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CHRONIQUE : l’Humain et l’Acte de Croire

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

par Eflamm Caouissin


Dans l’Etre et le Néant, Jean Paul Sartre a défini l’acte de croire et sa source profonde. Pour lui, l’humain est toujours en quête de son identité, et vit au-delà de lui-même dans un dépassement vers les autres, vers l’avenir et vers des projets portés par l’espoir. Il reçoit ainsi, de son existence même, la part la plus importante de son être.

L’être humain, de tout temps, a eu et a toujours ce besoin de croire. Croire en Dieu, en un dieu, en une entité supérieure, en lui-même ; croire en ce que dit son voisin, son proche, ses parents… C’est ce ressenti qui fait la différence entre l’Homme et l’animal. Nous verrons ici, après avoir redéfini le terme de croire,qu’est ce que l’Acte de Croire, et comment l’Acte de Croire nous rend justement « plus humain ». Nous verrons si cet Acte est juste un sentiment, ce fameux ressenti, ou s’il fait appel à un degré de connaissance, un savoir. Enfin, nous nous pencherons sur le fait de croire, au niveau de la foi chrétienne.

acte de croire,savoir,dieu,foi 1- CROIRE

Croire, cela signifie « tenir pour vrai ». Il semble pourtant que le sens de ce verbe soit ambigu du fait de l’usage courant qui en est fait. Il est plus juste de dire que c’est dès son origine que ce verbe a été ambigu, puisque dès son apparition en français, ce verbe a eu un double sens, le sens religieux « d’avoir foi », et le sens non-religieux « d’admettre un objet (un fait) pour vrai » ».

Croire, dans son sens non-religieux, c’est donc faire confiance à autrui, en admettant que ce qu’il avance est vrai. Quand j’admets que quelqu’un a raison, j’accepte ce qu’il avance pour de justes raisons : je le crois parce que je suis certain qu’il y a des raisons de le croire.

Le fait de croire représente un degré de confiance en ce que nous dit l’autre. Ce degré est une réalité humaine à la base de toute relation humaine, réalité qui nous construit. C’est ce que l’on appelle une donnée élémentaire. Dès notre enfance, nous sommes confrontés au fait de croire nos aînés, sur la base de leur science. Nous approfondissons ces connaissances en tenant pour vrai ce qu’ils avancent et fondons notre vie sur ces constats.

 

2- CROIRE & SAVOIR

Le savoir est la somme des connaissances acquises en croyant ce que nous ont dit les autres, et en qui nous avons eu confiance. Ces connaissances sont le fruit de la réception du savoir des autres. Nous voyons donc ici, suivant les éléments précédents, que « le fait de croire n’est pas une attitude exclusivement religieuse, mais une réalité humaine tout à fait générale, et que l’opposition entre croire et savoir n’est pas simple » (1). Croire et savoir sont deux termes qui ne peuvent être indifférents l’un à l’autre. Croire et savoir ne cessent de se conditionner mutuellement, « empruntant l’un à l’autre et se contre-distinguant l’un l’autre» (2).

Cependant, croire n’est pas savoir. Le savoir fait appel à des analyses se rapportant à des réalités, en émettant des hypothèses vérifiables par des expériences et méthodes appropriées. Il n’en est pas de même pour le croire, qui ne se vérifie pas avec des procédures scientifique, mais fait appel à la foi. La Foi chrétienne suppose aussi un certain nombre de connaissances…

 

3- L’ACTE DE CROIRE…

Nous arrivons donc au stade que nous croyons ce que nous dit l’autre. Nous lui faisons confiance. Nous avons foi en ce qu’il nous dit. L’acte de croire est un geste d’ouverture, d’écoute et d’attention, à partir duquel s’instaure une alliance et une reconnaissance. Un geste qui nous porte vers l’autre, qui nous porte à s’ouvrir à lui sans vouloir le posséder, où le connaître parfaitement nous-mêmes. C’est cette attitude humaine qui fait vivre en homme, et mène vers le haut et vers ce besoin idéal de connaissances. Mais ce n’est possible que si nous faisons confiance en cet autre, et que nous nous mettons dans cette position de se confier (au sens générique du terme), pour recevoir le savoir de l’autre, car on tient pour vraie sa parole.

