j’ai participé à la béatification du Père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus. D’ordinaire ce sont les prêtres diocésains qui fondent des congrégations religieuses. Là c’est un prêtre religieux, un Carme, qui a fondé un Institut séculier, c’est-à-dire de prêtres diocésains, avec une spiritualité, celle de l’oraison silencieuse. En tant qu’apôtre de la vie intérieure, le bienheureux Marie Eugène pourrait être le guide et maître spirituel de notre clergé diocésain et même de tout le diocèse ; en cette époque de dissipation, des médias sans censure, des nouvelles technologies de l’information, des réseaux sociaux experts en mensonges etc. ce Bienheureux nous éduquera. Car il ne cesse d’enseigner le chemin de la prière intérieure et la disponibilité totale aux appels de l’Esprit Saint. Les prêtres de l’Institut Notre-Dame de Vie font deux heures de méditation par jour. Je rappelle que ce sont des diocésains. Cet Institut de droit pontifical, aujourd’hui répandu dans le monde entier, comprend aussi des laïcs, la branche féminine et la branche masculine, des membres associés et des foyers. Plus on trouvera du temps pour Dieu, moins nos cœurs s’alourdiront à cause des soucis des biens matériels et financiers. Cherchons d’abord le Royaume de Dieu et sa justice. Dieu s’occupera de nous combler. C’est une question de foi et de confiance en la Divine Providence. Nous devons faire un effort pour rechercher le silence. Les téléphones portables en famille, dans les presbytères, dans les communautés religieuses, dans les églises encombrent et asphyxient notre vie spirituelle et nous sortent de la pensée de Dieu. Les réseaux sociaux mal utilisés nous volent le temps qu’on devrait donner à Dieu et au prochain, et finissent par nous étouffer.
Imitons Jésus : « Le matin, bien avant le jour, Jésus se leva, sortit, et s’en alla dans un lieu désert, et là il priait » (Mc1, 35). Voilà ce que nous devrions faire tous les jours. Un lieu désert équivaut à un lieu de silence. Dieu éduque nos âmes dans le silence. L’oraison a besoin de solitude. Plus on est occupé, plus on devrait trouver du temps pour nous plonger en Dieu dans le silence. « Le silence assure à l’action de Dieu toute son efficacité ». C’est dans le silence que nous vénérons Dieu comme le Souverain maître de toutes choses ; c’est sous sa puissance que nous existons avec tout ce que nous possédons. Tout vient de Lui.
L’oraison de recueillement est un remède préventif et curatif contre trois maladies tenaces : l’ »ego », le monde et le diable. Elle nous fait chercher Dieu au centre de notre âme… Ce Dieu présent et agissant en nous est véritablement Père de tous et il m’engendre sans cesse pour la diffusion de « ses merveilles ». Le paradis céleste est déjà dans mon âme, puisque Dieu veut y faire sa demeure.Mais l’oraison ça s’apprend. Et voici comment : se mettre en présence de Dieu, se recueillir, louer le Créateur des cieux dans le silence… Regarder la croix, ou le Saint Sacrement ou la Vierge Marie ; faire une courte lecture, lire l’évangile ou un ouvrage spirituel, réciter de temps en temps une prière vocale…, réciter le Notre Père très lentement, c’est la prière que Jésus a composée pour nous. « Le Notre Père est la prière parfaite. C’est la prière des petits…, la prière des saints » (Bienheureux Marie Eugène). Dans le Notre Père se trouve tout l’art de la science de la prière : « Si vous vous attachez au Pater, dit sainte Thérèse d’Avila, vous n’avez plus besoin d’autre chose ». Il suffit d’aimer Dieu comme un fils. Car lui nous aime comme un Père plein de bonté et de miséricorde. Dans l’oraison, après la louange, il faut s’arrêter longuement sur l’action de grâce. Savoir remercier c’est le propre des cœurs pleins de gratitude. Dans la partie des demandes, plions nos cœurs à la contrition, au regret de nos péchés, demandons la grâce de la douceur et de l’humilité. Puis on s’offre en toute confiance à la miséricorde divine, en disant plusieurs fois, « Père, non pas ma volonté mais la tienne »…
Et maintenant je voudrais m’adresser de façon particulière à Norbert.
