A paraître : “J’ai tant pleuré sur la Bretagne”, le livre événement sur l’abbé Yann-Vari Perrot

Amzer-lenn / Temps de lecture : 11 min

En avant-première, découvrez sur Ar Gedour le livre événement à paraître en septembre, sur la vie, l’œuvre et le martyre de l’abbé Yann-Vari Perrot. Youenn Caouissin, qui publie régulièrement sur Ar Gedour, présentera son ouvrage en septembre prochain. Mais d’ores et déjà, Ar Gedour en parle, et publiera en exclusivité quelques “bonnes feuilles”.

Youenn Caouissin répond à nos questions, sans langue de bois, sur un ouvrage qui fera certainement parler de lui.

Youenn Caouissin, pouvez-vous nous dire qui était l’abbé Yann-Vari Perrot, à qui est consacré ce livre ?

L’abbé Yann-Vari Perrot (1877-1943), a été incontestablement la plus grande figure bretonne du 20e siècle, aux sources du monde culturel breton, à la racine de bien des fruits encore actuels. Mais aujourd’hui encore, qui le sait ? Qui connaît l’abbé et son oeuvre ?

Dès le début de son sacerdoce,  qu’il voyait comme un combat pour Dieu et la Bretagne, il sera calomnié par les ennemis de la foi et ceux de la Bretagne qui s’acharnaient à détruire tout ce qui faisait l’âme bretonne. Il sera placé sur la liste noire des anticléricaux les plus farouches : les jacobins de toutes obédiences, les franc-maçons, les libre-penseurs, les communistes et par la frange très progressiste de l’Eglise. Ses adversaires, durant quarante années, vont s’employer, non seulement à entraver son œuvre immense, mais aussi à accumuler sur sa tête un monceau de calomnies, le «tuant» d’abord moralement, en attendant les temps propices où ils pourront enfin le tuer physiquement.  Et c’est la Seconde Guerre mondiale, avec l’occupation et la résistance, stimulant des cortèges de haines qui vont donner l’occasion de l’abattre. Il sera assassiné par un tueur professionnel, qui, sous le couvert du patriotisme de la Résistance, exécutera un véritable contrat. En effet, l’homme avait été payé 10.000 francs de l’époque pour mener à bien sa sanglante mission. L’abbé Perrot sera assassiné le 12 décembre 1943, jour de la Saint Corentin, alors qu’il revenait de dire la messe dans la petite chapelle de saint Corentin de Toul-ar-Goaz en Scrignac (Diocèse de Quimper & Léon).

 

Mais n’est-il pas risqué de consacrer un livre à un sujet aussi sensible ? Tout n’a-t-il pas déjà été dit ?

 Plus de 70 ans après ce crime crapuleux et sacrilège, considéré par la Résistance comme un acte hautement héroïque, l’abbé Perrot reste un « sujet brûlant » qui provoque les passions les plus  controversées, et qui, hélas, ne sont que les répétitions de tous  les clichés les plus usés et mensongers forgés par les communistes, inlassablement repris en boucle par tous ceux qui entendent parler d’un homme dont finalement ils ne connaissent rien.

N’en déplaise à beaucoup, aujourd’hui encore, tout ce qui existe d’authentiquement breton, tant dans les domaines culturels que religieux, remonte vers l’abbé Perrot. Il fut le phare et le fédérateur de toute une génération. Aujourd’hui, les Bretons qui revendiquent leur identité, leur culture, leur langue sont, en quelque sorte, ses héritiers, mais ils ne le savent pas. Les communistes qui l’ont assassiné savaient parfaitement quel homme était l’abbé : un chef, un meneur d’hommes, capable de « réveiller un peuple trop longtemps endormi dans ses complexes ». Il était dangereux et il fallait donc le faire taire. On n’assassine pas les êtres insignifiants, mais les hommes de caractère, les chefs. En cela, les communistes s’y connaissaient parfaitement.

 

Tout n’a donc pas été écrit sur l’abbé Perrot ?

