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Le troisième jour Il est ressuscité des morts L’évènement historique et transcendant (CEC 639-647) – 2ème partie –

Amzer-lenn / Temps de lecture : 14 min

« Des attestations les plus anciennes aux expériences des premiers jours »

Nous avons conclu l’article précédent par la grande fiabilité des récits évangéliques, tant par les critères externes qu’avec les critères internes. Nous continuons notre itinéraire guidés par la méthode « régressive » pour terminer si possible au plus proche de l’évènement.

Cette fois-ci, nous remontons des attestations les plus anciennes aux expériences des premiers jours. Laissons notre auteur nous présenter son travail : De ce qui vraisemblablement a été dit lors des ces premières semaines, essayons de passer à ce qui, en ces moment mêmes, et pour qu’on fût porté à dire ce qui a été dit, fut véritablement ressenti, expérimenté, constaté (p 37). L’auteur est bien conscient de la part inévitable de subjectivité dans n’importe quel témoignage humain, mais ce n’est pas une raison pour tout rejeter. Il faut au contraire tenter de clarifier autant que l’on puisse faire.

 

L’assurance de la Résurrection

Ce sentiment des disciples et des Apôtres « crève les yeux » dans les textes. De nos jours, on analyse facilement ce sentiment comme purement subjectif, quasiment dénué de toute réalité objective ; ou tout au moins que les sentiments et l’expérience subjectifs auraient nettement amplifiés la réalité. De toute façon, ils seraient suspects au regard de l’objectivité scientifique dont notre époque veut se prévaloir.

A la désolation des disciples, se serait succédé un sentiment de la présence de Jésus, d’une présence qu’on pourrait qualifier de « vivante ». Cette expérience de présence est incontestable affirme notre auteur, et les textes s’en font l’écho : Je suis avec vous tous les jours…. De là à conclure à une Résurrection, il y a une marche tout de même un peu haute à gravir. Car les textes parlent bien davantage de la Résurrection en terme d’évènement (avec l’emploi de l’aoriste grec, qui signifie un évènement ponctuel dans le passé) que de l’état du Ressuscité (rendu par l’emploi du parfait, conjugaison moins employée par les évangélistes). La formule de l’annonce n’est pas « Jésus vit toujours » mais « Jésus a ressuscité » (p.41). La première formule serait comme une traduction du parfait (dont on compte 9 emplois dans les Evangiles, les Actes et le corpus paulinien), la deuxième une traduction de l’aoriste (44 emplois). Un sentiment de présence aurait logiquement été davantage relié à l’état du ressuscité (donc avec emploi du parfait). Pour être exact, il faut préciser qu’une traduction du parfait grec donnerait plutôt : Jésus est ressuscité (et Il continue de l’être, donc son état reste inchangé). Jacques Perret rend l’aoriste grec en traduisant : Jésus a ressuscité. Nous reviendrons sur la question des verbes exacts employés pour la Résurrection, mais pour l’heure il semble que ce soit plutôt l’évènement qui a donné naissance à ce sentiment de présence, plutôt que l’inverse.

De plus, ce sentiment ne pourrait que difficilement s’originer dans les idées du temps car c’étaient des perspectives lointaines ; plus tard, Benoît XVI dira que la Résurrection était attendue pour la toute fin de l’humanité (Jésus de Nazareth, tome 2). Ce que l’on attendait plutôt, ou espérait, c’était une libération de l’occupant romain.

