PELERINAGE FEIZ E BREIZH 2025 : VERS UNE RENAISSANCE DE L’IDENTITE CATHOLIQUE BRETONNE (+ vidéo) ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 13 min
Photo : Feiz e Breizh 2025

Nous avons déjà publié un article sur le Pèlerinage Feiz e Breizh 2025. Voici cependant le compte-rendu d’un de nos collaborateurs, ainsi que la vidéo rétrospective de cette édition réalisée par l’association Feiz e Breizh. 

Il y à 7 ans était créé le pèlerinage Feiz e Breizh, en français, Foi en Bretagne, qui se voulait dans sa dimension encore très modeste être l’équivalent breton du pèlerinage de Chartres. Moins d’une centaine de pèlerins, sur une cinquantaine de kilomètres, entreprirent  à la force de leurs pieds, et avec une foi enthousiaste et prometteuse de futures moissons de rejoindre Sainte Anne d’Auray, haut-lieu emblématique de la foi bretonne. Sept ans plus tard, pari réussi, et au-delà de toute espérance. A la petite centaine de pèlerins de la première heure, répond aujourd’hui deux bons milliers de frères et sœurs dans la foi, mais aussi des gens en recherche d’authenticité spirituelle et culturelle bretonne, de réenracinement où la foi, le sacré et le beau sont premiers. C’est bien ce qu’exprime parfaitement le nom de ce pèlerinage, vivre sa foi en Bretagne, et que cette foi vécue soit le reflet de l’âme bretonne authentique, invitant d’autres à y adhérer. Une foi qui ne soit plus à côté, voir contre l’homme breton, comme c’est encore trop le cas, mais avec lui.

Une expression de la foi qui toutefois demande aux pèlerins, Bretons ou non (et au clergé …) un minimum et légitime effort : s’efforcer de comprendre cette âme, cette culture bretonne qui s’explique par l’expression vivante de ce qu’elle peut produire de plus beau : sa liturgie, ses bannières, ses drapeaux, ses costumes, ses cantiques, sa langue, ses saints et saintes, de tout son patrimoine religieux où le sacré, le beau en sont les piliers. De comprendre que nous ne sommes pas dans un folklore pour touristes en mal « d’exotisme », mais dans une réalité spirituelle bien vivante au service de Dieu, de la foi, de son Eglise, là est toute la différence avec un festif profane, parfois douteux sur l’authenticité bretonne qu’il prétend incarner (1)

EN CE MATIN A MONTERBLANC,  UNE AGITATION INHABITUELLE …

Photo Feiz e Breizh

Le samedi 20, rendez-vous était donné aux pèlerins au bourg de Monterblanc, au sud de Vannes. Comme l’an passé à Languidic, le bourg et son église connurent une agitation inhabituelle, voir arriver 2000 pèlerins, bien équipés pour la marche, brandissant bannières, drapeaux, croix et enseignes des divers Chapitres avait de quoi susciter les curiosités.

La messe célébrée, ce fut le départ sous un ciel qui semblait ne pas être trop partie prenante de la longue marche, près de trente kilomètres que chacun allait faire « avaler » à ses pieds. Stimulés par les prières, les cantiques, les méditations la digestion des kilomètres se fit, malgré des fatigues légitimes, des ampoules et crampes taquines. Vers les 18 heures, laissant les longs kilomètres derrière eux, les chapitres prirent possession de la grande prairie des Soeurs Coopératrices du Christ Roi de Bieuzy-Lanvaux, joyeuses de recevoir comme les années passées toute une jeunesse animée par l’idéal Feiz ha Breizh (Foi et Bretagne), se voulant être témoins et missionnaires d’un renouveau spirituel de la Bretagne. Alors que la vaste prairie se muait en un grand village de tentes, et qu’étaient plantés drapeaux, enseignes et croix, permettant à chacun de retrouver son chapitre, une soupe bien chaude venait réconforter et réchauffer tout le monde.

AVANT D’ALLER DORMIR SOUS LES ETOILES …

La nuit tombée, place à la détente autour de bons feux de camps avec une veillée de haut niveau. Une scénette retraçant les apparitions de Sainte Anne à Yvon Nicolazic, des jeux et des chants bretons firent oublier les fatigues. Puis se fut la prière du soir, le « couvre-feu » invitant les plus fatigués, les plus jeunes à aller dormir.  Pour les autres, était proposée une adoration du Saint Sacrement dressé sur un autel admirablement décoré, et c’est à la lumière de vingt torches portées par des jeunes gens que l’adoration se fit. Le Tantum ergo, les cantiques bretons, font écho aux chants des chouettes. Puis, c’est l’heure du couvre-feu. Dans la petite église de la communauté une adoration nocturne est proposée, et tout au long de la nuit le Christ dans le soleil de l’ostensoir ne sera pas laissé seul.

