Quelques soient les circonstances, il était impossible que le pardon de Saint Nicodème n’ait pas lieu en temps et en heure : la chapelle qui lui est dédiée, ainsi qu’à Saint Cornély, à Pluméliau pointe haut au dessus des maïs et des champs fraîchement moissonnés son magnifique clocher tout rénové qui fait d’elle une cathédrale plantée en pleine campagne plus qu’une petite chapelle perdue au milieu de nulle part.
Néanmoins, Covid oblige, masque obligatoire a rappelé le recteur Francis Le Goff en donnant l’exemple par une parabole imagée que tout le monde a compris en réajustant sur le nez l’équipement ad hoc.
Les fontaines avaient été soigneusement nettoyées et l’herbe des alentours consciencieusement tondue par les bénévoles de l’association conscients de l’importance de leur tâche pour la conservation du patrimoine légué par leurs ancêtres.
A l’intérieur de l’édifice, les dalles balayées et lavées à grandes eaux, les fleurs arrangées en somptueux bouquets mettaient en valeur le mobilier antique que forment les retables du chœur et des transepts mettant à l’honneur les images des saints qui y sont révérés.
Au nord, Saint Pierre, le chef de l’Église avec ses clés et le madrilène Saint Isidore, patron des cultivateurs ; au sud, Notre Dame de Lorette, cette ville d’Italie centrale où aurait été reconstruite en 1291 la maison de Marie rapportée de Nazareth à la fin des croisades et saint Cornély, le pape Corneille martyrisé en 253, qu’en raison de la consonance de son nom on révère dans le pays pour la protection des bêtes à cornes et plus généralement, des animaux domestiques, comme ailleurs Saint Thélo sur son cerf, christianisation du dieu celte Cernunnos.
Le grand retable du chœur présente une descente de croix encadrée de trois statues, au dessus celle de Nicodème, à gauche Gamaliel et à droite, Abibon.
Mais qui sont ces personnages ainsi honorés ?
Nicodème est ce personnage important de l’Évangile de Saint Jean qui rencontre, subrepticement et de nuit, en cachette, Jésus avant que celui-ci ne quitte Jérusalem pour s’en retourner en Galilée en traversant la Samarie.
3 1 Or il y avait, parmi les Pharisiens, un homme du nom de Nicodème, un des notables juifs. 2 Il vint, de nuit, trouver Jésus et lui dit: » Rabbi, nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui. «
3 Jésus lui répondit: » En vérité, en vérité, je te le dis: à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. «
4 Nicodème lui dit: » Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? «
5 Jésus lui répondit: » En vérité, en vérité, je te le dis: nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.
7 » Ne t’étonne pas si je t’ai dit: « Il vous faut naître d’en haut « . «
8 Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. «
9 Nicodème lui dit: » Comment cela peut-il se faire ? » 10 Jésus lui répondit: » Tu es maître en Israël et tu n’as pas la connaissance de ces choses!
11 En vérité, en vérité, je te le dis: nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu et pourtant vous ne recevez pas notre témoignage.
12 Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel ?
13 Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
14 Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé
15 afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle.
16 Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle.
17 Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
18 Qui croit en lui n’est pas jugé; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
19 Et le jugement, le voici: la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière parce que leurs oeuvres étaient mauvaises.
20 En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses oeuvres ne soient démasquées.
21 Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses oeuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu.
C’est ainsi que Nicodème est passé dans le langage (peu) courant comme le synonyme de niais, nigaud, pour désigner une personne quelque peu simplette. Balzac se qualifie de « plus grand Nicodème qui soit tombé de la lune » (Modeste Mignon). Le grand Mauriac, au prétexte qu’à l’âge de 12 ans, il admettait « tous les contes à dormir debout » se faisait traiter par Camille de Nicodème (la robe prétexte)
Pour cette raison, Nicodème est un de mes saints patrons auxquels je tiens beaucoup !
C’est lui qui, parmi les pharisiens, s’est courageusement élevé contre ceux qui voulaient s’emparer de Jésus au prétexte que, galiléen, il ne pouvait être le Christ annoncé par les Écritures comme devant être issu de la race de David à Bethléem.
7 50 Mais l’un d’entre les Pharisiens, ce Nicodème qui naguère était allé trouver Jésus, dit: 51 » Notre Loi condamnerait-elle un homme sans l’avoir entendu et sans savoir ce qu’il fait ? » 52 Ils répliquèrent: » Serais-tu de Galilée, toi aussi ? Cherche bien et tu verras que de Galilée il ne sort pas de prophète.
C’est aussi lui qui, avec Joseph d’Arimathie, plus courageux qu’aucun des disciples de Jésus, rendra les derniers devoirs au crucifié en assurant l’ensevelissement du corps de Jésus descendu de la croix comme l’illustre le grand panneau central du retable.
