Saints bretons à découvrir

Les trésors de nos chapelles

Amzer-lenn / Temps de lecture : 8 min

Si, si, elles en regorgent : tenez, uniquement aux alentours d’Auray voilà d’excellents buts de promenade et de découverte, par exemple :

saint quirin brech1° le retable de la chapelle Saint Quirin en Brech

Ah ! Elle n’est pas facile à trouver la chapelle Saint Quirin, elle se trouve sur la droite de la nouvelle grand’route d’Auray à Pontivy, bien avant Brech et Pluvigner : attention, demandez « Saint Guérin » à votre navigateur qui n’est pas forcément brittophone. Et n’ayez pas peur d’aller jusqu’au bout de la petite route qui y mène… Extérieurement elle ne paye pas de mine la chapelle seigneuriale du domaine de Kerivallan, un des nombreux fiefs de la puissante famille de Robien dont les 10 billettes de leurs armoiries timbrent le linteau de la grande porte d’entrée, côté ouest. Construite au XVII° siècle, c’est un bâtiment sévère de pur style classique éclairé par de hautes fenêtres sans vitraux colorés. On y pénètre par la porte sud : la voute en est palissée et enduite, sans grand intérêt.
Mais quand on se tourne sur sa droite, vers le choeur, pour une petite prière/reflexe : saluer le maître des lieux, la surprise est totale. S’y élève, en effet, un magnifique retable qui ne déparerait pas dans une de ces belles églises de la Rome baroque. Dans une chapelle latérale, certes, mais uniquement en raison de sa dimension à l’échelle d’une chapelle domestique, ne serait-ce que celle de la puissante famille des Robien ! …
Vérification faite, ce n’est ni du bois, ni du plâtre, mais c’est bien de pierre que ce retable est fait, pas en granit, bien sûr, en pierre tendre, tuffeau ligérien et en marbre noir d’Argentré, s’il vous plait !

Il serait dû à l’architecte d’origine lavalloise, Olivier Martinet, auteur, entre autres, des retables de saint Gildas d’Auray et de saint Cornély de Carnac, tout proche. Les statues qui l’ornent ne sortent pas du ciseau du Bernin, mais de l’habileté du sculpteur – elles sont en
terre cuite – Jacob Le Roy. Les colonnes de pur style corinthien avec ses feuilles de chélidoine en forme de feuilles d’acanthe, au fut de marbre noir, sont couronnées de chapiteaux en pierre claire.

Voilà typiquement un retable « lavallois » illustrant le style baroque mis à l’honneur à l’issue du concile de Trente (1545-1563) en réaction à l’austérité de style préconisée par la RPR (religion prétendue réformée). Bel exemple de la contre-réforme en pleine campagne alréenne.

2° la pierre tombale de Pierre de Broerec en la chapelle Notre Dame de Pitié à Locmaria en Ploemel

Il faut quitter la route d’Auray à Plouharnel au carrefour de Pontreval, et prendre, à droite la petite route de Ploemel. La chapelle se trouve à proximité des châteaux d’eau qui signalent un point haut. Elle n’est malheureusement pas toujours ouverte…

Photo Ex-Libris

Il s’agit là de la chapelle seigneuriale de la famille de Broerec, une des branches cadettes des comtes de Vannes, possessionnée à Locmaria, destinée à recevoir les dépouilles des défunts de la famille dans une crypte située sous le choeur, lequel s’est effondré au fil des siècles.
Or parmi les défunts de la famille Broerec se trouvait un prénommé Pierre, décédé à Saumur en 1340 au début de la guerre de Cent Ans, vraisemblablement des suites d’une blessure reçue à l’occasion de la libération de Cambrai, assiégée par les armées du roi d’Angleterre, Edouard III (1312-1377), prétendant au trône de France en sa qualité de petit-fils du roi Philippe le Bel (1268-1314) par sa mère. La ville sera libérée par les troupes du roi Philippe VI de Valois (1328-1350), neveu du même roi Philippe le Bel, comprenant notamment celles du duc Jean III de Bretagne (1286-1341) auxquelles appartenait ledit sieur de Broerec. Edouard III sera contraint de lever le siège, mais les anglais ne seront boutés hors de France qu’à l’issue de la bataille de Castillon en 1453…

Le pauvre Pierre, sur le retour vers sa Bretagne natale, rendra le dernier soupir sur les rives de la Loire, à Saumur, où il sera enterré sous une belle dalle en pierre tendre locale, sculptée et émaillée, où il figure, ayant « passé l’arme à gauche » comme il sied à un preux défuncté…
Sa famille ne l’entendant pas ainsi n’aura de cesse que de récupérer le corps de son cher disparu pour qu’il repose dans la crypte de la chapelle seigneuriale de Locmaria en Ploemel, parmi les siens….