Tous les ouvrages traitant de la Seconde Guerre mondiale, de l’occupation, de la Résistance et de la collaboration en Bretagne, ont consacré plusieurs pages à l’abbé Perrot, réduisant d’ailleurs trop souvent sa vie à ces quatre années de guerre, pages qui brillent surtout par l’absence de toute objectivité.  Seuls, les ouvrages de Ronan Caerléon, de l’abbé Henri Poisson, du Père Marc Simon, du Père Chardronnet et de Thierry Guidet, et bien évidemment les nombreux articles écrits par ses amis, ont bien cerné la vie, l’œuvre et la mort de l’abbé Perrot. Cependant, c’est le Père Marc Simon, moine de l’abbaye de Landévennec, qui écrira :

«En dépit de l’ouvrage de l’abbé Poisson et de la somme importante d’articles qui lui ont été consacré, l’abbé Perrot attend encore son biographe attentif à faire revivre la physionomie humaine et spirituelle de cet homme, de ce prêtre ».

Dès 1944, Herry Caouissin, qui fut en quelque sorte son « fils spirituel » et surtout son secrétaire pendant 10 ans, devenant aussi son héritier, entreprendra d’écrire la vie de son maître. Pour diverses raisons, exposées dans la préface du livre, il ne pourra mener à bien cette tâche. En 1999, il m’a demandé d’en reprendre et poursuivre la rédaction. Il fallait pour cela rester fidèle à la pensée, à l’œuvre et à l’idéal Feiz ha Breiz de l’abbé Perrot. Tâche difficile, de confiance, mais passionnante. Là encore, pour diverses raisons, la rédaction du livre va prendre du temps, car il n’était pas question de faire un « copié-collé » de ce qui avait déjà largement été écrit. Nous voulions présenter, faire découvrir un abbé Perrot qui ne soit pas un homme du passé, un « matériau d’archives pour historiens », mais un abbé Perrot visionnaire, projetant toute son œuvre bretonne, sa foi bretonne et chrétienne sur le long terme, sur l’avenir, pour qu’une Bretagne authentiquement bretonne et chrétienne renaisse et perdure.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre ouvrage ?

Le livre, publié par les Editions Via Romana, a pour titre une des plus émouvantes plaintes de l’abbé Perrot pleurant devant « le champ de ruines spirituelles, culturelles, de la langue et des traditions de la Bretagne », tout étant à défendre et à reconstruire, tâche devenue surhumaine.

J’ai souhaité commencer le premier chapitre par la fin de la vie de l’abbé Perrot sur sa terre bretonne. Une « journée ordinaire » qu’aurait dû être ce dimanche 12 décembre 1943. J’ai essayé de faire participer le lecteur à l’intimité de sa dernière messe, où au pied de l’autel, il dépose toutes ses souffrances et ses angoisses pour l’avenir de la Bretagne. Puis vient le cheminement vers son martyre.  En 23 chapitres et plus de 700 pages, je partage au lecteur cette vie extraordinaire d’un modeste recteur de campagne, qui avait pourtant l’étoffe d’un évêque. Plus précisément, sous la forme littéraire de la prosopopée, je laisse la parole à l’abbé Perrot, et c’est donc lui qui nous narre son enfance de petit paysan léonard, son séminaire, son ordination, sa vie au front lors de la Grande Guerre qui lui fera recevoir la croix de guerre avec citation, la croix du combattant et la médaille interalliée de la victoire. Sont évoqués au fil des pages ses combats pour la langue, la culture bretonne, la défense des traditions bretonnes dans une Bretagne bouleversée socialement et en voie de francisation.

L’originalité du livre tient aussi en plusieurs points : chaque chapitre met en exergue une ou plusieurs citations de l’abbé Perrot, ou de d’autres personnalités, qui donnent le ton à ce qui suit. Mais, loin d’une biographie plongée dans le passé, ce sont ici tous les combats de l’abbé Perrot  qui sont mis en parallèle et analysés à la lumière des défis actuels pour la défense de l’identité de la patrie, de la foi, et pas seulement de la Bretagne.

 

C’est donc bien plus qu’une biographie que vous nous livrez ?

Certainement ! Le lecteur sera probablement frappé par la similitude de ses combats avec ceux qui sont à mener face aux totalitarismes des idéologies mondialistes, face aux cultures de mort, face à la négation et la haine de Dieu qui caractérise tant notre époque, face aux forces de subversion dont le projet est l’anéantissement des patries et de leurs identités propres.