Croire, c’est avant tout croire en l’autre, cela de manière quotidienne. En cela, croire est une action volontaire, libre, parce que nous faisons confiance en ce que nous dit l’autre, et parce que la somme des connaissances acquises (le savoir) nous permet d’affirmer que ce que dit l’autre est vrai.

 

4- … NOUS REND-IL PLUS HUMAIN ?

Nous sommes, comme nous l’avons vu, libres de croire ou de ne pas croire, de faire confiance ou non. Nous choisissons d’accepter l’autre et son savoir, ou de le repousser. Cette liberté de choix nous est posée, mais on ne peut vivre sans porter crédit à un certain nombre de personnes, que ce soit à nos parents ou à nos professeurs lorsque nous faisons l’apprentissage de la vie, lorsque nous parlons à notre voisin. Lorsqu’un couple se marie, pour prendre un exemple, l’un et l’autre se font mutuellement confiance, chacun portant crédit à l’autre. Prenons un autre exemple : lorsque nos parents nous disent quelque chose, nous sommes portés à penser qu’ils disent vrai.

Dès l’aube de sa vie, l’homme a ce besoin essentiel de croire, besoin inhérent à sa condition humaine. Ce besoin ne peut être contraint, car l’homme est libre de croire ou non, que même la force ne peut y changer quelque chose. L’être humain doit donc avoir la volonté de croire pour croire. Il faut ainsi avoir la volonté de s’ouvrir à l’autre.

CROIRE, c’est un acte d’ouverture à quelqu’un d’ autre qui nous fait exister nous-mêmes et nous rend responsable des autres. Si s’exposer à l’autre est humain, se renfermer sur soi ne l’est pas, et c’est cela qui nous rend différent d’un animal. Cet acte de croire est un acte qui au fil du temps nous fait grandir et nous ouvre à notre propre humanité.

Mais si cette humanité croît, il est bien évident que la raison porte parallèlement à nous ouvrir plus encore à l’autre, voir nous ouvrir à une Altérité supérieure.


5- L’ACTE DE CROIRE EN DIEU

Si croire en notre prochain, s’ouvrir à lui, nous rend plus humain, l’acte de croire en Dieu est, quant à lui, un geste d’ ouverture à cet être invisible, « que l’on peut cependant accueillir dans la mesure où il se communique. C’est donc un geste d’écoute et d’attention, à partir duquel s’instaure une alliance et une reconnaissance. Dieu est, pour les hommes qui croient en Lui, le Nom d’une Altérité véritable   que l’on ne peut en aucun cas réduire, cerner ou maîtriser. Cette Altérité nous fait exister, tendre vers Lui, vers les autres, et prendre en charge ce monde « (3).

Tout comme nous prenons le risque de croire notre prochain, dans notre vie quotidienne, nous pouvons prendre le risque de croire en Dieu, suivant les connaissances qui nous sont données et la Tradition des chrétiens. La vie humaine est une vie où nous prenons des risques : celui de croire, celui de faire, …

Risquer de croire en Dieu, c’est se risquer à devenir soi-même en se confrontant à Celui qui nous donne notre humanité en ce monde. Si l’acte de croire, selon Saint Thomas d’ Aquin, réside dans la volonté des croyants la volonté de l’homme doit être préparée par Dieu moyennant la grâce, pour que cette volonté soit élevée à des choses qui dépassent la nature(4).

 

Nous pouvons affirmer ici que l’acte de croire est un acte qui touche la personne humaine, et que l’homme, né libre et avec une volonté, peut ou non, croire. Cela fait partie de notre patrimoine élémentaire humain. Avant tout, croire en lui-même et en son existence, croire ce que lui dit l’autre puis en se connaissant mieux lui-même et en s’ouvrant aux autres, croire en une dimension qui le dépasse, qu’il percevra en grandissant. On ne devient pas homme par la somme des savoirs, mais en prenant pleine conscience de cette altérité. Vivre de cette altérité, c’est alors faire grandir sa propre humanité.

 ___________________________________

 

(1) Père Jérôme Sécher – L’Acte de Croire p1

(2) P. Gisel, Rech.de Sc. Rel. 89

(3) P. Bernard Mercier – La Foi du Pédagogue

(4) Saint Thomas d’Aquin – Somme théologique, IIa IIae, question 6, art. 1, solutions, p.60 (Ed. du Cerf)

 

 

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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