Saints bretons à découvrir

Yvon Nicolazic aux 28° « Journées Paysannes » à Souvigny (Allier)

Amzer-lenn / Temps de lecture : 12 min

Vendredi dernier, 16 février 2018, Jean Yves Talhouarn, le délégué pour la Bretagne de l’association : les « Journées Paysannes », avait, à Rennes, bien rempli son « spacetourer » Citroën de location : nous étions 9, chauffeur compris, à prendre la route, ou plutôt l’autoroute, pour Moulins, préfecture de l’Allier et siège de l’évêché où nous étions attendus.

Outre Jean Yves et son épouse, excellente conductrice, il y avait la blonde et pétillante Gaëlle, Les époux 5-1, non pas le dernier score d’En-Avant Guingamp, mais 5 pour Henriette et 1 pour Louis. Il y avait aussi le franco-suisse Pierre-Marie, champion du séchage mécanique du foin, Benoît, sosie de Lanza del Vasto, fondateur de l’Arche dont il est membre et moi. Je n’oublie pas le jeune Sylvain, embarqué au péage de la Gravelle.

L’autoroute est une longue saignée au milieu des paysages traversés et des villes contournées : Laval, Le Mans puis Tours, la vallée de la Loire franchie après celle du Loir, celle du Cher sera longée au plus près des habitations troglodytes qui la bordent. La Sologne, ensuite, avec Romorantin et Vierzon, puis la champagne berrichonne ; la chaussée est trop encaissée pour jouir de la vue sur la cathédrale de Bourges et le temps trop humide pour guigner les chevreuils restés prudemment tapis, à l’abri, sous les bouchures ; mais en quelques heures seulement, nous atteindrons les contreforts des collines du bourbonnais et bientôt Moulins, terme de notre voyage.

Après nous être fait connaitre de Marie-Christine, notre dévouée hôtesse et souhaité, comme chaque année à pareille époque, un bon anniversaire à Bénédicte, sa prédécesserice, devenue son adjointe, à l’accueil de la maison diocésaine saint Paul et laissé notre responsable à son conseil d’administration, nous nous sommes précipités en ville, à la basilique-cathédrale Notre Dame de l’Annonciation admirer et prier la Vierge inspirée de celle du chapitre 12 de l’Apocalypse, peinte au tout début du XVI° siècle par le « maître de Moulins », à défaut de pouvoir le nommer avec plus de précision, peut-être Jean Hey (actif entre 1475 et 1505) , sur commande du duc Pierre II de Bourbon, sire de Beaujeu (1438-1503) qui figure sur le panneau de gauche du triptyque, présenté par son saint patron, Pierre, revêtu de magnifiques vêtements pontificaux en brocard, tiare en tête, mais pieds nus, tandis que sur le panneau de droite est représentée, avec leur fille malingre, Suzanne, vêtue comme sa mère, Anne de Beaujeu (1461-1522), fille de Louis XI (1423-1483), sœur du roi Charles VIII (1470-1498), époux d’Anne de Bretagne (1477-1514) et de la future sainte Jeanne de France (1464-1505), fondatrice de l’ordre des Annonciades, alors duchesse  d’Orléans en raison de son mariage avec Louis (1462-1515)

Charles VIII, mort accidentellement à Amboise le 7 avril 1498, a eu pour successeur sous le nom de Louis XII, son lointain cousin, ci-devant duc Louis d’Orléans, époux de Jeanne de France. Le roi de France ne s’estimant pas tenu des engagements du duc d’Orléans va répudier sa légitime épouse pour épouser en secondes noces la veuve de son prédécesseur, Anne de Bretagne. Leur fille Claude (1499-1524), épouse du roi François 1° (1494-1547), reste connue pour avoir donné son nom à une variété de prunes : la « reine-claude ».

Figure derrière Anne de Beaujeu, duchesse de Bourbon, sa sainte patronne, Anne, en guimpe et attifet jaune d’or.

En l’an de grâce 1625, le 25 juillet, jour de sa fête, Louis XIII, dit « le juste » (1601-1643) régnant, entre guerres de religion et les prémisses du jansénisme, dans l’attente, pour le roi et la reine Anne d’Autriche (1601-1666), d’un héritier qui ne verra le jour que 13 ans plus tard en la personne du futur Louis XIV (1638-1715), elle apparaîtra en toute simplicité à Yvon Nicolazic, paysan breton, dans son champ du Bocéno à Keranna, auquel elle se présentera dans ces termes :

« me zo Anna, Mam Mari », je suis Anne, la mère de Marie.