C’est pour cette raison que j’ai choisi de largement développer le chapitre consacré aux idéologies. Il sera aussi présenté un abbé Perrot soucieux  du sacerdoce, de la jeunesse, du mariage, des enfants et de la jeunesse bretonne, de la beauté de la liturgie, de l’école chrétienne et bretonne. Comme cela a été le cas sur Ar Gedour (NDLR : cf notre série “l’abbé Perrot, un témoin pour notre temps”), le lecteur pourra cheminer avec le prêtre rassembleur, rayonnant de bonté et de charité, le prêtre bâtisseur, restaurateur des chapelles, le linguiste et le dramaturge, l’homme plein  de projets. L’abbé Perrot conte tous les espoirs qu’il met dans sa grande fête populaire qu’est son Bleun-Brug pour faire prendre conscience à ses chers Bretons de la richesse de leur héritage culturel et de leur Histoire.  En se basant sur les correspondances de l’abbé Perrot, je livre aussi les fréquents conflits du prêtre avec sa hiérarchie, entravant considérablement son œuvre de redressement de la Bretagne et minant prématurément sa santé. Là encore, j’essaie de mettre parallèle le combat de l’abbé Perrot pour que l’Eglise en Bretagne soit l’expression de l’âme religieuse bretonne, en restant fidèle à sa langue, ses traditions, et la situation de l’Eglise aujourd’hui, devenue en Bretagne une Eglise apatride. Bien évidemment, la période de la dernière guerre occupe une place privilégiée.

Nous ne pouvons citer toute la richesse du livre. Mais à partir du chapitre 20, l’auteur reprend le fil du chapitre premier, la dramatique journée du 12 décembre, et nous mène dans l’intimité de l’agonie et des obsèques solennelles de l’abbé Perrot. Nous retiendrons l’inédit dialogue, en septembre 1943, entre l’abbé Perrot et le leader nationaliste breton, Célestin Lainé, qui éclaire d’un jour particulier la personnalité d’une âme bretonne tourmentée par l’avenir de sa patrie. Le lecteur découvrira aussi le débat, en 1976, entre trois amis, Herry Caouissin, Polig Monjaret et Xavier Grall,  sur les dérives du mouvement breton.

 

Quelque chose à ajouter pour les futurs lecteurs de votre livre ?

Le Breton qui a à cœur l’avenir de la Bretagne ne peut que se procurer ce livre, qui, il faut le souligner, bousculera certainement le politiquement, le culturellement et le religieusement correct, bousculade renforcée pour chaque problème évoqué par de solides argumentaires. De quoi faire grincer quelques dents, mais de quoi aussi réveiller certaines consciences.

J’ai souhaité une bonne fois pour toutes sortir l’abbé Perrot du seul « pré carré breton » pour le donner en exemple et le faire reconnaître comme un prêtre qui aurait pu être celui de toutes les patries dont l’identité physique, culturelle et spirituelle est menacée. L’humble recteur de Scrignac prend ici une dimension qui dépasse largement la Bretagne, à l’instar de cet autre prêtre polonais, martyr du communisme : le Père  Jerzy Popieluszko.

Herry Caouissin, mon père, décédé en février 2003, n’aura donc pas eu la joie de voir son livre achevé, mais ce livre reste aussi le sien. Est-il besoin de le souligner, je m’appuie sur les propres archives de l’abbé Perrot, les archives et souvenirs de son secrétaire, ce qui donne au présent ouvrage toute sa crédibilité. Comme le voulait Herry Caouissin, il s’agit ici « qu’après ce livre, plus rien de contraire à la grande figure bretonne que fut l’abbé Perrot ne puisse s’écrire sans tomber dans le discrédit, le ridicule d’historiens autoproclamés, qu’aucune diffamation ne puissent désormais subsister sans déconsidérer ceux qui s’y risqueraient encore ».

Herry Caouissin voulait « une réhabilitation » définitive de l’abbé Perrot, même s’ il précisait que ce saint prêtre et martyr méritait sans doute une béatification, voire une canonisation. Ce livre est un petit pas en ce sens.

Publication  : septembre 2017, aux Editions VIA  ROMANA

700 pages. Soixante photos et documents. Prix souscription AR GEDOUR : 34  euros, port compris pour toute commande avant parution. Fin de l’offre de souscription AR GEDOUR le 15/09/2017

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À propos du rédacteur Redaction

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7 Commentaires

  1. Excellente initiative. Dommage qu’une fois de plus, selon des propos tenus dans cette interview, l’auteur consolide l’image simpliste et caricaturale des méchants ” anticléricaux les plus farouches : les jacobins de toutes obédiences, les franc-maçons, les libre-penseurs, les communistes et par la frange très progressiste de l’Eglise”, et donc celle de l’Abbé Yann-Vari Perrot. Il serait donc impossible de défendre son combat sans accepter cette idée d’une Bretagne exclusivement chrétienne et synonyme d’une église bretonne décadente et ignorante. C’est pourtant dans les campagnes bretonnes chrétienne, notamment, que la révolution française est née, avant d’être pervertie par la CCC et la conscription. La rédaction d’un ouvrage qui ne soit pas un simple plaidoyer hagiographique, reste à faire. Dommage.
    Pierrick Hamon

