Serait-ce le retour des « ci-devant », ou comment arracher les racines chrétiennes et bretonnes de nos communes

Amzer-lenn / Temps de lecture : 11 min

bzh.jpgLa constance de la “laïcité à la française”

Reconnaissons que la «laïcité à la française» a une «merveilleuse» constante dans son héritage révolutionnaire, fidèle à elle-même, sourcilleuse de son identité, mais qui nie sans vergogne  l’héritage chrétien de l’Europe, de la France, et par voie de conséquence celui de la Bretagne. Cette laïcité, faux-nez  d’une  christianophobie  maladive, rejeton  d’une  République  formolisée  dans des «valeurs» marquées par  toute la vieillesse du monde, renoue, une fois de plus,  avec l’un de ses démons, les  célèbres et sinistres «CI-DEVANT» de la Révolution française.

Rappelez-vous l’Histoire de la Révolution : le langage citoyen branché était imposait que pour rompre avec  le temps des tyrans , tout se devait de devenir « ci-devants ».  On  débaptisait  et  l’on renommait :  la noblesse, le clergé,  les cathédrales,  les églises, les places et les rues, les villes et villages, les fêtes, le calendrier, privés de leurs identités  séculaires,  devenaient des  « ci-devants ».  Les  Provinces perdaient parfois jusqu’à  leur nom tout aussi multiséculaire qui avait imprimé leur Histoire et se voyaient affubler  de  noms nouveaux.  Ainsi, pour la Bretagne dont le nom disparaissait dans les culs-de-basse–fosse de la Révolution, les antiques Pays, les fameux  Broioù . Les “Bro Leon” et “Bro Gerne” (Cornouaille),  devinrent le Finistère ; les Bro Dreger et Penthièvre / Goëlo les Côtes-du-Nord, requalifiés plus tard en Côtes- d’Armor.  Le Bro Gwened (Pays de Vannes) devint le Morbihan (seul département à recevoir un nom en breton) ; le Bro Sant-Malo, le Bro Zol (Dol) et le Bro Roazhon devinrent l’Ille–et-Vilaine, qui laissera la place à la Brétilie ou aux moins aux Brétiliens, le nouveau nom des habitants de ce département (sic). Le Bro Naoned est quant à lui devenu la Loire- Atlantique après être passé en Loire Inférieure. La Révolution, en quelques séances de palabres citoyennes, rayait des siècles d’Histoire.

A propos de «Citoyen» : depuis plus de dix ans, renouant également avec le langage révolutionnaire, tout aujourd’hui se doit d’être « Citoyen » : vous vous devez de naître citoyen (si on vous laisse naître…) et mourir citoyen (là, « pour faire de la place », on vous y aidera …) ; vous devez respirer, manger, dormir, consommer, marcher, rouler de manière citoyenne. Encore un effort, et nos besoins les plus naturels se devront d’êtres citoyens. Il est recommandé aussi de « penser citoyen » et si possible d’engendrer de manière citoyenne, c’est-à-dire d’éviter…d’engendrer.  La République et  ses « valeurs » n’ont pas encore imposé de remplacer Monsieur, Madame, Mademoiselle par « Citoyen, citoyenne »  mais ne désespérons pas, il y aura bien un sous-ministre  avide de laisser par une loi son nom à l’Histoire pour nous faire le coup ; et le pire, c’est que ça risque de marcher. Au final, le citoyen sera un citoyen  de nulle  part…

 

DES  NOMS TROP CHRETIENS

Mais venons-en au cœur de notre sujet : la «réforme des départements» et le «regroupement des communes», avec en coulisse les  charcutages électoraux  entre copains- coquins pour conserver la bonne gamelle, sont autant de prétextes  à  renouer  avec les vieilles  traditions sans-culottides  :  comme le subirent les Broioù bretons, renommer les villes, villages et  lieux-dits.  Cible  privilégiée  de ces  renominations rampantes :  le «Grand-Ouest»,  comme ils disent. Nous avons eu les  catastrophiques  remembrements  des campagnes, détruisant  bois, bocages, talus et  zones humides, pulvérisant les arbres plus que centenaires, et introduisant aux inondations que l’on connait aujourd’hui, voici le remembrement des communes. L’idée est simple et «lumineuse» comme le «Siècle des Lumières» : l’Etat pousse les villages et les bourgs  de petites tailles à fusionner.  Ce mouvement est motivé par de puissantes incitations financières :   plus de dotations de l’Etat et mise en commun des finances, des équipements de diverses natures. Bref, rien que des économies, nous assure-t-on. La réalité est surtout…idéologique, dans la droite ligne des tables rases révolutionnaires. Qui dit  regroupements  et fusions dit forcément  nouveaux  noms, à l’instar de ces mariages d’entreprises.

