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[PARDONS DE BRETAGNE] Pardon de Notre Dame de Kernascleden

Procession Pardon de Kernascléden - Photo Gaëlle Després 2016
Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Dimanche de l’assomption 15 août 2016

Pardon de Notre Dame de Kernascléden / Pardon Intron Varia Garnassen

Je sais maintenant pourquoi Bernard RIO, l’auteur de l’ouvrage de référence sur la question : « Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne » paru chez Le Passeur Editeur en mai 2015, ne parle pas du pardon qui se déroule dans la si jolie petite église de Kernascleden, chaque 15 août, à l’occasion de la fête de lassomption : il se le garde pour lui, confidentiel, à l’écart de toute tentation touristique …

Statue ND de Kernascléden (Photo Gaelle Després 2016)
Photo Gaelle Després 2016

Pourtant il la connait bien la si jolie petite église de Kernascleden qui vient d’être rafraîchie, d’extérieur comme d’intérieur, tout en conservant son charme d’antan : elle resplendit, dépouillée de tout échafaudage.
Bien loin d’être lui-même un « cul bénit », spécialiste reconnu des « amour sacré et passions profanes » (Coop-breiz, 2013), il ne m’a fait grâce d’aucun ornement, attirant spécialement mon attention sur deux « culs de lampe », portant bien leur nom, entourant l’arche qui ouvre du bas-côté de la nef sur le transept nord, celui dont le plafond illustre ce que doit être le paradis, pendant de la danse macabre qui orne les murs du transept sud.
C’est vous dire ! Et il y avait du monde ce dimanche de l’Assomption dans la si jolie petite église de Kernascleden, et du beau ! …
A commencer par son maire, Jean Jacques Tromilin, en kamaillon de velours noir, comme beaucoup de ses concitoyens, « côté épitre », , tandis que les femmes, avec leurs drôles de petites boites roses ou bleues ornées de ruban de dentelles sur la tête, retenu par l’un d’eux passé sous le menton, s’étaient regroupées « côté évangile » -mais cela c’était avant, avant le concile de Vatican II -, on dirait aujourd’hui : à gauche et à droite, mais c’est moins liturgique.

Et puis, en costume couleur de laine écrue, il y avait le jeune Hélory, au milieu de sa famille au grand complet : c’était jour de première communion pour Hélory qui n’est pas près d’oublier ce 15 août 2016 dans la si jolie petite église de Kernascleden. Petite, trop petite pour accueillir tout le monde sous ses voûtes séculaires ! Le soleil était haut et chaud et l’ombre du clocher porche bien agréable.

Photo G. Després 2016
Photo G. Després 2016

On ne sait plus s’habiller aujourd’hui, restons simple !! On conserve, dans un souci de confort, les mêmes vêtements pour tous usages : le travail comme les loisirs. Et puis, la tentation égalitaire aidant, pas de distinction entre les sexes : basquettes ou tongs, djinn et tisheurt pour tout le monde, même à l’église.

A Kernascleden, on sait faire la différence entre dimanche et jour de semaine : on s’habille pour la circonstance, on sait « s’endimancher »… et les costumes sont si seyants autant pour les hommes que pour les femmes : leur vêtement embellit les unes qui n’en ont pas toutes besoin et atténue chez les autres l’embonpoint qui signe l’âge mur, surtout chez les hommes.

A telle enseigne, quelle bonne idée, qu’en fin de cérémonie, l’officiant a procédé à la bénédiction des costumes… précisant que la bénédiction retombait du contenant sur le contenu c’est-à-dire sur les personnes fièrement vêtues de leur costume traditionnel qui les diffère de ceux de Monsieur et Madame Tout-le-monde et même de la paroisse voisine.