D’autres hypothèses ont été échafaudées : puisqu’il était cru que Jean Baptiste ou d’autres pouvaient ressusciter (cf. Lc 9, 7 et 9, 19), on pourrait l’avoir dit de Jésus. Toutefois, il est clair que les deux choses ne peuvent être assimilées. Selon d’autres objections, on pourrait voir dans les annonces de la Résurrection de Jésus proclamée dans le NT ? comme une applications des annonces de la Résurrection dans l’Ancien Testament  (Ez 37 par exemple). Là encore, cela ne tient pas car dans l’Ancien Testament, tout était lié : annonces de la Résurrection mais aussi libération du peuple, etc.. Il faut plutôt voir le contraire : ce n’est qu’avec la Résurrection de Jésus que ces anciennes annonces purent être relues à son aune, et détachées d’autres annonces prophétiques. Plus tard, Benoît XVI dira : quelque chose de nouveau s’était produit. Traduisons : du jamais vu dans notre monde et qui ne relève pas de notre monde, pas totalement. Sans attendre Benoît XVI, Jacques Perret assure : On peine à écarter l’idée que quelque chose d’inattendu s’est passé, inattendu et sans doute concret, sensible, pour fonder l’assurance de ce fait qui est lui-même donné comme un évènement concret, objectif (p. 44).

 

Les apparitions

Nicolas Bertin – Résurrection du Christ

Passons à présent aux récits d’apparition du Ressuscité. Dans ce domaine, que n’a-t-on pas dit ! Hallucinations (plus ou moins collectives), rêves ou même rêveries, les verbes employés ne se traduisent pas par « ressusciter » mais « réveiller », etc…

Balayons assez vite l’hypothèse des hallucinations : s’il y en eût, notre auteur rappelle qu’elles furent perçues par plusieurs personnes (pensons aux « 500 disciples à la fois » de st Paul en 1 Co 15), eurent un temps assez long (par exemple l’apparition de Jésus au bord du lac de Galilée en Jn 21), avec des péripéties comme dit notre auteur. Autant de discordances entre les deux genres de phénomènes, pour autant que l’on puisse connaître l’un et l’autre, empêchent de les tenir sorties du même « moule ».

Des rêves ? Il existe en effet des cas de ce genre dans la Bible, comme par exemple en Mt 1, 18-25. Jamais ils ne sont présentés comme des résurrections, même de loin.

Aurions-nous affaire à de « simples » manifestations divines, comme les théophanies ? En fait de théophanies, la Bible en connaît de deux espèces : le premier et le plus largement répandu, se caractérise par des phénomènes assez extraordinaires, d’un degré parfois bouleversant (dans l’Ancien Testament surtout, mais le Nouveau Testament ne l’ignore pas, comme par exemple avec la Transfiguration) ; l’autre de façon plus ordinaire comme en Gn 18, 1-8 (l’apparition à Mambré). Dans ces théories, il y aurait bien eu des théophanies du mode « ordinaire » restituées littérairement par le genre « résurrection ».

 Jacques Perret écarte cette hypothèse parce que les situations de rédaction et d’évènements ne peuvent être assimilées : l’Ancien Testament raconte l’histoire d’Abraham, ou d’autres, et ceci comporte donc de soi un  laps de temps assez long par rapport à l’évènement raconté. Il y a donc une distance (leur vie est achevée ou quasiment) et une perspective rédactionnelle manifestement dissemblables.

Pour la Résurrection, en tenant compte d’une part que les récits actuels du Nouveau Testament sont fidèles aux premières annonces, et d’autres part que leur rédaction n’est pas non plus très éloignée des faits, nous « obtenons » quelque chose de très différent. La Résurrection est proche, et en outre des témoins sont encore présents. En résumé, il est toujours délicat d’isoler un texte ou une partie de texte, sinon à en rester à des perspectives très générales et généralisantes, trop pour prétendre rendre compte de la véracité des textes.

 

La question des verbes

Nous ne rendons compte qu’à grands traits du livre minutieux de Jacques Perret. Le caractère fastidieux de la démarche ne peut être écarté, il s’agit sans doute d’une sorte de prix à payer dans ce type de questionnement. Aussi bien, nous nous attardons le moins possible. Toutefois, nous ne pouvons écarter la question des verbes employés. Aucun écrit évangélique en effet n’emploie le verbe « ressusciter » mais « réveiller, se réveiller » et « relever, se relever ». Dans le contexte, il est évident qu’on désigne la résurrection. Les mêmes verbes ont été employés également pour la fille de Jaïre (Mc 5, 42), le fils de la veuve de Naïm (Lc 7, 14) ou Lazare (Jn 12, 1). Mais cela n’implique aucunement qu’il s’agisse de la même réalité, comme d’un « copier/coller ». L’emploi de ces verbes ne veut pas réduire la Résurrection de Jésus à une « réanimation d’un cadavre ». Manifestement les auteurs tentent de parler d’un évènement irréductible aux réalités déjà connues, et pourtant il faut bien utiliser un langage. Le fait qu’un défunt revive justifie le même langage, mais le contexte indique pourtant de notables changements. A l’évidence, s’agissant de Résurrections, elles ne sont pas du même type.