C’est ainsi que dans le Perche, St Hilaire-le- Lierru et Tuffé  fusionnent pour devenir le 1er janvier 2016 « Val de la  Chéronne». Quelques kilomètres plus loin, le village de Saint-Aignan fusionne avec cinq autres communes pour devenir « Val-au-Perche ». Dans la Manche, Blon, Villechien, Mortain, Notre-Dame-du-Touchet  et Saint-Jean-du-Corail deviennent «Mortain Bocage». Dans le Finistère, Audierne et Esquibien fusionnent pour ne donner qu’une entité : Audierne. Adieu Eskibien, dont les racines remontent au moins à 1110. En Ille-et-Vilaine, la Chapelle-du-Lou-du-Lac regroupe la Chapelle-du-Lou et de Lou-du- Lac. Dans le Morbihan, La Chapelle-Caro, Quily, le Roc-Saint-André ont fusionné pour créer « Val d’Oust ». Naizin, Remungol et Moustoir-Remungol forme les «Evellys » tiré des noms de deux ruisseaux : l’Evel et Lillys qui arrosent ces communes. On appréciera la «haute recherche culturelle» des promoteurs…  En Loire-Atlantique, le village de La Chapelle-Basse-Mer,  si cher à l’historien-écrivain Reynald Secher, fusionne avec  celui de Barbechat, pour devenir « Divatte-sur-Loire ». Ce nouveau nom met en fureur Reynald  Secher, qui le trouve ridicule, d’autant qu’il s’agit du nom d’une rivière à sec six mois de l’année. L’historien, qui a écrit précisément un livre sur le martyre sous la Révolution de La Chapelle-Basse-Mer (1) n’hésite pas à affirmer que cette décision a des relents de christianophobie  dissimulée : « Plusieurs conseillers municipaux ont estimé  que le nom de La Chapelle-Basse-Mer sonnait «trop religieux », ou « trop médiéval ».  Avec le nouveau  nom « Divatte-sur-Loire », il n’y a plus de références religieuses et historiques.  La «laïcité à la française»,  le «respect de l’Autre» et le «bien-vivre-ensemble» sont sauvés (n’est-ce pas mieux ainsi, se demanderont certaines bonnes consciences).

A remarquer que les élus ne cherchent plus guère à cacher la vraie raison de ces changements : retirer l’identité historique et chrétienne des villes, villages, paysages ne semble pas leur poser un cas de conscience. Il faut dire que le dogme de la laïcité dans l’espace public les y aide beaucoup, les décomplexe, leur donne toutes les audaces.

On notera donc «l’originalité» des choix : les références identitaires et chrétiennes sont gommées. On veut toutefois nous rassurer en affirmant que  les communes qui se regroupent garderont leurs noms d’origine. La preuve : les panneaux resteront en place, ce qui dans un premier temps est exact.  Mais le  temps et l’usage passant, on en viendra à ne plus parler que de «Divatte-sur-Loire» ou des  «Evellys», comme on dit le 9/3 pour la Seine-Saint-Denis, trop historiquement chrétien…et pour cause. Et comme souvent cela se produit, les panneaux avec les anciens noms seront enlevés pour cause de vétusté ou de travaux, et ne seront jamais remis.  Autre question qui mériterait que les Bretonnants se posent : ne serait-ce pas  une autre façon de lutter de manières dissimulées contre la rebretonnisation des noms ? En effet, comment traduire en breton «Les Evellys» ? En ce début d’année, ce sont 33 communes bretonnes qui vont fusionner, pour fonder 13 communes nouvelles ; 90 sont en projets  dans les cinq départements bretons. Ouest-France rapportait que pour le seul Finistère, “au Nord, Plounéour-Trez, Brignogan et Kerlouan pourraient faire le grand saut. L’Hôpital-Camfrout, Daoulas, Logonna-Daoulas y songent aussi. Entre Saint-Thégonnec et Loc-Eguiner-Saint-Thégonnec, la réflexion est lancée”, ajoutant que “c’est plus compliqué dans le Sud, mais Briec, Edern, Landrévarzec, Landudal et Langolen ne renoncent pas.”

Devons-nous nous attendre à voir disparaître des noms  bretons ou français « trop marqués chrétiens », c’est-à-dire tous les lieux affichant un nom de saint, de sainte, du Christ (comme Pleyber-Christ, Kergrist, Saint-Sauveur), de la Vierge, comme les Locmaria, Maria-Grâce ? Non ! Impossible, personne ne le permettrait !

