Au détour de mes pérégrinations numériques, et tout en écoutant le patrimoine musical breton, je m’arrête sur un album méconnu d’Alan Stivell : « Trema’n Inis » (Vers l’Ile). Agréable à écouter en travaillant, cet album est toutefois percutant. Alors que le son cristallin de la harpe me porte vers l’univers des « Hommes liges des talus en transe », mon oreille attrape au vol des phrases déclamées par le barde celtique. Des phrases du passé qui s’actualisent… Un présent qui s’enracine. Des mots qui résonnent alors que frémit dans les rimes un vent de liberté… Des notes poétiques à sa guise qui s’envolent en criant : « Frankiz ! »
Je vous laisse découvrir la fin de ce poème en musique (totalité des paroles ici)
[…] Je m’arrête près des herses et des rouleaux
Je mâche mes premières pousses de liberté
J’ouvre l’éventail des champs labourés
Et notre peuple accompli soudain des révolutions étincelantes à la face du monde
Un peuple vaincu s’exerce au maniement des marées montantes
Je les vois qui s’assemblent tous sur les places
Bûcherons de l’aube arrimés aux cotres du soleil
Défricheurs herbus et ruminants jetant les grappins dans un passé interdit
Ecoliers ternes et appliqués établissant soudain des relations de cause à effet
Ouvriers analogues s’éveillant avec lenteur au creux des faubourgs crispés
Grappes de femmes lourdes enracinées dans la douleur des hommes
Ouvriers en grève exigeant droit de regard et de pression sur les tubulures du pays
Colleurs d’affiches, vendeurs de journaux, distributeurs de tracts, porteurs de pancartes
Etudiants insolents et nerveux se dérobant avec véhémence
Aux haleines fétides, aux visages craquelés
Ecoliers rieurs éprouvant du pied le fragile équilibre de l’eau et du feu
Syndicalistes vingt fois licenciés aux gestes robustes d’hommes mesurant l’éternité
Paysans matraqués à bas de leur tracteur qui le soir sortent les livres précieux sur la table
Vous êtes la Bretagne qui vient au feu
Vous êtes la Bretagne qui s’ouvre aux vents du monde
Aujourd’hui je vous le dis
Nous allons procéder à des glissements de terrain
Il y aura des sursauts de lumière dans le brouillard des solitudes
Et l’angle des fenêtres écumera de fougères
Alors, nous nous installerons dans l’odeur des charpentes et le soulèvement des toitures
Pour des émeutes de tendresse
Aujourd’hui je vous le dis
Un peuple nouveau émerge lentement qui se ménage des moissons exemplaires
Un peuple nouveau se dégage des siècles gluants
Ce pays chloroformé
Ce pays bruissant d’espoirs clandestins
Rouvre les yeux sur les banlieues surmarines
Que naissent en moi les pluies câlines
Pour humecter les campagnes polychromes
Que saignent les fougères fripées pour le plaisir des hommes qui tâtonnent
Qu’éclatent les bouches captives de mon peuple enfanteur d’hirondelles
Que se redressent les maisons arrachées à la matrice des frondaisons liquides
Que s’éveille mon peuple aux quatre coins du monde matinal