Et par la même occasion la pierre tombale saumuroise suivra le cercueil de Pierre de Broerec jusqu’à sa destination finale.

3° l’arbre de Jessé de la chapelle Notre Dame des Fleurs en Plouharnel

Au sud du village, on ne peut pas la manquer, elle est en général ouverte et gardée par une dévouée bénévole, aimable et souriante.
C’est au fond de la chapelle, côté sud qu’est, dans une chasse protectrice, le panneau d’albâtre rectangulaire, travail anglais du XV° siècle, représentant la Sainte Vierge couronnée avec l’enfant Jésus retenu par son bras droit tandis que du gauche elle tient un sceptre surmonté d’une fleur de lys, la tête entourée de 2 anges thuriféraires.

A y regarder de plus près, on voit, à ses côtés et à ses pieds, une demi-douzaine de personnages couronnés, portant sceptres royaux au-dessus d’un homme couché dont une tige d’arbre parait sortir de l’abdomen : c’est Jessé, le père du roi David, le psalmiste que l’on reconnait à sa cithare, l’ancêtre de Jésus de Nazareth.
Tandis que, sur la main du petit Jésus, se tient une colombe, figuration habituelle de l’Esprit Saint.

C’est le prophète Isaïe au chapitre 11 qui évoque la vision si souvent reproduite et illustrée

10 Il adviendra, en ce jour-là, que la racine de Jessé sera érigée en étendard des peuples, les nations la chercheront et la gloire sera son séjour.
11 Il adviendra en ce jour-là, que le Seigneur étendra la main une seconde fois pour racheter le reste de son peuple, ceux qui resteront en Assyrie et en Egypte, à Patros, Koush, Elam Shinéar et Hamath et dans les îles de la mer.
12 Il lèvera un étendard pour les nations, il rassemblera les exilés d’Israël, il réunira les dispersés de Juda des quatre coins de la terre.
13 La jalousie d’Ephraïm cessera et les adversaires de Juda seront exterminés. Ephraïm ne jalousera plus Juda et Juda ne sera plus l’adversaire d’Ephraïm.
14 Ils fondront sur le dos des Philistins à l’Occident, ensemble ils pilleront ceux de l’Orient: sur Edom et Moab ils étendront la main et les fils d’Ammon seront leurs sujets.
4
15 Le Seigneur domptera le golfe de la mer d’Egypte, il agitera la main sur le Fleuve-dans l’ardeur de son souffle-,il le brisera en sept bras, et fera qu’on le passe avec des sandales.
16 Il y aura une chaussée pour le reste de son peuple, pour ceux qui seront restés en Assyrie, comme il y en eut une pour Israël le jour où il monta du pays d’Egypte.

Derrière le personnage de David, fils de Jessé, Isaïe annonce ainsi l’avènement du Christ sauveur, Jésus de Nazareth, fils de Marie.
Curieusement, les évangélistes qui ont voulu insister sur l’humanité du fils de Dieu nous ont donné sa généalogie par l’intermédiaire de Joseph dont on sait, qu’au contraire de Marie, sa fiancée, il est resté étranger à sa conception…

Ainsi Mathieu part d’Abraham pour arriver à Joseph « l’époux de Marie de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1, 16) tandis que, pour Luc, le point de départ est Jésus lui-même, « à ce qu’on croyait, fils de Joseph » (Lc 3, 23) et il remonte ainsi jusqu’à Adam « fils de Dieu » (Lc 3, 38).

A proximité de Sainte Anne d’Auray où est vénérée la grand-mère maternelle du Christ, nous sommes familiarisés, ici, en Bretagne à l’ascendance humaine du Christ, Dieu incarné, « gwir Doue, gwir den » vrai Dieu et vrai homme.

C’est ainsi qu’est honorée, par l’intermédiaire de sa mère « Théotokos », la Vierge Marie, son fils, Jésus, le Christ sauveur, roi de l’univers qui nous a laissé son Esprit vivifiant en attendant la parousie, son retour, ainsi qu’il l’a promis, pour juger les vivants et les morts.

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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Un commentaire

  1. merci d’ouvrir aux lecteurs les portes de notre patrimoine, trop longtemps méconnu par les descend dans mêmes des constructeurs !

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