DANS LE SILENCE DU MATIN …

Dimanche 21, « Dans le silence du matin » comme le chante le beau cantique scout, et qui demande, «alors qu’à peine le jour se lève », à « Jésus de descendre dans nos âmes, et d’être notre compagnon de chemin », et en ce jour il va cheminer avec chaque pèlerin, c’est le réveil au son de la cornemuse. Tout est mené tambours battants et avec la discipline qu’il sied à un tel évènement, conditions d’un bon départ. C’est que cette fois-ci, il s’agit d’encaisser dans ses pieds les vingt kilomètres restant qui mènent vers la basilique de Sainte Anne d’Auray, c’est peu mais, il y a tout de même les fatigues de la veille qui lancent, ici et là, quelques rappels. Prières, cantiques et méditations vont venir au secours de ses légitimes fatigues, car si on peut éviter de prendre la voiture balai c’est mieux, mais pas déshonorant. Les nuages, l’humidité de l’aube inquiète quelque peu, mais laisse apparaître un bleu prometteur d’une belle journée.

Comme tous pèlerinages arrivant à leur but, la vue du sanctuaire motive bien des soupirs de soulagements « Ouf, enfin ! ». Mais la récompense est là. L’impressionnant cortège de pèlerins de toutes générations, portant haut et fier leurs bannières, leurs drapeaux, leurs enseignes rappelant d’où ils viennent, se met en route près de la maison de Nicolazic, vers le parvis de la basilique. Petit parcours, mais grandiose marche aux sons des cornemuses, des bombardes, des tambours. La beauté des costumes bretons, dont ceux charmants des enfants, rehausse l’enracinement de la Bretagne croyante, car le costume breton est comme l’habit liturgique du prêtre, de sa soutane, l’uniforme du militaire emprunt de sacré, ils se doivent d’êtres beaux et portés avec dignités …

Un « petit plus » se présentait ce jour là dans le cortège des sonneurs du Bagad Feiz & Sevenadur : un jeune prêtre en soutane sonnait de la cornemuse : le succès était garanti. Remarqué aussi, auprès d’un des prêtres qui confessait sur le parvis, à ses côtés, un magnifique chien-loup, dont le collier de poils lui faisait comme un … col romain ; assurément le brave animal qui était aussi du pèlerinage ne venait pas pour se confesser (c’est la différence avec l’homme, nos compagnons à quatre pattes n’ont pas besoin d’avouer leurs fautes …), et la brave bête saurait fermer ses oreilles sur les confessions des pénitents qui s’agenouillaient auprès de son maître. La joyeuse ambiance d’un pèlerinage est aussi faite de multiples petites anecdotes comme celles-là.

BRETAGNE, IL N’EST PLUS TEMPS DE DORMIR, REVEILLE-TOI !

Photo Feiz e Breizh (DR)

L’entrée dans le sanctuaire est solennelle, digne de la Grand-Mère du Christ, le sacré se déploie, tant dans les attitudes de chacun prenant place, que dans tout un rituel indispensable à l’éclat de la cérémonie et à l’édification des fidèles. Eclate alors avec force, celui que l’on peut appeler le second « hymne national breton », le célèbre Da Feiz hon Tadou Koz (La Foi de nos Pères), expression même de l’intitulé du pèlerinage, car c’est bien de la foi en Bretagne de nos pères dont il s’agit, foi qu’ils nous ont transmis pour qu’à notre tour nous en soyons les ponts, les passeurs dans la tradition, une tradition non pas figée d’un autre temps mais bien vivante, enracinée.

Monseigneur Centène, évêque de Vannes, au nom de Sainte Anne, accueille les pèlerins. Assisté de prêtres, de servants d’autels revêtus de leurs plus beaux vêtements liturgiques, il célèbre Ad orientem (suivant la tradition séculaire de l’Église, le dos au peuple) la messe Tridentine. La très populaire Messe des Anges que renforce une excellente chorale. : grégorien et cantiques bretons, dont le très beau Ô Anna Mamm Mari sont repris avec émotion par l’assistance, si nombreuse que beaucoup n’ont pu prendre place dans le sanctuaire … bien trop petit en ce beau jour vraiment breton.

Dans son homélie, Monseigneur Centène s’attache justement à souligner cette foi bretonne si particulière, pétrie de traditions, le nécessaire enracinement terreau de la foi dans un monde où le déracinement s’est banalisé, devenant à notre insu une seconde nature, autant dans le spirituel que dans le temporel de notre vie. Il fait appel au poète groisillon Jean-Pierre Calloc’h, citant sa belle prière qui est tout un programme pour les pèlerins :

« Mon Dieu, apprenez-moi les mots qui réveils un peuple, et j’irai messager d’espérance les répéter sur ma Bretagne endormie. »

 C’est une invitation clair pour que chacun, retournant chez lui, ne se contente pas de ce grand jour, façon « finie la fête, fini le saint », d’avoir été, pour quelques belles heures un « consommateur satisfait de belles traditions », mais soit lui aussi un Messager d’espérance, et n’hésite pas à « répéter  les mots qui réveilleront la foi endormie de trop de Bretons », concrétisant ainsi dans son quotidien de chrétien les fruits de ce beau pèlerinage breton.