Nous savons, hélas, que de nos jours tous les « impossibles », les « impensables » deviennent les possibles  et les pensables de demain. C’est  une question  d’esprit à remodeler dans le « bon sens », surtout si c’est au nom du respect des « convictions de l’autre ». Tolérance oblige, c’est une question de temps.

En France, 242 communes doivent ainsi  fusionner d’ici  le 30 juin 2016 pour bénéficier et conserver leurs dotations pour 2017-2018.  Derrière ces « noces citoyennes» il y a bien évidemment des histoires de gros sous…”citoyens”, en somme les “dots citoyennes”. Il y a, nous venons de le dire, un dessein idéologique à peine dissimulé : déchristianiser encore davantage ces  terres des terroirs et des clochers, briser ce qui reste d’identité à ces régions. Il y a aussi une autre volonté, à savoir imposer à ces nouvelles communes qui du coup, par fusion, verront  leurs  habitants  augmenter de manière citoyenne, la fameuse loi  de la politique de la ville, imposant 20 à 30% de logements sociaux pour satisfaire l’arrivée de populations nouvelles “citoyennes”, autre manière de briser le substrat identitaire et religieux de ces territoires. Il importe donc que ces nouveaux citoyens ne se sentent pas agressés par des noms dans lesquels ils ne se reconnaissent pas.  Qu’importe aussi la destruction des terres agricoles, des forêts par plus de bétonnisation.  Dépersonnaliser notre patrimoine, nos paysages, il n’y a pas mieux pour achever la déchristianisation de l’Europe, et faire ce sale travail par ceux-là même qui devraient s’y opposer.  Un peuple qui ne connait plus son histoire est  mûr pour toutes les servilités. La Bretagne, par la négation de son Histoire en sait quelque chose. Mais il semblerait que la leçon n’a été ni comprise, ni retenue : « Citoyen sans-culotte, remettez-nous-çà !… »

Dans toute l’Europe, et la Bretagne est en tête, ce sont des milliers de villes et surtout villages et autres lieux-dits qui portent des noms de saints, de saintes, ou encore,  sous divers appellations, celui du Christ ou de sa Mère, démontrant magistralement que nos paysages, nos champs, nos forêts, nos villes, nos villages sont aussi les leurs. Des «locataires», des «propriétaires» que n’agrée pas la République qui veut  leur signifier leur congé. Pas de place pour eux dans l’hôtellerie de Bethléem il y a 2000 ans, et toujours persona non-grata aujourd’hui. A  l’évidence, le «bien-vivre ensemble», ce n’est pas pour eux.  Chez nous, ils  ne sont plus chez eux, car ces terres ne sont désormais  chrétiennes  que d’apparence ; encore un effort, et elles ne le seront plus du tout…

Dans les années 1970-1980, pour le plus grand bénéfice de  sociétés conceptrices, les communes furent invitées  à abandonner leurs antiques blasons héraldiques, jugés ringards, trop marqués religieusement et historiquement.  Les dites sociétés ayant commis des « artistes » proposèrent aux élus des «blasons»,  pardon… des « logos » qui ressemblaient davantage aux soulagements naturels de quelques renards ou chouettes, à moins que ce ne fut une bouse «artistiquement produite et déposée» par une brave vache. De peur de paraître aussi ringard que leurs anciens blasons, les élus acceptèrent quasiment tous la chose, et déboursèrent des fortunes.

Ces logos rappelaient, nous y revoilà, les destructions systématiques de tous les blasons des Ci-devant nobles, évêques, églises et villes. Les changements programmés  des  noms de nos communes, villes et villages n’est que la suite logique de l’abandon des blasons historiques.  On occulte  ainsi l’Histoire d’un lieu, il ne reste  qu’à lui enlever son nom, comme les régimes totalitaires qui, pour déshumaniser un opposant lui retirent son histoire, son nom avant de lui retirer la vie. La République, elle au moins est fidèle à son histoire, ses «Grands  Ancêtres», ses «traditions», ses dogmes. Elle  ne se renie jamais…

LES  CI–DEVANT  ELITES

Une interrogation se pose : à chaque remise en question de l’identité historique, culturelle et spirituelle d’une région, d’une province, de ses traditions -en ce qui nous concerne de la Bretagne – nous n’entendons aucune protestation  de la part des élites civiles, culturelles, intellectuelles,  ou religieuses. Aucune protestation de la part des organismes ou associations sensées défendre la culture, la foi  du pays, pourquoi ? Ne cherchez pas, la réponse est dans la tyrannie de la  laïcité à la française et des médias. Elles ont ce pouvoir quasi-magique de châtrer ce que nous pensions naïvement être une  élite responsable, cultivée…et courageuse. Il fut une autre époque où les élites bretonnes, car il y en avait, savaient faire preuve d’un viril courage couronné par le sens de l’honneur et,  ayant le verbe haut, elles auraient envoyé la République, ses «valeurs»  et sa laïcité, ses médias … dans leur néant mental.

