Saints bretons à découvrir

La chapelle St Corentin de Toul-ar-Groaz a-t-elle un avenir ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

20150813_114721.jpgNous évoquons régulièrement les chapelles que l’homme laisse lentement à l’oeuvre de la nature. Nous avions ainsi parlé d’une chapelle à Pontivy (mise en vente sur le Bon Coin) ou la désaffection de la chapelle de Saint Germain en Languidic. Nous n’avions pas encore évoqué cette petite chapelle du Diocèse de Quimper et Léon. Nous avions en effet opté pour un travail discret de sensibilisation en amont. Toutefois, la situation actuelle nous oblige à en parler sur notre blog. Nous profitons de cette fête de Saint Corentin, et de l’anniversaire de l’assassinat de l’abbé Yann-Vari Perrot, pour en parler.

La chapelle de St Corentin de Toul-ar-Groaz en Scrignac (Finistère) est en totale ruine. En 1930, l’abbé Yann-Vari Perrot, qui venait d’être nommé recteur, l’acheta avec ses économies, évitant ainsi qu’elle ne soit vendue pour construire une maison. C’est encore avec ses économies et quelques dons qu’il la restaura. Cette modeste chapelle il l’aima beaucoup, et si elle est emblématique c’est parce qu’il y célébra sa dernière messe, le jour de la Saint Corentin en décembre 1943, et qu’une heure plus tard il était assassiné sur le chemin du retour.

Nous nous sommes rendus sur place. Nous nous questionnons donc. Comment se fait-il que, aujourd’hui, St Corentin soit une ruine pire qu’en 1930 ? Les responsabilités sont certainement à placer à trois niveaux ; nous ne polémiquerons pas, pour l’instant,  sur ces responsabilités. Il est toutefois choquant de contempler son état, qui accuse dans cette affaire beaucoup de monde, y compris  chez des «amis» du recteur de Scrignac qui ne voient en lui qu’une «icone» politique, et en ont fait leur «otage» au nom du nationalisme,  loin de l’idéal  «FEIZ HA BREIZH» qui était le sien.  Un idéal qui devrait, aujourd’hui plus que jamais, être celui de tous les Bretons.

 

Actuellement la chapelle est propriété de l’Evêché à qui en 1941 l’abbé Perrot en fit don. Il avait été fortement20150813_114748.jpg invité à transmettre ses deux chapelles à l’association diocésaine, à l’occasion d’une loi votée en 1941 permettant le transfert de la propriété des biens d’Eglises sans frais. Un courrier du 18 octobre 1941 issu de ses archives et provenant du vicaire général de l’époque nous l’a confirmé.

Aujourd’hui, une association, dissidente d’une autre fondée en 1957 pour honorer la mémoire de l’abbé Perrot, concurrentes donc et dont l’entente mutuelle est difficile, entend – selon nos sources – se porter acquéreur des ruines pour la restaurer. Fort bien… Ce pourrait être une bonne chose, sauf que cela se ferait au détriment de l’autre association, perdurant et accroissant ainsi les scandaleuses querelles sur la mémoire de l’abbé Perrot, et confierait la chapelle au seul bénéfice de l’association qui en prendrait possession. Si le bien spirituel des fidèles était l’objet de cette structure, il est évident que la question ne se poserait pas, mais dans cette association, nous y retrouvons certaines tenants d’un nationalisme breton exacerbé qui ont des responsabilités – même indirectes – dans le retour à l’état de ruines.

Mais l’autre problème est que l’association qui convoite la chapelle n’est que le paravent d’une structure culturelle respectable, mais aussi à relents politiques (et que cela soit breton n’est pas une raison). D’autant que  certains responsables  de l’association étant les mêmes que ceux de ladite structure, et que le siège de l’association a son bureau dans l’immeuble de cette structure.  Sauf si l’association entend entreprendre une restauration pour des raisons philanthropiques ou spirituelles (et pourquoi pas en intelligente entente entre les deux associations) il est probable que l’abbé Perrot ne devienne encore ici «l’otage» de certains.