 

La question de l’objectivité ou de l’impartialité des textes

Enfin, il y a l’objection  répandue actuellement : ces récits ont été composés par des croyants, donc partie prenante dans le problème. On ne pourrait donc  pas leur faire confiance.

 

Les réponses de Jacques Perret

284.6 x 211 – Huile sur toile

Jacques Perret a déjà répondu à cette objection. Pour mémoire,  en premier lieu les textes parlent majoritairement de la résurrection comme d’un évènement ;  que s’il avait fallu convaincre de la résurrection de Jésus, les textes auraient été plus cohérents et plus démonstratifs. Les rédacteurs auraient comme « gommé » les différences trop criantes, auraient sans doute ménagé les Apôtres dont la mémoire est en grande vénération (dans les textes ils sont presque les derniers à croire). Il faut surtout retenir qu’une résurrection telle que les textes nous la présente n’était pas et ne pouvait pas être attendue. La Résurrection de Jésus ressemble tellement peu aux résurrections de l’AT ou celle déjà vues dans le NT, que les textes semblent justement porter la marque d’une incapacité à la décrire totalement. N’oublions pas non plus que des contemporains de l’évènement pouvaient encore être de ce monde : impossible alors de soutenir des « fake news ».

Quant au manque d’objectivité scientifique dont la Foi est comme accusée, le mieux est de citer intégralement Jacques Perret : « Don Diègue me paraît fondé à attester qu’il a reçu un soufflet du comte, indépendamment de toute autre attestation et quoique l’évènement ait profondément affecté sa subjectivité ; le cas des disciples attestant qu’ils ont trouvé le tombeau vide qu’ils ont vue le Seigneur ne  me paraît pas très différent – est -il besoin de noter qu’il serait impossible d’écrire l’histoire si l’on devait récuser tous les auteurs suspects de partialité ? Le désir même qu’ils ont de convaincre les oblige à bâtir leur récit à partir d’éléments authentiques. Nous n’hésitons pas à utiliser Tacite tout en le sachant passionné ; César de même, est loin d’être le chroniqueur objectif de ses propres exploits, et il est pour nous l’unique témoin d’un très grand nombre d’épisodes de la conquête de la Gaule. Personne cependant ne doute de l’authenticité substantielle d’un récit proposé à des lecteurs dont beaucoup avaient été spectateurs ou acteurs des évènements. Une enquête historique ne se mène pas selon les procédures qu’une affaire criminelle, avec le petit jeu de la récusation des témoins et des juges pour des motifs de fantaisie. (p. 61-62).

 

Conclusion

Dans une conclusion provisoire, Jacques Perret nous dit :

Il semble donc que, dans les jours qui ont suivi la mort de Jésus,

1) Le tombeau a été trouvé vide

2) des apparitions ont eu lieu, à peu près comme elles sont racontées dans le N.T.,

3) les principaux disciples en ont acquis la conviction que Jésus avait ressuscité, d’une manière inédite, mais qui sauvegardait l’identité et la continuité de tout son être humain.

Dans une partie suivante, l’auteur soutient possible comme historien de soutenir la thèse d’un évènement hors du commun, le plus apte à expliquer à la fois la logique des textes et des annonces, et ce qui peut poser question en elles. Par là, il en arrive à sa conclusion générale :

Il n’est certes pas commode pour un historien d’explorer jusqu’au bout la voie que les disciples ont cru véritable, mais les hypothèses de remplacement ne semblent pas satisfaisantes ; on a même l’impression de s’y égarer radicalement dès le début. Nous avons dit tout à l’heure [nous ne l’avons pas vu] comment elles nous paraissaient passer à côté de leur objet, s’en faire une idée caricaturale ou en disloquer la cohérence interne.