 La messe dura près de … trois heures, mais sa beauté exceptionnelle suppléa à quelques fatigues et impatiences peu habituées à un sacré qui « prend tout son temps pour Dieu». Après tout, un match de foot, un film à la télé et bien du festif profane qui font dans l’éphémère et une affligeante médiocrité durent davantage, et n’étions nous pas, en cet an de grâce 2025 à fêter les 400 ans des apparitions de Sainte Anne, patronne des Bretons, à Iwann Nicolazic ?

 La messe achevée, l’association Feiz e Breizh, par une prière, se consacra au Sacré- Coeur, au Christ-Roi, pour que cette magnifique œuvre de renouveau de la « Foi en Bretagne » perdure, se répande, porte ses fruits, pour que la Bretagne devienne, ou redevienne « ce Cierge de l’Église à la pointe de l’Occident qui attire les peuples », comme le chante encore Jean-Pierre Calloc’h dans sa prière Tri Neved, Tri Beden (Trois Sanctuaires, trois prières).

 La « petite armée » de bénévoles sans lesquels il n’y aurait pas de pèlerinage, les nombreux jeunes prêtres qui en assurent le service spirituel, avaient assurément bien besoin de cette « assurance » confiée au Rois des rois.

UN  PELERINAGE  QUI  A  RALLUME  LE CIERGE DE LA  FOI  DE  NOS  PERES

Photo Feiz e Breizh (DR)

La sortie fut aussi triomphale que l’entrée. La joie engendrée par la beauté, le sacré, sève des plus belles traditions bretonnes, donnait place à un festif, non pas décalé de ce qui venait d’être vécu, mais dans la continuité : ne dit-on pas qu’ « un saint triste et un triste saint », et il ne pouvait être question d’avoir des pèlerins tristes sur deux beaux jours qui déjà appartenaient au passé, mais qui pensaient à l’édition 2026. Preuve était faite, une fois de plus, que lorsque la beauté, l’identité vraie se mettant au service de Dieu, le cierge breton de la foi peut revivre, et se muer même en un aimant qui attire. Dostoïevski disait que c’est « la beauté qui sauvera le monde », le pèlerinage Feiz e Breizh en était la confirmation vivante. Et chacun de se promettre d’être présent l’année prochaine. A Sainte Anne d’Auray, en ce jour était visible l’âme de la vraie Bretagne, la voie à suivre était depuis sept années montrée, la seule voie qui puisse être agrée par le Christ, Marie, Sainte Anne, tous nos saints et nos saintes qui ont désirés faire de cette terre d’Armorique, proue de l’Occident, leur terre.

 Soulignons aussi l’étonnement de touristes qui ne s’attendaient pas du tout à trouver tant de beauté, que cela puisse encore exister.  En effet, disons que cela, n’existait plus, ou presque, dans une Bretagne où les déserts spirituels s’étaient, comme partout en France installés, devenant une fatalité.  Jean-Pierre Calloc’h, animée de sa foi profonde, s’était autorisé à admonester Dieu : « Vous serez bien plus avancé, Seigneur,  quand il n’y aura plus de Bretagne ! (chrétienne). La Bretagne tombée, ce sera un cierge de moins dans Votre Eglise catholique. » Non, cela ne se pouvait, il appartenait donc aux Bretons de prouver que la foi en Bretagne n’était pas encore morte, et qu’elle ne le serait jamais, que ses églises et ses chapelles ne pouvait devenir son tombeau, que le cierge avait été par ses milliers de pèlerins rallumé, et c’est bien ce que prouva l’esprit du pèlerinage. Saint Pie X, n’avait-il pas dit que « La Bretagne est en France le rempart de la foi » (2)

 Le cantique Da Feiz hon Tadou Koz, les devises-programmes Feiz ha Breizh  et Feiz e Breizh, qui ne font qu’une, montraient durant ces deux journées, comme l’éclat du soleil de l’ostensoir, tout leur sens, toute leur profondeur.

« Santez Anna, Mamm-Goz hor salver Jesus-Khrist. Mamm ar Werc’hez ha Mamm hor Bro benniget ho Bretonned ha grit ma vevo Breiz da virviken »

(Sainte Anne, Grand-mère de notre Sauveur Jésus-Christ, Mère de la Vierge Marie et Mère de notre Pays, bénissez les Bretons et faites que vive la Bretagne à jamais) (3)

Notes :

1) Par exemple : que les chorales paroissiales fassent un réel effort pour que dans les messes ou autres célébrations, au moins un cantique breton y trouve sa légitime place, que cesse une hostilité très perceptible dans trop d’équipes liturgiques, dans le clergé même.

2)  An Daoulin – Lais bretons de J-P Calloc’h .

3) Conclusion du Testament de l’abbé Perrot , écrit au front en août 1918 , alors qu’il pensait comme son ami Jean-Pierre Calloc’h être tué.

À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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