Or il est nécessaire de libérer une fois pour toute la mémoire de l’abbé Perrot de cette prison politique et partisane dans laquelle certains tiennent – volontairement ou non – à  l’y maintenir.  A cause de cette situation, toutes les tentatives de le réhabiliter ont échoué depuis 50 ans. Il est toujours impossible de mettre en avant sa figure de prêtre, de «soldat du Christ»  comme il se définissait lui-même.  Il est temps que certains comprennent que le patriotisme de l’abbé Perrot ne se 20150813_114828.jpglit et ne se comprend qu’en prenant le chemin de FEIZ, et pas seulement de BREIZH, surtout un Breizh remodelé dans l’idéologiquement correct de notre époque apostate et décadente.

Il est temps que ses «dévots » comprennent que  l’abbé Perrot ne se lit pas en le faisant coller à une laïcité à la bretonne dans laquelle Feiz ne serait qu’une option. Il ne suffit pas d’avoir son nom à la bouche,  de faire une commémoration devant sa tombe une ou deux fois l’an, d’en faire un label nationaliste pour l’honorer ; il faut d’abord vivre son idéal au quotidien, et travailler à construire une Bretagne chrétienne. L’abbé Perrot, s’il restaurait les chapelles, c’était pour qu’elles soient l’écrin d’une foi chrétienne et bretonne vivante, non une enseigne nationaliste…

Saint Corentin doit donc être rénovée en dehors d’associations partisanes ou de mouvements politiques avoués ou non. Il importe que personne ne se trouve exclu,  ou ne se retrouve «otage» de personnes, de situations, d’idéologies20150813_114901.jpg quand il s’agit d’honorer l’abbé.

Il importe que, s’il était question de restauration (il serait plus juste, vu  l’état du bâtiment, de parler désormais de reconstruction), cela se fasse sous la responsabilité de personnes étrangères à ces affligeantes querelles qui si elles étaient portées à la connaissance publique décrédibiliseraient bien des personnes, vivantes ou décédées.

L’évêché pourrait lui-même travailler à la reconstruction de cette chapelle, montrant son intérêt pour son patrimoine mais aussi son histoire. Mais si l’Evêché se séparait de cette chapelle, souhaitons qu’il ait pour souci d’éviter que son choix contribue à entretenir des mésententes, des choix politiques éloignés de la foi et du souci d’une Bretagne authentiquement chrétienne, seule condition pour qu’elle reste aussi bretonne…

À propos du rédacteur Erwan Kermorvant

Erwan Kermorvant est père de famille. D'une plume acérée, il publie occasionnellement des articles sur Ar Gedour sur divers thèmes. Il assure aussi la veille rédactionnelle du blog et assure la mission de Community Manager du site.

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8 Commentaires

  1. Ne se trouve-t-il donc plus,à Scrignac , personne pour se lever et sauver cette « maison de prière »,élevée là en mémoire du Père Fondateur » de leur évêché, par des ancêtres vivant au temps de la Reine Anne ? Personne ? …Oùsont passés ces descendants des constructeurs ?

  2. Bonsoir

    Une belle journée sur les traces de l’abbé PERROT à SCRIGNAC
    en la compagnie de votre père et de ses amis.
    Une très belle prière dite tous ensemble devant la croix.

    Prions pour l’abbé PERROT et notre BRETAGNE que nous confions à la protection de la Vierge MARIE.

    kenavo ha bennozh doue

  3. S’il est vrai que beaucoup se servent de l’abbé perrot, où encore de l’abbé lec’hvien, il n’en demeure pas moins qu’il reste de vrais catholiques, qui vivent au quotidien l’idéal de l’abbé perrot.

    La foi se vit au quotidien, et la foi Bretonne se meurt, il n’est qu’a voir le peu de gens qui viennent a l’église, où qui s’intéressent réellement aux questions spirituelles.