Assemblée pardon de Kernascléden 2016
Photo Gaëlle Després 2016

Je me suis rappelé l’homélie d’un prêtre présidant le pardon, il y a quelques années, s’adressant à un petit garçon de l’âge d’Helory, le premier communiant du jour, il lui demande pour quel motif il a revêtu, ce dimanche de l’Assomption, son beau costume de cérémonie, s’attendant à une réponse évoquant la solennité mariale du jour. Et l’enfant de répondre : « … c’est parce que je suis breton ! »

N’y a-t-il qu’en Bretagne que l’on revêt son costume du dimanche, en l’honneur du jour du Seigneur, en souvenir des parents qui l’ont porté auparavant, pour chanter le pays des ancêtres ?
En tout cas c’est ainsi à Kernascleden, le 15 août, jour de la fête de l’Assomption de la Sainte Vierge dans la si jolie petite église aux mille clochers de granit étincelant dans le bleu du ciel breton.
Et ce n’est pas Bernard Rio qui me contredira !

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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6 Commentaires

  1. Le recteur de Quéven, Armel de La Monneraye

    On fête aussi l’Assomption chez nous ! Faites vivre vos paroisses, soyez chrétiens là où vous vivez et travaillez, et portez-y le costume aussi !

  2. Vous avez raison, mais encore faut-il que les paroisses accueillent ces initiatives. Or, dans certaines paroisses, on ignore cela, voire certains barrages sont faits, comme nous l’ont rapporté certains lecteurs durant l’été. Je me permets de vous répondre rapidement. Je vous livre ici ma pensée, sans chercher à la structurer ici :

    A Kernascléden, où l’Assomption est le Jour de Pardon, cela est enraciné depuis longtemps et les Gedourion ont donné depuis un bon paquet d’années un soutien inconditionnel à ce pardon, à la grande joie des paroissiens. Le résultat est qu’aujourd’hui, des paroissiens participent à la veillée mariale avec les Gedourion, enracinant encore plus la solennité de l’Assomption dans la vie paroissiale.

    La question est de savoir pourquoi bien des gens viennent à ce genre de pardons en délaissant leurs paroisses, et s’investissent ? Peut-être retrouvent-ils là ce qu’ils ne peuvent trouver dans leurs paroisses qui trop souvent font dans le hors-sol et dans la gestion du service courant ? Peut-être que leurs paroisses – à cause de certains facteurs humains – ne sont pas capables de répondre à certaines de leurs attentes ?

    Bernard Rio disait récemment dans une interview au Télégramme (que nous rapportions sur Ar Gedour) que

    « Dans notre monde de consommation, de moins en moins sacré et spirituel, où la quête effrénée des biens matériels est censée conduire au bonheur, le pardon joue plus que jamais son rôle, dans le vieux sens du mot religion, « qui relie ». Les gens ont besoin de se retrouver. Or, le pardon est l’un des seuls événements qui réunit tout un village, au-delà des convictions et des classes »

    Bien des questions se posent, mais au bout d’un moment, il n’est pas inutile de se dire qu’ils peuvent avoir envie de se ressourcer et de se retrouver dans un lieu qui tient compte de leur identité et qui possède cette dimension ecclésiale (incluant évidemment la dimension missionnaire) qui se perd souvent dans des paroisses dans lesquelles se développent trop souvent l’entre-soi. Comme me disait récemment quelqu’un : « on assiste [terme volontairement choisi] chacun à la messe avant de repartir chez soi, sans tenir compte du voisin de banc qui peut-être ne va pas si bien et voudrait discuter, celui qui vient de perdre son épouse et qui pourtant est laissé dans la solitude, le nouveau couple qui essaie de trouver sa place mais ne semble pas accueilli… »

    Dans les pardons, on prie ensemble, on chante ensemble, on sue ensemble en portant les lourdes bannières et statues, on porte des costumes portés par nos aïeux qui ont eux-même érigés ces chapelles pour la gloire de Dieu, en chantant des cantiques qui ont bercé des générations. Puis on fait la fête ensemble dans une hospitalité formidable.