Cher fils, vous allez être ordonné prêtre de Jésus-Christ. Vous recevrez le pouvoir de célébrer le Saint Sacrifice du Christ « in persona Christi ». Soyez humble. Les fruits de ce sacrifice s’étendent aux péchés, aux peines, aux satisfactions et autres besoins des fidèles vivants, et même défunts qui n’ont pas encore pleinement expié leurs fautes. Vous vous ferez dispensateur de l’Eucharistie après vous en être vous-même abondamment nourri. Soyez un amoureux de Dieu. Ainsi votre âme plongera chaque jour ses racines dans la sainte messe pour en tirer la sève surnaturelle de la vie et de la force intérieure. Sans cette vie intérieure, vos activités pastorales se dévalueront très vite et le diable s’en servira contre vous. Le bréviaire, le chapelet, l’oraison et le Saint Sacrifice de la messe seront vos fidèles et meilleurs compagnons. Car un prêtre qui prie peu aide Satan à le déstabiliser.
Soyez donc un bon vicaire paroissial comme le fut Jean Marie Vianney, le futur saint Curé d’Ars. Il avait eu la chance de vivre auprès d’un bon Curé, le Père Balley. Jean Marie avait été chez lui comme domestique, jardinier, séminariste, vicaire paroissial. Le Père Balley était un Curé-formateur. Il était soucieux de transmettre le meilleur de la vie du prêtre à son fils spirituel devenu prêtre.
Jean Marie Vianney restera deux ans comme vicaire auprès de ce bon prêtre. Tous les matins, ils faisaient tous les deux leur méditation ou oraison devant le tabernacle avant la Sainte messe. Tous les deux s’adonnaient à des pénitences et sacrifices hors du commun pour le salut des âmes. Tous les deux avaient soif du ciel, tous les deux aimaient Dieu et jeunaient beaucoup. Ils se dénonçaient à tour de rôle auprès du Vicaire Général que l’autre jeûnait un peu trop. Et qu’il fallait le gronder pour qu’il diminue.Quand l’Evêque autorisa le jeune vicaire à entendre les confessions dans le Sacrement de pénitence, le Curé fut le premier à s’agenouiller devant son vicaire pour se confesser.
Comme vous le voyez, il y avait une saine émulation entre Curé et Vicaire pour se soutenir dans la vie de sainteté sacerdotale. Chez ces deux prêtres la primauté de la vie spirituelle et fraternelle l’emportait sur la recherche des biens de ce monde, des commodités matérielles et des salaires mensuels. Tout le jour et à tout instant le salut des âmes était leur grande préoccupation. Jean Marie, quand il sera nommé Curé d’Ars, s’inspirera de l’expérience accumulée auprès de son ancien maître. Seigneur, donne-nous de saints curés formateurs et des vicaires humbles et dociles.
Un Evêque au cours d’une de ses visites amicales à ses prêtres a découvert sur le bureau d’un Vicaire de paroisse quelques phrases intéressantes placées sous verre. Ce Vicaire pensait aux jeunes de sa paroisse dont il avait la charge. Il voulait être en éveil pour Dieu face aux pouvoirs menaçants du mal. Il était conscient que le prêtre était l’homme de Dieu spécialement chargé de conduire les âmes au ciel. Et voici les phrases :
– Si tu faiblis ils se couchent
– Si tu doutes ils désespèrent
– Si tu marches devant ils te dépassent
– Si tu donnes ta main ils donneront leur peau
– Si tu pries, alors ils seront des saints.
A tous, je rappelle que c’est l’année de la prière intérieure qui s’obtient par le silence de qualité et la méditation de la Parole de Dieu. Chercher Dieu dans le silence raffiné,c’est la plus grande difficulté pour l’homme. C’est par là que nous retrouverons la priorité de l’amitié avec Jésus-Christ. Cherchons à fonder et à refonder notre vie de chrétiens, de consacrés, de prêtres sur le Christ, le rocher stable et imprenable. « Dans sa main tout grandit et s’affermit ». Hors de lui, il n’y a que bruit, apparences de bonheur, revendications égocentriques et suicides. Vive l’ascèse du silence plein de Dieu.
Une très belle homélie percutante qui fait du bien.On aimerait bien que tous nos pasteurs prêchent avec le même zèle apostolique !
Merci de diffuser de tels trésors !
Magnifique ! A lire et relire, même quand on est laïc ! Tout y est. Merci pour ce partage.