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Un article récent a évoqué le cantique « Deit oh ar en aotér« . Ar Gedour a souhaité en vous en dire plus sur l’air utilisé et ce cantique. Ce dernier a été écrit par le Père Larboulette, natif de Plouhinec (Morbihan, 1806-1892) jésuite de Vannes, missionnaire et prédicateur des campagnes vannetaises. On lui doit entre autres :
-Mélein e ra m’énéan (magnificat)
… et de nombreux autres cantiques.
La version originelle qu’on trouve dans les nombreuses éditions du « Livr kanenneu ‘eid en eskopti Guéned choéjet pé groeit get en tadeu jézuited » fut révisée par l’abbé Jacques Le Maréchal (Blei Lannvaos 1877-1948) pour le nouveau livr kanenneu eskopti Guéned de 1922 et expurgée des mots français.
À cette occasion, la mélodie changea. En effet, dans l’ancien recueil de cantiques des Jésuites, il se chante sur un étrange air inspiré du « Jézuz péker bras é » ; c’est ici l’air d’une vieille mélodie populaire bretonne. Elle a été attribué à la poétesse Filomena Cadoret dans sa jolie chanson « ar vatezh vihan », mais celle-ci n’a fait que reprendre un air déjà connu, surtout dans le vannetais où l’on chantait sur cet air une chanson bien connue : «En heol zo é seùel» le soleil se lève, qui est une énième chanson d’amours contrariées entre un berger et une bergère (ci-dessous, collectage Loeiz Le Braz)
Les notes manuscrites de l’abbé Pierre le Goff parlent d’une autre chanson : « en énig rouz » le rossignol qui est aussi un grand classique de chanson d’amour collectée entre autres par la Villemarqué en personne. Pour ma part, je n’ai pas retrouvé cette chanson sur l’air de « en héol ‘zo é sewel », mais ce n’est pas impossible quand on sait comment les mélodies voyagent…
Selon Myriam Guillevic qui a beaucoup étudié ce répertoire, cette chanson aurait été écrite (ou peut-être collectée) par Loeiz Herrieu vers 1910. Dans tous les cas, il s’agit d’une chanson légère d’amour.
Loeiz le Bras, président de Dastum bro-Erec en a collecté un certain nombre de variantes et l’a lui-même entendues dans son enfance à Baud. Les variantes du texte et de la mélodie sont assez nombreuses, c’est pourquoi on peut être certains que cette chanson est ancienne et non de création récente. On remarquera au passage l’évidente parenté dans la première phrase avec l’air d’«Intron santéz Anna, gouarnet ho Pretoned ». Loeiz Le Braz raconte d’ailleurs à ce sujet une anecdote intéressante : dans les années 60, un vicaire de la paroisse de Baud avait essayé de faire apprendre un cantique en français sur cet air. Or, les paroissiens qui connaissaient déjà cet air sous sa forme de chanson d’amour n’arrivèrent pas à chanter sérieusement ce nouveau cantique en français… Même avec les belles paroles bretonnes, il n’eut jamais un grand succès, probablement à cause des paroles d’origine de chanson d’amour (qui au passage sont peut-être stéréotypées sans être mièvres pour autant)
Il est vrai que d’autres classiques ont aussi emprunté des airs profanes mais qui étaient peut-être moins connus à cette époque : je pense en particulier à « Jézuz ‘zo diskennet » ou à « O Rouanéz karet en Arvor » qui sont devenus des classiques.
Il est vrai aussi que dans le domaine des cantiques eucharistiques, la préférence des fidèles comme du clergé va plutôt à des cantiques plus profonds sur le plan littéraire et théologique tels que « Gloér o men Doué », « Kanamp a vouéh ihuél », « Adoramp holl » , » Mélamp holl », « Ni hos ador. », ce qui n’enlève rien aux mérites de ce cantique qui mérite d’être tiré de l’oubli en étant rechanté dans nos églises et chapelles.
Trugéré de Loeiz Er Bras, prezidant Dastum Bro-Ereg