    Une chapelle peut disparaitre, mais ce n’est pas un drame si la foi demeure, car une autre serrait rebâtit alors., tandis qu’aujourd’hui, nous voyons les deux facettes de ce patrimoine disparaitre corps et biens…

  4. On en a plus qu’assez que la foi catholique et la culture bretonnes soient prises en otage par des idéologues nationalistes qui déhonorent la mémoire de l’abbé Perrot et de tout le mouvement Feiz ha Breizh. La politique est soumise à la foi et à son rayonnement, qu’on se le dise.
    L’abbé Perrot était un vrai patriote breton, certes, mais sa priorité était le bien des âmes et la pérennité de notre culture au-delà des querelles stériles et des récupérations politiques malsaines.
    Et que dire du diocèse de Quimper et Léon qui n’en a cure de son patrimoine ? Si l’on veut ré-évangéliser et faire rayonner la Bretagne, il faut s’en donner les moyens en assumant son patrimoine, son histoire et sa mémoire.. La figure de l’abbé Perrot est encore dérangeante chez ces chrétiens « modernes » qui gaspillent honteusement l’argent des fidèles. Ce serait le rôle du diocèse s’ils en avaient encore derrière la soutane (pour ceux qui la portent) d’arbitrer ces conflits intestins affligeants.pour trancher et restaurer cette chapelle.

  5. Sans ces « idéologues », l’abbé perrot aurait été oublié depuis belle lurette malheureusement ….

    L’Évêché quant a lui, n’en a cure , la Bretagne n’est plus une priorité pour l’évangélisation, et encore moins pour ce qui est du simple maintien de la foi sur nos terres.

    En ile et vilaine , c’est encore pire …

  6. C’était le 12 décembre dernier… Le vallon de Koat Kev était baigné d’un grand soleil d’automne. Quelques amis fidèles s’étaient retrouvés là pour se recueillir devant la tombe de Yann-Vari Perrot. Une prière, un signe de croix pour le martyr de la Foi et de la Bretagne… Feiz ha Breiz !
    Puis, ils sont allés jusqu’à la chapelle Saint-Corentin, à Toull ar Groaz. Quelle tristesse de constater la dégradation continue de ce petit bijou !
    En 1930, la chapelle est dans un état de délabrement similaire. Nommé à Scrignac en novembre de cette même année, l’abbé Perrot ne peut laisser la chapelle en cet état. Il lance la restauration et, au 15 août 1931, en une belle cérémonie, il bénit la chapelle reconstruite. Ainsi que la toute nouvelle croix et la fontaine.
    Oui, aujourd’hui, Erwan Kermorvant a raison de poser la question : quel avenir pour la chapelle Saint-Corentin ?

  7. Gwen,

    Vous avez en partie raison. Mais comme le dit Iwann bugul saout, « l’abbé Perrot était un vrai patriote breton, certes, mais sa priorité était le bien des âmes et la pérennité de notre culture au-delà des querelles stériles et des récupérations politiques malsaines. » On a donc cantonné l’abbé dans un rôle qui arrangeait bien certains, d’un côté comme de l’autre. Quand en avril est célébrée une messe et que certains nationaux – pas tous heureusement – présents sont plus enclins à discuter et à boire une bière plutôt que de participer à l’office, on a conscience que le religieux s’efface derrière la figure nationaliste.

    Or là où le religieux s’efface, l’homme trépasse.

    Face à ceux qui tentent de générer une laïcité à la bretonne (ou sont tentés par un néo-paganisme), il n’est pas inutile de rappeler l’un des propos de l’abbé : «Puissiez-vous voir le recul de cette peste de l’indifférence religieuse et du laïcisme dont je constate les ravages effroyables tous les jours. Puissiez-vous voir les petits Bretons élevés, non suivant le plan d’un ministre athée de l’Instruction publique, mais suivant le plan de Dieu », précisant dans une lettre à un leader nationaliste breton : « Défiez-vous de la peste du laïcisme qui a tué la France et a déjà empoisonné une bonne partie de la Bretagne. Toutes voies autres que la voie chrétienne ne peuvent conduire qu’à la perdition » (Lettre à un leader nationaliste breton.1941).

    Les fameux idéologues, d’un côté comme de l’autre, ont tendance à mettre en exergue l’un ou l’autre des côtés de l’abbé, mais sa figure même ne peux se comprendre que par un enracinement chrétien.