Mais chut ! Tendez l’oreille, écoutez ! Non … Rien… silence total, les  élites bretonnes sont absentes ! Y en a-t-il encore une, d’ailleurs ?  Ah ! On oubliait…  la Bretagne…danse et chante ;  elle s’est faite cigale pendant que les termites de la laïcité et autres  idéologies  invasives travaillent à  ronger ce qui lui reste de son identité chrétienne et bretonne…

1 – « La Chapelle-Basse-Mer, Révolution et contre-révolution » de Reynald Secher (1986. Edition Perrin.« Vendée, du génocide au mémoricide » de Reynald Secher ( 2011, Editions du Cerf )

À propos du rédacteur Yvon Abgrall

Publiant régulièrement des articles dans la presse bretonne, il propose pour Ar Gedour des articles documentés sur le thème "Feiz & Breizh" (foi et Bretagne), d'un intérêt culturel mais aussi ancrés dans les préoccupations actuelles.

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10 Commentaires

  1. Malheureusement, ce triste constat est trop proche de la réalité… 🙁

    Il manque un sursaut fort et déterminé pour que la Bretagne retrouve son identité profonde.

  2. Merci pour ce sursaut, Yvon Abgrall. C’est un constat que nous sommes nombreux à faire avec la même colère. Mais, si les départements ont été calqués sur les diocèses, les communes ont bien cherché à se substituer à la réalité humaine et sociale des paroisses. Or que reste-t-il de nos paroisses ? Hélas…

  3. C’est à nos, “citoyens-contibuables” de réagir, partout où on peut parler! Dans nos communes , nos associations , nos cercles de connaissance. Merci, Yvon, de lancer ce cri,que des milliers de Français n’ont pas osé lancer.

  4. Marquette-Goasdoué

    A force de voter pour ceux qui veulent vous détruire, on disparaît.
    Alors les bretons se laisseraient couper la tête une seconde fois.
    Qu’ils imitent les révoltés de Tréflaouénan et il y aura une nouvelle bataille de Querquidou victorieuse celle là. Goas

  5. Le site Breizh Info vient d’indiquer dans un article que “la Commune nouvelle Le Mené, qui regroupe les 7 communes de la Communauté de Communes du Mené, est désormais la plus vaste commune de Bretagne (163,23 km2). Elle regroupe Collinée, Le Gouray, Langourla, Plessala, Saint-Gilles-du-Mené, Saint-Gouéno, Saint-Jacut-du-Mené. Les « Saint », références au catholicisme en Bretagne sont donc purement et simplement effacés.” ( http://www.breizh-info.com/2016/01/19/communes-coites-darmor-saints/ )

    Et voilà arrivé ce qu’évoquait ici l’auteur de l’article. Et pas grand monde pour broncher.

  6. Le nom “Val d’Oust” de la commune née de la fusion de la Chapelle-Caro, du Roc St-André et de Quily est particulièrement stupide vu la longueur de la vallée de l’Oust, depuis le milieu des Côtes d’Armor jusque à Redon.
    Il n’y a pas que les élus municipaux pour inventer des noms stupides, les autorités diocésaines font de même. De nombreux diocèses ont crées de “nouvelles paroisses” (traduction : ont supprimé une grande partie des anciennes ) parfois aussi grandes qu’un arrondissement ; la plupart du temps ces paroisses portent des noms du style “ND du Bocage” ou “St-Martin du Val de Loire” ou “St-Pierre des Champs” ce qui fait que personne ne sait où ça se trouve. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi ne pas utiliser tout simplement le nom du chef-lieu de la paroisse ? comme ont dit “diocèse de Vannes” et non pas “diocèse des côtes de l’Atlantique”. Je trouve aussi que trop de diocèses utilisent des expressions comme “Eglise en Ille et Vilaine”, “Eglise en Morbihan” au lieu d’utiliser le nom de l’évêché. Certes les diocèses correspondent pour la plupart aux départements mais mgr d’Ornellas par exemple est archevêque de Rennes (Dol et St-Malo) et non archevêque d’Ille et Vilaine.

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