1er décembre : Saint Tugdual

Amzer-lenn / Temps de lecture : 8 min

Le 1er décembre, dans le calendrier diocésain, nous célébrions la mémoire de saint Tugdual, premier évêque de Tréguier, et un des sept saints fondateurs de la Bretagne.

Tugdual naquit dans la Bretagne insulaire, probablement dans la Domnonée britannique, dans l’actuel Dorset, au sud de l’Angleterre. Il est le fils du roi Hoël Ier et de la douce Pompéa, connue aussi sous le nom d’Aspasie, ellemême canonisée par la ferveur populaire, et enterrée en notre verte Bretagne dans le chœur de l’église éponyme de Langoat, où sa tombe est toujours visible. Pompéa était fille du roi Eusèbe, et donna naissance à un autre roi, Hoël II, et à trois saints : Tugdual, Sève et Lunaire.

Pétrie de foi, elle éduqua ses enfants selon les préceptes de l’Évangile, dans ce christianisme celtique imprégné d’idéal monastique. Tugdual, dans cette église domestique qu’était sa famille, apprit bien vite à connaître Dieu et à l’aimer, et jeune homme, il était déjà admiré pour ses grandes vertus. Assidu à la prière, il se résolut très jeune de se donner à Dieu, abandonnant toute prétention mondaine. En ces temps rudes, les royaumes bretons étaient en ruine, déchirés par leurs incessantes divisions, et terrassés par les Angles et les Saxons. Le royaume visible, peuple et territoire, était tombé. Restait le royaume invisible, celui qui n’a ni terres ni frontières. Celui-ci est le fondement de l’autre, et c’était alors le seul qui restait. Le seul qui valait la peine. Le seul qui durera après la consommation des siècles.

Tugdual résolut d’entrer dans cette école de service du Seigneur que constitue un monastère. Il semble qu’il fut formé par le grand saint Ildut, à l’abbaye de Llantwit, dans le sud du Pays de Galles, d’où sont issus d’autres grands évangélisateurs de la Bretagne, tels que saint Gildas, saint Paul Aurélien, saint Samson et saint Dewi. Cette Abbaye, véritable université celtique, fut pour lui une grande école de sainteté. Elle fut à l’origine d’un grand élan missionnaire qui déborda bien au-delà de ses murs. Formé par le chant des psaumes, la contemplation de Dieu et le travail, Tugdual n’en fut pas moins attaqué par le diable. Les Chroniques racontent comment il sut déjouer ses pièges, les yeux levés vers le Seigneur, et doué d’un esprit très concret. Sa vie exemplaire fut rapidement connue hors du monastère. L’abbé de son Monastère étant décédé, il fut élu par ses frères à cette rude tâche. Il le gouverna avec tant de sagesse que cette abbaye fut le terreau fertile d’où s’épanouirent beaucoup de saints moines qui par la suite s’élancèrent à travers toute l’Europe pour semer la Parole de Dieu.

Un jour, alors qu’il priait en sa cellule, un ange lui apparut, l’enjoignant de quitter l’île de Bretagne pour l’Armorique. Descendant alors en son église, il se mit à prier avec grande insistance pour être sûr que c’était bien là la volonté de Dieu. Ce qu’étant confirmé par une autre apparition, le saint homme avertit ses moines de l’ordre que le Tout-Puissant lui fit de partir en mission outre-mer. Ses fils, tristes de voir partir leur abbé, versèrent des larmes, mais sachant que c’était là sur ordre de Dieu, ils firent s’élever leurs prières pour que la mission de Tugdual porte du fruit. Prenant avec lui 72 personnes, dont sa mère, Pompéa et saint Brieuc, ils entreprirent la traversée de la mer, et arrivèrent au Conquet, sur la pointe de Kermorvan.

Aussitôt débarqué, l’homme de Dieu s’enquit auprès des autochtones de l’identité du maître des lieux. C’était le Seigneur de Léon, qui siégeait en sa ville d’Occismor, aujourd’hui Saint-Pol de Léon. En entrant dans la cité, il vit un pauvre homme boiteux, et tant exténué de maladie qu’il n’avait que la peau étendue sur les os. Saint Tugdual, répondant à la demande de ce pauvre homme de lui faire l’aumône, lui commanda de se lever, au nom de Jésus-Christ, et de s’en aller guéri. L’homme se leva et fut guéri de son infirmité. Apprenant cela, le comte vint au-devant du saint homme, et lui octroya autant de terres qu’il lui en faudrait, se recommandant à ses prières. Tugdual le bénit, et s’établit en une petite vallée, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Trépabu. À partir de ce lieu, saint Tugdual lança de grandes missions d’évangélisation à travers tout le nord de l’Armorique, convertissant les foules par sa parole et par la sainteté de sa vie.