    Nous renvoyons à notre série qui lui était consacrée ( http://www.ar-gedour-mag.com/archive/2013/09/30/l-abbe-perrot-un-temoin-pour-notre-temps-6-5180216.html ) et dont nous vous proposons un extrait ci-dessous :

    A ceux qui protestent que l’on peut fort bien travailler pour la Bretagne, sans pour autant croire ou appartenir à l’Eglise catholique – ce que ne nie pas l’abbé Perrot- il rétorque « que les œuvres sans la foi, revenait à bâtir sur du sable, rendant ces œuvres éphémères et sujettes à toutes les compromissions de circonstance, mieux valait « bâtir la Maison Bretagne sur un roc solide comme le dur granit breton » et d’ajouter : « De tout temps à « Feiz ha Breiz » notre programme a été double comme les Tables de la Loi : nos revendications religieuses sur la première, mais nos revendications bretonnes sur la seconde, car nous avons pensé que la Patrie Céleste ne devait pas non plus nous faire oublier la Patrie terrestre ». Prenant pour exemple la France, il a ce jugement sévère : « Si la France est tombée si bas, pour peut-être ne plus se relever, c’est parce qu’en elle toutes les vertus chrétiennes se sont éteintes les unes après les autres. Si on veut restaurer la Bretagne, qu’on la construise sur la pierre angulaire qu’est le Christ : rien de durable ne se fera autrement » Ou encore, « Ne croyez-vous pas, Bretons, que votre Bretagne serait totalement différente de la Bretagne de vos Pères si la lumière de la foi ne rayonnait plus comme un astre solaire au-dessus de ses cités et de ses campagnes ? »

    Aujourd’hui, un tel constat, au vu de l’état de déliquescence de la France (et de toute l’Europe), est terriblement d’actualité. Mais la question est : un tel idéal est-il encore audible dans une Bretagne qui n’échappe pas au consumérisme destructeur, au nivellement des peuples et des pensées, à l’idéologie du « Tout se vaut » et au fait qu’il n’y pas de Vérité ? « Nous ne pouvons concevoir une Bretagne qui ne serait pas chrétienne, qui ne serait pas bretonne car toutes autres voies ne seraient que des impasses. Un pays a aussi un corps et une âme. Le corps de la Bretagne, c’est sa terre, son peuple, son histoire, ses traditions, ses paysages. L’âme de la Bretagne c’est sa foi, et c’est cela qui est premier. Il faudra s’en souvenir le jour où le foisonnement de ses activités culturelles semblera reléguer au second plan le combat pour la foi ; nous avons surtout à restaurer en Bretagne une grande tradition spirituelle »

    Des propos qui donnent aujourd’hui à réfléchir dans une Bretagne où le festif et les activités culturelles font peu de cas de la dimension religieuse…

  8. Loin de moi l’idée d’idolâtrer ceux qui « récupèrent » l’abbé perrot, je ne fait malheureusement qu’un constat.

    Maintenant, force est de constater que le Breton en tant qu’individu est en train de disparaitre en meme temps que notre foi séculaire.

    Il est de plus en plus difficile de vivre notre foi, et encore plus de le faire dans la continuité de nos ancètres.

    A titre d’exemple, j’ai demander a ce qu’il puisse y’avoir quelques mots de Bretons pour mon baptème, on m’a gentiment envoyer paitre. Pourtant, un jeune de 25 ans qui se présente pour se faire baptiser aurait logiquement dû les motiver … et bien non.

    Quand meme l’évéché n’en a cure , il n’est pas étonnant que les individus s’en détournent, et se joignent aux hordes de personnes ne croyant plus en rien.

    Et encore, je pourrait également parler de mosqués en Bretagne, qui ont signés la charte Ya D’ar Brezhoneg, et qui mettent en place des « prières » trilingue.

    Notre église est en train de louper le coche, et face a ce défi, je craint malheureusement qu’une chapelle en ruine ne soit qu’un symptôme d’un mal bien plus profond, et que sa restauration serrait probablement un pansement sur une jambe de bois.

    Attaquons nous au vrai problème : Il faut réconcilier les Bretons avec la foi catholique.

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