    Pour paraphraser le Cardinal Dziwisz lors de la messe d’ouverture des JMJ à Cracovie,

    « Nous apportons avec nous la richesse de nos cultures, de nos traditions et de nos langues. Nous apportons avec nous les expériences de nos Églises locales. Nous apportons avec nous les témoignages de foi et de sainteté des générations passées et de la génération actuelle de nos frères et sœurs, des disciples du Seigneur ressuscité. »

    Il n’est pas inutile non plus de rappeler le Pape Pie XII qui s’interrogeait en 1953

    « qu’il ne faut pas perdre de vue que, dans les pays chrétiens ou qui le furent jadis, la foi religieuse et la vie populaire formaient une unité comparable à l’unité de l’âme et du corps. Là où la foi s’est alanguie, les traditions populaires, privées de leur principe vital, se maintiendront-elles et se renouvelleront-elles, fut-ce artificiellement ? Dans les régions où cette unité se conserve encore, le folklore n’est donc pas une survivance curieuse d’une époque révolue, mais une manifestation de la vie actuelle qui reconnait ce qu’elle doit au passé, tente de le continuer et de l’adapter intelligemment aux situations nouvelles». 

    Or en Bretagne, vous le savez aussi bien que moi, Foi et Bretagne sont si étroitement liées qu’elles ont forgées l’âme authentique de la Bretagne, et que la foi qui s’alanguit participe à la déliquescence de la culture autant que le mépris (même inconscient) de cette culture propre participe à l’érosion de la foi. Ce n’est pas pour rien que les « libre » penseurs s’attaquent à l’un comme à l’autre, comme nous le soulignons parfois ici.

    Alors la question se pose aussi : pourquoi bien trop de paroisses ne prennent-elles pas ces modèles, véritable terreau d’évangélisation ?

    Loin d’un folklore suranné, les gens retrouvent dans ces pardons une profondeur et un accueil qu’ils ne trouvent pas forcément ailleurs.

    Rappelons-nous : « si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un témoignage contre eux. » (Luc 9, 5). Certains le font inconsciemment, d’autres volontairement.

    Alors oui, d’accord avec votre propos, pour peu que l’on puisse tenir compte des aspirations. Heidegger disait qu’il fallait nous dépayser dans nos propres origines. Ricoeur, reprenant ces propos, disait que « pour avoir en face de soi un autre que soi, il faut avoir un soi ». Assumons nos « soi » et l’expression de la foi suivant la culture locale dans nos paroisses (et pas que pour les pardons), et peut-être alors les gens – qui parfois sont partis sur la pointe des pieds car on les ignorait – reviendront, peut-être en costumes, s’engageront, et deviendront à nouveau missionnaires à l’instar de nos pères.

    J’en profite pour livrer ici une partie du texte de la bénédiction des costumes à Kernascléden :

    « Tu as fais de la Bretagne un lieu fécond d’évangélisation.Nous te prions pour ceux qui portent ces costumes traditionnels bretons : qu’en portant ces vêtements, enracinés dans cette foi chrétienne qui a forgé l’âme de la Bretagne, ils sachent reconnaître dans le Christ leur compagnon de route, et qu’ils puissent annoncer son règne, comme l’ont fait avant eux tous les missionnaires de Bretagne à travers le monde » .

    Je concluerai par l’adage breton :
    «  N’eo ket trawalc’h komz d’ar spered, red eo pikein ar c’halon » (il ne suffit pas de parler à l’esprit, il faut aussi toucher le cœur).

    • vous avez raison tous les deux : d’une façon générale, il faut éviter le tourisme dominical… Mais entre le solstice d’été et l’équinoxe d’automne, il est permis de faire des petites entorses au principe, ne serait ce que pour vérifier que l’herbe d’à côté n’est pas plus verte …
      En aucun cas je ne manquerai le pardon de la Saint Pierre à Inzinzac, mais je ne manquerai pas celui de Saint Yves-Bubry, ni celui de Ste Anne d’Auray, ni celui de Kernascleden, ni … qui pourrait m’en vouloir ??

    • Quel dommage mon cher Efflam que une telle veillée n’est pas pu se renouveler à GUemene sur scorff cette annee.nos églises se rempliront à nouveau quand ns aurons partout de telles cérémonies.le beau élevé l’âme.merci.union de prières.ad Jésum per Mariam

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