C’était le titre initial de l’émission que propose la station radio d’Etat France Inter du 30 octobre 2015, avant que cela ne se métamorphose en « les langues régionales sont elles importantes ? » C’est plus light, effectivement.. Sauf que le titre initial est resté un peu partout.
Dans un pays qui se targue d’être ouvert, où tout le monde appelle à la tolérance, on voit que l’ouverture n’est souvent qu’en sens unique. D’ailleurs, nous préférons parler de respect mutuel plus que de tolérance, ce dernier terme impliquant automatiquement une supériorité de l’un (celui qui tolère l’autre dans son espace) par rapport à l’autre (celui qui est toléré). Et c’est d’ailleurs là où le bât blesse. Commençons ainsi par le terme « langue régionale » : rien que cette expression implique d’office une supériorité d’une langue dite nationale sur une langue dite régionale. Nous nous demandons d’ailleurs pourquoi les défenseurs de la langue bretonne continuent à parler de « langue régionale » participant ainsi malgré eux à ce complexe de supériorité. Et après on s’étonne que le projet de loi de Paul Molac ait été retoqué dans la nuit du 14 au 15 janvier 2016, énième épisode d’une fâcheuse manie à réclamer quelque chose qui pourtant revient de droit.
Ce complexe de supériorité, nous le trouvons chez ces chantres de l’ouverture et de la tolérance, chez ces fils des Lumières, sectateurs d’une république jacobine qui marche après marche avancent contre tout ce qui n’est pas conforme à leur schéma de pensée. Pour eux, le progrès c’est uniquement la langue française car l’obscurantisme est dans les « dialectes et les patois ». Exemple dans les commentaires de l’émission, mais exemple qui n’est qu’un échantillon de ce que nous trouvons à travers le net :
Citons par exemple « Jules César » : « Obliger nos enfants à apprendre des langues folkloriques ? Et pourquoi ne pas aussi les obliger à apprendre comment fabriquer des sabots pour que ce savoir ne se perde pas ? Je préfère que mes enfants apprennent des langues d’ouverture aux autres, des langues utiles pour communiquer, plutôt que des dialectes identitaires de replis sur soi. » Plus raciste, tu meurs. Plus ignare, tu meurs aussi. Les Bretons n’ont aucune leçon d’ouverture à recevoir de la part de personnes qui se replient quant à eux clairement sur eux-mêmes. Le repli identitaire et la fermeture à l’autre n’est pas chez les défenseurs des langues dites régionales mais chez les opposants. Ils ne savent tellement plus qui ils sont qu’ils ont peur de l’autre (surtout s’il est breton, corse, basque, alsacien…) préférant l’écraser derrière de fallacieux prétextes maquillant difficilement une idéologie jacobine.
Citons aussi le député Jean-Luc Laurent qui à la suite du rejet de la proposition de Paul Molac, titre ainsi l’un de ces billets : « bienvenu chez les dingues » (cf capture d’écran ci-contre ou sur son blog).
Nous le voyons, le chauvinisme, le soi-disant repli identitaire n’est clairement pas chez nous ou chez ceux qui défendent bec-et-ongles une culture propre via une langue millénaire, transmettant un héritage profond et très ancien, une manière d’être qui va bien au-delà du seul système de communication qu’est une langue, et qui évolue avec son temps (n’en déplaise aussi à ceux qui se plaignent de la création de mots nouveaux et préfèrent une Bretagne plongée dans la naphtaline qu’on ressort pour les touristes l’été venu).
L’Histoire de Bretagne montre que les Bretons, tout en affirmant leur culture et en ayant une identité forte, étaient (et sont encore) capables de s’ouvrir à l’autre, et sa dimension maritime n’y est pas étrangère. Ce n’est pas pour rien que la Bretagne a donné tant de missionnaires, tant de navigateurs, tant de gens engagés dans la politique, le religieux ou le social… Il est donc nécessaire de bien faire comprendre à tous ceux qui tiennent et véhiculent ces discours que nous n’acceptons plus d’être d’éternels piétinés.
Comme conclusion, nous vous proposons la réaction de la chanteuse Nolwenn Korbell suite à cette émission : « Première réaction à l’énoncé de votre émission: « Pourquoi s’accrocher à la vie? » On sait lorsque l’on nait que nous mourrons un jour. Il ne vaut donc pas la peine de vivre? Une langue même minorisée, minoritaire, mise à mal, en danger, à le droit de vivre, tant elle véhicule d’humanité, d’intime, de poésie, d’histoire, d’identité, de façons de dire le monde. Deuxième réaction, en renvoyant la question aux décideurs: « Pourquoi s’accrocher à UNE langue? » Il n’est plus à prouver les bienfaits du pluralisme linguistique. S’accrocher à une langue unique en France est archaïque, et relève d’un certain négationnisme qui est de nier le fait que d’autres langues sont parlées sur le territoire français! »
CQFD…