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Parole de la semaine – 3e dimanche de Pâques

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Pour ce 3e dimanche de Pâques, l’Eglise nous invite à méditer sur l’Evangile de Saint Luc, chap 24 v 35-48. Relevons tout d’abord l’insistance sur la difficulté de croire en la résurrection des morts. Elle ne commence pas avec ce que nous appelons notre monde moderne, mais avec les apôtres et leurs compagnons ! Pour la vaincre, Jésus va jusqu’à se risquer à faire croire que son corps glorieux n’a pas atteint la perfection. Il montre ses plaies et va même jusqu’à manger du poisson grillé ! En fait, il poursuit sa pédagogie de l’abaissement, j’entends par là faire découvrir aux hommes le triomphe de la vie, là où la mort semble avoir le dessus. En Jésus agonisant le bon larron reconnaît un roi qui va régner. En Jésus mort, le centurion discerne le Fils de Dieu. Et dans notre texte de ce jour, les apôtres et leurs compagnons confessent le Christ ressuscité par l’apparition d’un corps blessé ayant besoin de nourriture ! La fin de l’homélie explique le “pourquoi“ d’une telle pédagogie.

Père Michel ViotRevenons aux détails de notre texte. Dans la mentalité juive ancienne, une vie sans corps était inconcevable. Aussi faut-il que Jésus ressuscité se distingue bien d’un fantôme, d’un esprit revenu du séjour des morts, une ombre, comme aussi d’un mort rendu à notre vie tel Lazare qui un jour devra bien finir par mourir. Aussi, même s’il porte sur son corps les marques de son supplice, il apparaît et disparaît, de même qu’il mange du poisson grillé pour montrer qu’il n’est pas un fantôme. Aussi l’Eglise accompagne-t-elle son annonce du salut de signes, les sacrements, dont le plus grand est l’Eucharistie. Et d’ailleurs dans certaines liturgies anciennes on donnait aussi à ceux qui recevaient le corps du Christ du poisson grillé, voire du miel, comme certains manuscrits concernant le passage que nous méditons le mentionnent.

C’est pour manifester la réalité de la résurrection et de toutes ses conséquences dans la vie humaine que l’Eglise, à côté de la proclamation de la parole, dispose des sacrements, signes visibles d’une grâce invisible selon la célèbre définition de saint Augustin. Combien de chrétiens se rendent compte de leur réelle signification, je veux parler surtout de toutes les obligations qui vont avec un sacrement ?

Exemple ? Combien font le lien entre la participation à l’Eucharistie et la nécessité d’avoir recours au sacrement de pénitence-réconciliation ? Combien de parents sont-ils réellement conscients de ce qu’implique le baptême de leurs enfants pour leur vie de famille et pour l’éducation religieuse de cet enfant ? Combien de fiancés enfin comprennent tout ce que signifie le sacrement du mariage comme symbole de l’union du Christ avec son Eglise, appliqué à l’homme et à la femme ? Je pense en particulier à l’indissolubilité, difficulté que la loi civile contourne par le divorce mais que ne peut accepter l’Eglise. Depuis un bon moment déjà l’Eglise a réhabilité le mariage par rapport au célibat, et c’est tant mieux parce que conforme à la théologie biblique. Dans un tweet du 9 mai 2014, le pape François écrivait : « la sainteté demande le don de soi avec un sacrifice chaque jour ; pour cela le mariage est une voie magistrale pour devenir saint. »

Le mariage chrétien, tout comme l’ordination au ministère sacré, ne vont pas de soi et demandent des sacrifices. Il n’est pas évident d’aimer la même personne toute sa vie, que ce soit un conjoint, Jésus Christ ou l’Eglise. Je suis bien conscient des problèmes des divorcés remariés, comme aussi des difficultés que supportent les prêtres qui ont quitté leur ministère. Mais de grâce n’allons pas faire n’importe quoi au nom de la charité !

Je sais que selon 1 Corinthien 13 : « la charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne tante pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil […] » (Verset 4). Mais c’est la charité du Christ, qui ne peut se concevoir sans vérité et justice. Ainsi faut-il chercher des solutions à ces problèmes dans le droit de l’Eglise (droit canon) et dans l’approfondissement de la doctrine de la pénitence et du pouvoir des clés, c’est à dire le pouvoir de lier ou de délier les péchés, pouvoir qui n’appartient en plénitude qu’aux évêques, plutôt que de rechercher dans un esprit revendicatif qui tord le sens des textes bibliques et rabaisse la grandeur des sacrements.

Et je pourrais poursuivre mes questions, montrant pour qui réfléchit aux réponses que l’on peut donner, que le peuple chrétien ne vit pas à « plein régime » les sacrements de l’Eglise. Sans parler bien sûr de tous les baptisés qui ne pratiquent jamais ou que très rarement. Ne nous y trompons pas, malgré les nombreux chrétiens qui dans nos assemblées viennent participer à l’Eucharistie, il y a actuellement dans l’Eglise une sous-évaluation des sacrements accélérée par leur désacralisation, au profit d’un spiritualisme volontiers bavard et fondé sur de bons sentiments.

Aussi ceux qui, de fait, ne donnent pas aux sacrements leur juste valeur devraient aller jusqu’au bout de leur pensée et trouver inutile, et pourquoi pas ridicule, que le Christ ressuscité montre ses mains et ses pieds blessés et mange un poisson grillé.

Comme disciple de celui qui n’a pas dédaigné opérer une sorte de retour en arrière, en faisant revenir sur son corps de gloire quelques caractéristiques de son corps terrestre : les plaies et la faim, j’ai la conviction de l’utilité et de la nécessité des signes visibles pour placer quelqu’un en communication avec les grâces de Dieu. La parole de Dieu prêchée ne suffit pas, et encore moins les bons sentiments pour vivre pleinement toutes les conséquences de la résurrection du Christ.

Comme jadis Jésus montrait ses mains et ses pieds à ses apôtres et mangeait avec eux un poisson, il s’offre aujourd’hui à nous dans les signes visibles de ses sacrements, bien compris et bien vécus.

Pour en profiter pleinement, prenons la peine d’être attentifs aux enseignements de l’Eglise à leur sujet, et profitons de ce temps de fête de la résurrection de Jésus pour nous mettre à jour.


(Extrait du livre « A l’écoute de la Bible, homélies Dimanches et fêtes – Année B », Artège 2014)

À propos du rédacteur Père Michel Viot

Prêtre catholique du Diocèse de Blois, ancien pasteur et évêque luthérien, ancien franc-maçon, il a été aumônier de prison, vicaire épiscopal du Diocèse de Blois puis aumônier militaire chargé des anciens combattants. Il est aujourd'hui au service du Diocèse de Paris. Rédacteur occasionnel pour le blog breton Ar Gedour, certains des articles de son blog sont aussi parfois repris avec son aimable autorisation.

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Un commentaire

  1. Merci Père pour cette superbe homélie du 3ème dimanche de pâques
    pour la déguster et la relire en douceur j’aurai aimé l’imprimer
    en tous cas je suis ravie d’entendre 1 prêtre
    confirmer l’indissolubilité du mariage et surtout nous dire
    que c’est chemin vers la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés
    Votre Homélie secoue et va à contre courant des âmes  » bien pensantes  » …
    que faisons-nous de nos engagements ? tel que le sacrement de mariage ?
    Ma prière vous rejoint ( sommes nous croyants ou disciple )

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