C’est notamment pour présenter Yvon Nicolazic (1591-1645) à nos amis des « Journées Paysannes » réunis cette année sur le thème « comment être chrétien paysan dans une agriculture mondialisée ? Cultiver à la lumière de la liturgie » que nous sommes venus jusqu’à Souvigny, mais aussi, bien sûr, pour écouter sur le sujet le journaliste et essayiste américain Rod Dreher, venu tout spécialement de Bâton-Rouge (Louisiane) nous parler du défi bénédictin en réponse à la question « comment être chrétien dans un pays qui ne l’est plus ? », titre de son livre publié en 2017 chez Artège (370 pages, 20,90 €)

Un de ses prédécesseurs à la tribune de la MJC de Souvigny où se tient l’aula, timbrée des armoiries de la ville de Souvigny qui sont, ni plus ni moins, celles de l’abbaye de Cluny, associant la clef de Saint Pierre à l’épée du martyr de Saint Paul, en écho aux « Piliers de l’Eglise », patrons de l’église abbatiale clunisienne comme de l’église locale, « priorale », aujourd’hui paroissiale – comme quoi rien n’est encore tout à fait perdu ! – Patrice de Plunkett, l’ancien directeur du Figaro Magazine, qui nous avait entretenu, en 2009, bien avant l’encyclique « Laudato si » de 2015, de l’origine biblique de l’écologie, vient de publier, chez Salvator, « Cathos, ne devenons pas une secte » (160 pages, 15,90 €).

Relever le pari bénédictin sans succomber à, ou – si vous préférez – tomber dans la tentation de la dérive sectaire ? Rod Dreher versus Patrice de Plunkett ? Ce sera le titre d’un prochain article…

Leur lointain prédécesseur du II° siècle, auteur de l’épitre à Diognète écrivait à une époque où le monde n’était pas encore christianisé. Les sectateurs de Jésus-Christ, nouvelle secte juive, apparaissaient alors comme un groupuscule  potentiellement subversif et dangereux tant pour les mœurs que pour la cité.  Rod Dreher et Patrice de Plunkett évoquent aujourd’hui un monde qui a été chrétien mais qui, désormais, ne l’est plus.

On nous avait pourtant prévenus : « n’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive » (Mt 10, 34). N’avons-nous pas été constamment qualifiés de craintif « petit troupeau » qu’il est nécessaire de rassurer, « car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12, 32). Et s’il nous est demandé d’être le « sel de la terre », un sel qui ne devienne pas « fade » (Mt 5, 13 ; Mc 9, 50 et Lc 14, 34), c’est dire qu’il n’est pas question de faire du monde une saumure immonde.

Notre vocation de chrétien est bien  d’évoluer dans un monde qui ne l’est pas, ne l’a jamais été et ne le sera sans doute jamais. Personne ne nait chrétien : on le devient par le baptême qui  fait chacun de nous rois, prêtres et prophètes, ce qui n’est pas rien.

C’est en ces qualités que nous sommes invités à rendre compte, « avec douceur et respect », de « l’espérance qui est en nous » (1Pi, 3, 15) et si nous avons été envoyés pour « proclamer l’Evangile à toute la création » (Mc 16, 15) et faire « de toutes les nations des disciples » en les baptisant (Mt 28, 19), c’est bien parce que le besoin et la nécessité s’en font constamment sentir « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8b).

Et c’est ce qu’on s’efforce de faire, tous, avec nos petits moyens, grande Rod, nouveau Noé, voguant sur son arche flottant au milieu des flots du DET (« déisme éthico-thérapeutique »), se rêvant bénédictin tel Benoit de Nursie.

Et comme à Chartres, la réalité l’a rattrapé à Souvigny où il a bien fait de venir accompagné de Nicolas, son dévoué et distingué traducteur, à tête de viking moderne – t’es beau, Nicolas !

Souvigny, la filiale de Cluny, où gisent ses 4° et 5° saints abbés : Mayeul (910-994) qui y est décédé et son successeur, Odilon (962-1048), auquel on doit la « trêve de Dieu », son successeur, qui y est venu pour mourir là où était mort son maître.

Souvigny, la nécropole des Bourbons, dont le dernier à y être inhumé est le prince Sixte de Bourbon-Parme (1886-1934), frère de l’impératrice Zita de Habsbourg (1892-1989), auteur d’une vaine tentative de paix négociée dès 1917 avec la collaboration, entre autres, de son beau-frère, le bienheureux Charles I° de Habsbourg (1887-1922). Tentative de paix qui échouera en raison, notamment, de l’intransigeance de Georges Clémenceau (1841-1929), anticlérical notoire et franc-maçon, qui voulait, avec d’autres, la disparition de l’empire catholique austro-hongrois du « concert de nations ». La « grande guerre » durera 18 mois de plus.