  2. Bonjour M. Hamon,

    La révolution française a trouvé, en ses début, un terreau favorable en Bretagne pour de multiples raisons:
    – l’idéal de liberté, d’égalité, sont des vertues prônées par le christianisme (en d’autres termes), mais qui sont devenues folles lors de la révolution, avec tout son cortège d’horreurs. La fraternité n’était alors pas présente dans l’idéologie révolutionnaire puisque c’était”liberté, égalité ou la mort…”.
    -autre raison: les bretons ont pour beaucoup été déjà pervertis dans leur esprit, pensant être Français alors qu’ils étaient Bretons. C’est comme si, aujourd’hui, dans le cadre de l’Europe, on disait que les Français sont Allemands ou les Allemands Français! Stupide! Il existait un peuple Breton, qui a été méthodiquement asservi physiquement, spirituellement, intellectuellement, psychiquement, jusqu’à sa quasi disparition aujourd’hui. Peu avant la révolution, demander “l’égalité “au roi de France, c’est déjà se soumettre au roi de France. Et quelle égalité? Existe-t-elle aujourd’hui? Vaste débat….
    Une Bretagne vivante aurait supposé que les Bretons prennent en main leur destin, déjà à cette époque, et encore aujourd’hui, au lieu de mendier des promesses jamais tenues à une France qui n’a eu de cesse de vouloir la détruire ….Au lieu de cela, les Bretons ont trop souvent été acteurs, eux aussi, de leur propre destruction.
    C’est ce que dénonçait l’abbé Perrot: cette soumission aveugle qui conduisait la Bretagne à son déclin. Avait-il raison? Il suffit de voir l’état actuelle de la langue Bretonne pour voir qu’il avait raison. La langue Bretonne est devenue minoritaire en Bretagne, et est classée en grand danger par l’UNESCO. Il est bien tard…Mais pas trop tard?

  3. Nul doute que cette biographie tant attendue par les Bretons non reniés, ne nous décevra pas. Toutefois, on ne peut qu’être déçu tant par la maquette de couverture que par le titre retenu. Il s’agit-là d’une présentation fort éloignée du prêtre de combat qui est évoqué, lors de la journée commémorative du Lundi de Pâques à Koad Keo.
    Des couleurs ternes et sans contraste, des larmes dessinées et un titre qui ne porte pas spécialement à l’action et encore moins à la transcendance, ce ne sont guère des motifs susceptibles d’accrocher le lecteur moyen. D’autant que les lamentations n’ont jamais été la marque spécifique de notre identité celtique, ni celle de la religion catholique non conciliaire.

    • Peut-être est-ce votre vision des choses concernant la couverture, ainsi que celle de certaines personnes qui n’ont pas manqué de nous le dire directement ou par des chemins détournés, mais ces choix sont assumés par l’auteur et l’éditeur pour diverses raisons… et notamment afin de se démarquer de toutes les visions qui peuvent exister sur l’abbé jusqu’à aujourd’hui. Et c’est justement par ces choix graphiques que le lecteur moyen est interpellé, via une couverture qui se démarque. Vous dites votre déception. D’autres nous ont dit leur intérêt. Comme quoi, les goûts et les couleurs…

      Quant au titre, lorsque vous aurez lu les premières pages, vous comprendrez aisément le pourquoi. Peut-être alors comprendrez-vous que si cette phrase de l’abbé “J’ai tant pleuré sur la Bretagne” est mise en avant, c’est pour que par ce livre plus jamais nous n’ayons à pleurer sur elle.

  4. tous ceux qui de près ou de loin s’intéressent à la Bretagne doivent 1°) faire le tro-breiz et pour cela, s’inscrire pour la 1° semaine d’août, 2°) ne pas avoir peur de se lancer dans la lecture du “pavé” qu’est la biographie de l’abbé Perrot par le fils de son secrétaire.
    NB : (page 539) avant de monter sur le siège épiscopal de saint Corentin Mgr Duparc était bien recteur de la paroisse Saint Louis, mais à Lorient et non à Brest
    https://www.argedour.bzh/croix-pectorale-de-monseigneur-duparc/

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