Pour une Bretagne enfin majeure : et le spirituel ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Skol Vreizh / Ar Falz, s’alarmant à raison de la situation générale notamment dans les domaines sociaux, économiques, environnementaux, culturels, linguistiques et politiques, vient de lancer, suite à la publication de l’ouvrage Où va la Bretagne sorti en Mai 2018 et au colloque qui a eu lieu à Ploujean en novembre dernier, une plateforme intitulée “Pour une Bretagne enfin majeure”.

Le texte officiel -le manifeste de Carhaix – que vous pouvez retrouver ici, dit :

Ces dernières années, des constats convergents ont été établis sur l’état de la Bretagne par des auteurs et des associations de sensibilités politiques et idéologiques différentes à travers des conférences et de nombreux ouvrages. Tous, peu ou prou, arrivent aux mêmes conclusions, celles que nous soulignons dans le livre Où va la Bretagne? et reprises à l’occasion du colloque du 16 novembre 2018. En dépit des discours d’une grande part de nos représentants politiques, la situation de la Bretagne n’évolue pas significativement au regard des besoins et des enjeux. Certaines évidences sont niées.
Car, derrière l’image d’une société jouissant d’un apparent bien-être, la Bretagne donne des signes de grande fragilité. Les fondements structurels qui construisent son dynamisme, son identité, son originalité, sont menacés à court terme.
La question est très sérieuse, très grave même comme le soulignent les derniers événements.

Si l’initiative n’est pas sans rappeler le CELIB et convient d’être soutenue, gageons que le travail pour dépasser les sensibilités est colossal. Nous l’avons encore vu lorsqu’il s’agissait de dénoncer ensemble l’acte odieux de la profanation de la tombe de l’abbé Perrot. Chacun était prêt à dénoncer l’acte, mais pas de se retrouver dans un même message neutre aux côtés de l’adversaire politique. Nous ne pouvons donc qu’encourager les situations qui permettraient à chacun de se retrouver pour une cause commune malgré les différences.

Et le spi ?

croix celtique
Photo GL / Ar Gedour (Droits réservés)

Cependant, nous pouvons nous étonner qu’il n’y ait rien dans ce texte concernant l’aspect spirituel. Normal, arguera-t-on, puisqu’il s’agit d’une initiative laïque dans laquelle la religion n’a pas sa place…

Et c’est là où le bât blesse, car l’identité même de la Bretagne est chrétienne. Plus exactement chrétienne… et celtique ! Comment peut-on prétendre préserver l’identité de la Bretagne, tout en niant une part de son ADN ?

Or, on pourra faire les propositions qu’on veut, si rien n’est fait sur la pierre angulaire du Christ, rien ne se fera de solide. Il n’est pas inutile de rappeler que l’acharnement à l’éradication de la langue bretonne et de la foi vont de pair, car les adversaires de la Bretagne ont bien compris, eux, que les deux étaient liées. Et que la laïcisation de la société bretonne n’est ni plus ni moins qu’une résultante d’une colonisation de la pensée, héritière des lumières, qui a mené à l’effondrement dont parle la plate-forme. Si nous ne tenons pas compte de cela, le travail linguistique et culturel ne devient alors qu’un vernis qui cache l’effritement de l’âme. Il existe une fracture sur laquelle il faut mettre un nom : c’est la fracture spirituelle…

Ar Gedour, plate-forme pour une Bretagne adulte

Il est mentionné en fin de document que “ignorer ces revendications, c’est tuer définitivement la Bretagne; et c’est surtout ouvrir la porte à des comportements extrêmes de dépit voire des populismes, perceptibles depuis les élections de 2012. Il est encore temps de sauver notre pays: dans une génération, il sera trop tard !”

Nous pourrons ajouter qu’ignorer l’âme de la Bretagne en laissant de côté un élément essentiel de celle-ci, c’est définitivement la tuer.  Une Bretagne vraiment majeure, c’est celle qui affirme sans complexe ce que le christianisme a forgé en Armorique en faisant fi du poison laïciste qui infeste la liberté de conscience. Une Bretagne adulte, c’est celle qui dit sans rougir ce qu’elle doit à tous ces saints et missionnaires qui ont fondé ce territoire et l’ont durablement marqué.  Une Bretagne vraiment majeure, c’est celle qui, comme Xavier Grall ou Anjela Duval, dit ce qu’est son âme en laissant de côté la colonisation de la conscience qui la corrompt. Evidemment, loin de nous l’idée de critiquer ce qui se fait via cette plateforme, car elle a le mérite d’exister.

Nous ne pouvons donc que soutenir cet appel mais, vous l’aurez compris, nous ne pouvons rester les bras croisés concernant cet aspect spirituel. Ayant conscience que la plate-forme ne pourra prendre en compte cet élément spirituel, Ar Gedour prend le relais sur ce sujet.

Mais comment faire ?

D’un côté, il y a ce que nous, chrétiens, sommes à même de faire dans nos paroisses. On ne peut déserter les lieux et se plaindre que rien ne se fait. On peut comprendre une lassitude quand à longueur de dimanches on laisse par exemple de côté nos cantiques bretons, mais ce n’est pas en laissant le terrain qu’on arrivera à changer les choses.

De l’autre, il peut y avoir des propositions que nous pouvons faire remonter aux autorités ecclésiastiques. Beaucoup ont déserté les églises car ils ne s’y retrouvaient plus. Laissons de côté les querelles de chapelles et les amertumes, et avançons sur le terrain. Que chaque membre de ce que nous pourrions appeler l’Emsav catholique, que chaque personne attachée à l’expression bretonne de la foi ou consciente de l’identité chrétienne de la Bretagne se rassemblent pour avancer, faire des propositions constructives et avancer sur des pistes concrètes.

Ar Gedour, suite à des demandes sur le terrain, proposera donc – en lien avec toutes les bonnes volontés – des tables rondes à travers la Bretagne, continuant le travail de fond réalisé depuis des années. L’un de nos projets 2019, dont nous avions parlé dans notre bilan, verra auparavant le jour. Le prix pour le breton en paroisse va aussi dans le même sens.

Vous pouvez d’ores et déjà nous faire vos propositions, remarques via ce formulaire :

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    À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

    Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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