Un beau jour, Deroc, roi de Domnonée, fils de Rivallon, ce dernier étant le frère de sa mère, lui demanda d’édifier sur ses terres un grand monastère. Le saint posa son regard sur la vallée de Traoun-Trecor, dans le nord de la Bretagne : ainsi fut fondée la cité de Tréguier. Le roi Deroc, son cousin, fournit ouvrier et matériaux pour cette œuvre pie. Cependant, cette terre, bien que bénie, vivait sous la menace d’un monstre qui en terrorisait les populations. Un dragon, disait-on, empêchait que ces terres si belles et prospères pussent être cultivées, semant
la désolation alentour, et croquant au passage les pauvres hères ayant l’infortune de n’être pas avisés de son existence. Apprenant cela, le saint, après avoir célébré le saint Sacrifice de la Messe, revêtu de ses Ornements Sacerdotaux, prit la Croix en main et se fit conduire à la caverne du dragon. Armé de sa foi, il commanda à la bête de sortir dehors. Avec fermeté, il lui lia son étole au cou, et le traîna ainsi sur le rocher, d’où il lui commanda de se précipiter dans le bras de mer. Ainsi fut vaincu le dragon, et sauvé le Trégor.

Si cette histoire semble légendaire, il faut d’abord y voir la victoire de la foi sur le péché, figuré par ce dragon, lequel rappelle le Serpent des origines, que l’on appelle diable, ou Satan, et qui par la morsure du péché conduit à la mort les âmes crées par Dieu pour la Vie.

Cet ennemi du genre humain, crevant de rage du fruit de l’apostolat de Tugdual, suscita contre lui quelques méchantes personnes qui le calomnièrent, répandant sur son compte, sur les places et dans les marchés, des propos destinés à diviser les fidèles et à éloigner de la foi les âmes simples. Il se résolut alors, après avoir consulté le Seigneur dans la prière, à s’en aller à Rome, pour prier sur les saints lieux et s’éloigner de ces gens néfastes. En son absence, le pays de Tréguier fut frappé de terribles calamités, envoyées par le ciel pour punir ceux qui avaient eu l’outrecuidance de diffamer celui que Dieu leur avait envoyé.

Sur son chemin vers la Ville éternelle, Tugdual fit de nombreux miracles. Toujours prêchant la Parole de Dieu, il entra dans Rome alors que venait de mourir le Pape Vigile. Nous sommes alors en l’an 555. Alors qu’il priait dans la Basilique saint Pierre de Rome, une colombe vint se poser sur son épaule. Les Romains le choisirent alors comme Pape. L’hymne de sa fête rapporte ceci : In Papam eligitur, nuta Deitatis, Tugdualus – Est élu Pape, sur un signe de Dieu, Tugdual.

Cette histoire explique l’autre nom donné à saint Tugdual : Papu. Pieuse légende ? Impossible à dire. Il n’est pas mentionné par la grande histoire des Papes de Rome. Quoi qu’il en soit, les récits hagiographies nous donnent-ils peutêtre la clé, en nous enseignant qu’il renonça bien vite à cette charge, lui, le pauvre moine, qui se devait avant tout à son peuple de Tréguier, et voyait bien que ses forces ne lui permettaient pas de porter l’Église universelle. Il reprit le chemin de la Gaule, où certaines sources le firent évêque de Lexobie, actuelle Lisieux, avant de rentrer à Tréguier, où rendit sa belle âme à Dieu, en 559 ou en 564.

Bien vite, saint Tugdual fut vénéré à travers toute la Bretagne. Tréguier garde jalousement ses reliques, même si le culte de saint Yves le supplanta quelque peu. Invoqué contre l’épilepsie et les fièvres à Combrit. À Tréguidel, s’asseoir sur la pierre de saint Pabu soulagerait les rhumatismes. Aucune tradition cependant ne lui prête d’action particulière sur le Coronavirus.

 

Abbé Johann Ribette

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