Après avoir exploré l’hypothèse la plus vraisemblablement historique, l’auteur livre sa conclusion, et elle vaut la peine d’être méditée : La méthode historique nous conduit au seuil où la perception d’une vraisemblance objectivement supérieure peut s’achever chez l’individu en une conviction personnelle. Ce seuil, elle ne le franchit jamais – car on peut toujours refuser de conclure – même quand elle raisonne sur la date de naissance de César. Mais ici, comme pour la date de naissance de César, elle y conduit. Etant bien entendu que la Foi surnaturelle dont parlent les chrétiens se situe encore au-delà d’une analyse et d’une conviction personnelle. On notera toutefois qu’elle établit entre tout ce qui est historiquement attesté une cohérence plus grande encore, comme si l’objet même de la Foi était lié, partie prenante, dans la même et unique réalité.

Quant on refuse de croire à la résurrection de Jésus, ce n’est pas pour des motifs historiques. Pour ce dont elle est capable, l’histoire – tant s’en faut qu’elle en détourne – y porterait plutôt. (p. 76).

Une démarche ardue

Avec ces deux articles, vous constatez qu’il s’agit de démarches un tant soit peu ardues. La conclusion nous restitue l’essentiel du travail. Dans un article ultérieur, nous élargirons la problématique au niveau de la Foi ; car ainsi que le laisse entendre la conclusion de Jacques Perret, tout cela a des incidences sur la Foi et sur la façon de la concevoir. Ce sujet est trop important pour que nous le passions sous silence.

Auparavant, nous devrons encore aborder un autre point de la question, sans quoi il manquerait quelque chose à notre analyse. Nous emprunterons pour l’essentiel de ce qui suit au journaliste italien Vittorio Messori, dans son livre « Ils disent ‘Il est ressuscité’ Enquête sur le tombeau vide ».

Une analyse littéraire au service d’une thèse ?

Vous l’aurez constaté, l’analyse littéraire des textes nous offre le poids le plus lourd des objections. Les discussions sur les théophanies, les verbes employés, l’incohérence (relative encore une fois) des récits de la résurrection, le sentiment subjectif de la résurrection de Jésus comme explication de l’origine des textes, remontent en fait à une même source : une certaine exégèse assez récente, pour qui ces récits ne seraient en définitive qu’une espèce de genre littéraire destiné à rendre compte du sentiment des premiers chrétiens, ou de leur expérience intérieure : Jésus est ressuscité.

Dans le but de bien nous comprendre, je préfère bien préciser, au risque d’être répétitif : le sentiment de la présence spirituelle, intérieure de Jésus chez les chrétiens leur aurait fait comprendre qu’Il est ressuscité, et ils auraient tentés de faire partager cette conviction par le biais de récits qu’on pourrait regrouper aujourd’hui sous la rubrique « genre littéraire ». En général, les tenants de cette « thèse » restent muets sur le genre d’expérience intérieure des disciples. S’agirait-il de visions, de sentiment de présence, de conviction liée à une relecture des textes de l’AT parlant de résurrection ? D’autre chose ? Nous demeurons dans le vague, sauf à affirmer ou à laisser entendre que la résurrection de Jésus ne toucherait pas à l’ordre physique.

Pour le moment, plutôt que d’alourdir cet article, nous renvoyons cette problématique au prochain article. Du coup, un 4ème article sera nécessaire pour conclure sur tout ce que cela peut engendre comme conception de la Foi.

À propos du rédacteur Frère Edouard Domini

Frère Edouard, religieux et prêtre de la Famille Missionnaire de Notre Dame. Originaire de Bretagne, il est actuellement en mission dans le foyer de Lyon, pour l'apostolat de sa communauté.

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