Du saint abbé Odilon au prince Sixte de Bourbon-Parme, Souvigny a bien mérité son label de « sanctuaire de la Paix »

Et la paix, qui n’est pas forcément l’absence de guerre, est une nécessité dont le paysan, le moine et le soldat sont, à la fois, les artisans et les bénéficiaires : ainsi que l’a fait observer Jean Louis Laureau, le fondateur des « journées Paysannes » inspirées par la bienheureuse Marthe Robin (1902-1981) qu’il a visité plusieurs fois à Châteauneuf-de-Galaure, commentant la règle de Saint Benoît présentée au chapitre III du livre de Rod Dreher (pages 83 à 123) : la paix résulte de la tranquillité que confère l’ordre, l’ordre de toute chose à sa bonne place, Dieu tenant la première, ce qui implique une discipline, « la force principale des armées », comme chacun sait.

Yvon Nicolazic est un exemple de pacification : avec force, il s’est battu pour cela : faire admettre la réalité des apparitions dont il a bénéficié et répondre à la demande qui lui a été présentée de rétablir le culte rendu à la sainte grand-mère de Jésus-Christ, disparu depuis près de 9 siècles…

Son temps n’était pas plus enviable que le nôtre.

Il a fait face, avec ses petits moyens, comme il nous y invite à notre tour. Comme Rod Dreher et, avant lui, le cardinal Roger Etchégaray, il a avancé « comme un âne » faisant des « petits clins d’œil au ciel et à la terre » pour reprendre le titre du premier des livres publiés par l’ancien archevêque de Marseille (Fayard, 1984, 296 pages, 23 €)

Il a largement mérité, avant même que d’être porté sur les autels, d’avoir sa statue dans la Vallée des Saints (cliquez ici pour en savoir plus), parmi tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont contribué à faire de la Bretagne, cette pointe du continent eurasiatique qui s’enfonce dans l’océan désignant les côtes orientales de l’Amérique, une terre de chrétiens, de résistance, de renouveau.

C’est là, à la Vallée des Saints, au mitan de notre terre bretonne que nous parcourons en pérégrinant de cathédrale en cathédrale avec le Tro-Breiz (Cliquez ici pour vous y inscrire), c’est là, sur la route de Carhaix à Callac que sont réunies toutes les statues monumentales en forme de menhirs (« pierres dressées »), telles les 4 stèles de Jacob : celle de la fidélité de Dieu à Bethel (Gn 28, 16-22), de sa puissance protectrice à Galaad (Gn 31, 45-54), de sa sainteté et de sa grâce à Bethel de nouveau (Gn 35, 1-15) et celle du deuil de Rachel, morte en couche (Gn 35, 16-20) ou les moaï de l’ile de Pâques, qui perdurent, pour nous, comme pour vous aussi, le souvenir de nos Pères fondateurs, qui sont un peu aussi les vôtres, si vous cherchez bien.

Alors, venez en Bretagne, rejoignez-nous : « degemer mat » : bienvenue !

Nous, paysans bretons, nous voulons être, derrière et avec Yvon Nicolazic, des veilleurs, des gedourion, pour reprendre l’appellation du célèbre blog de spiritualité chrétienne et bretonne AR GEDOUR qui nous relie : aussi, pour financer notre projet, plutôt que de faire appel à la générosité de quelques riches donateurs soucieux de promotion, nous privilégions la participation, aussi modeste soit-elle, du plus grand nombre de paysans, de quelque pays qu’ils soient.

Cliquez ici pour en savoir plus

Pour réunir les 15.000 € nécessaire à l’érection de la statue, nous préférons 1.500 chèques de 10 € plutôt que 3 de 5.000 ! … Ceci étant …

Financez la statue de Nicolazic à la Vallée des SaintsC’est le petit caillou dans la poche de Dominique Grève, présent parmi nous, qu’il a si tendrement évoqué aux obsèques récentes de son fils Sébastien, Chef d’Escadron de l’ALAT, mort accidentellement au cours d’un entrainement, « le Seigneur voulait Sébastien dans les forces très spéciales de son armée céleste ».

C’est ainsi, aussi que Rod Dreher décrit les bénédictins de Nursie (Norcia en italien), où sont nés Benoît (490-547) et sa sœur Scholastique (480-543), près de Spolète, en Italie centrale, qu’il a été visité : « la version religieuse des forces spéciales : ils ne cessent jamais de s’entrainer au combat spirituel » (page 94)

Alors, un grand merci à tous, aux organisateurs de ces belles et fructueuses 28° journées paysannes, aux intervenants, à la présidente, Emmanuelle François et à Jacques Thabard, le « monsieur Loyal » des festivités qui nous ont gentiment permis de présenter notre projet breton : « Yvon Nicolazic, un paysan à la Vallée des Saints » en vous invitant à y participer sans modération ! …

Pour participer vous aussi  dès aujourd’hui à ce projet, cliquez sur ce lien et laissez-vous guider.

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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