19 39 Nicodème vint aussi, lui qui naguère était allé trouver Jésus au cours de la nuit. Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres. 40 Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes, avec des aromates, suivant la manière d’ensevelir des Juifs. 41 A l’endroit où Jésus avait été crucifié il y avait un jardin, et dans ce jardin un tombeau tout neuf où jamais personne n’avait été déposé. 42 En raison de la Préparation des Juifs, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Gamaliel, comme Nicomède, est un pharisien qui n’a pas froid aux yeux : devant le Sanhédrin, nous racontent les Actes des Apôtres qui le qualifient de « docteur de la Loi, respecté de tout le peuple » (5, 34), il plaide pour les apôtres auxquels il est reproché de, malgré l’interdiction formelle qui leur en avait été faite, propager la résurrection de Jésus crucifié.
5 35 puis il déclara: » Israélites, prenez bien garde à ce que vous allez faire dans le cas de ces gens. 36 Ces derniers temps, on a vu surgir Theudas: il prétendait être quelqu’un et avait rallié environ quatre cents hommes; lui-même a été tué, tous ceux qui l’avaient suivi se sont débandés et il n’en est rien resté. 37 On a vu surgir ensuite Judas le Galiléen, à l’époque du recensement: il avait soulevé du monde à sa suite; lui aussi a péri, et tous ceux qui l’avaient suivi se sont dispersés. 38 Alors, je vous le dis, ne vous occupez donc plus de ces gens et laissez-les aller! Si c’est des hommes en effet que vient leur résolution ou leur entreprise, elle disparaîtra d’elle-même; 39 si c’est de Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. N’allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu! » Se rangeant à son avis, 40 ils rappelèrent les apôtres, les firent battre de verges et, après leur avoir enjoint de ne plus prononcer le nom de Jésus, ils les relâchèrent. 41 Les apôtres quittèrent donc le Sanhédrin, tout heureux d’avoir été trouvés dignes de subir des outrages pour le Nom. 42 Chaque jour, au Temple comme à domicile, ils ne cessaient d’enseigner et d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Messie.
Paul, le grand Paul lui-même, autorisé à plaider en personne sa cause devant la foule de Jérusalem, se présente ainsi, se recommandant de Gamaliel.
22 3 » Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie, mais c’est ici, dans cette ville, que j’ai été élevé et que j’ai reçu aux pieds de Gamaliel une formation strictement conforme à la Loi de nos pères. J’étais un partisan farouche de Dieu, comme vous l’êtes tous aujourd’hui, 4 et, persécutant à mort cette Voie, j’ai fait enchaîner et jeter en prison des hommes et des femmes. 5 Le Grand Prêtre et tout le collège des anciens peuvent en témoigner: c’est d’eux en effet que j’avais reçu des s pour nos frères lorsque je me suis rendu à Damas avec mission d’enchaîner et d’amener à Jérusalem, pour les faire punir, ceux qui étaient là-bas.
C’est ainsi qu’en bon professeur Gamaliel est représenté enseignant la Bible ouverte devant ses élèves parmi lesquels Saül, futur Paul, et Abibon, un de ses fils.
Abibon, n’est autre que le saint Diboan (sans douleur), encore appelé « Tu pe du », (d’un côté ou de l’autre), le condisciple de Saül, futur Paul, sur les bancs de l’école rabbinique de son père.
De la même manière que son père il est représenté ici avec la Bible ouverte vers le public, comme à l’église de la Trinité-Porhoët le diacre Philippe avec l’index de la main droite levé, montrant le ciel. Malheureusement le bras droit de saint Abibon est brisé. Sans doute mettait il sa main en cornet autour de son oreille pour mieux entendre les explications de son professeurs de père. N’est il d’ailleurs pas invoqué à la fontaine de Bonigeard en Meslan pour soulager les maux d’oreilles ?
Mais il reste celui qui n’abandonne pas l’agonisant entre deux eaux : il le délivre soit par une mort rapide, soit par une guérison suivi d’un rétablissement aussi radical….
A l’issue de la messe, la procession a vu la croix et les bannières précéder les statues des saints Nicodème et Cornély portées par les pèlerins, suivie de la foule des fidèles jusqu’à la croix à proximité de laquelle aurait du être préparé le tantad, le feu pour brûler nos iniquités de l’année passée.
Pour des raisons de sécurité dont le principe d’application ne cesse de s’étendre, pas de tantad, cette année…. Ce qui n’a pas empêché, pour la plus grande joie des touristes présents, l’ange pyrophore, par trois fois, de descendre habilement du clocher jusqu’à l’emplacement prévu !
Le soleil est venu illuminer le verre de l’amitié, les sourires transparaissaient au travers des masques chirurgicaux de circonstances
Espérons que l’an prochain tout ceci ne sera que souvenirs….
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Bonjour, je me permets de signaler ma vive inquiétude concernant l’état de la chapelle; en balade ces derniers jours, nous avons constaté que des arbres poussaient entre les pierres des fontaines, menaçant de les disjoindre à court terme; quant au retable et aux sculptures, la peinture s’y écaille fortement : l’humidité fait son oeuvre … de plus, des planches manquent à la voûte au-dessus du choeur.
Il semble qu’il soit grand temps de faire quelque chose avant que ce joyau ne se dégrade irrémédiablement.
Amicalement.
F. Deaubour