Nous les fuyons parfois, mais ils sont si souvent des havre de paix, d’une quiétude qui rompt avec le tourbillon de la vie quotidienne et le fracas continu qui nous emporte avec lui. Ils sont ces lieux où l’on vient pour parler ou pour prier, pour garder ce lien familier avec ceux qui ont été. Ils sont ces parcelles de douleur et de paix, jardin du souvenir de tant de larmes qui s’assèchent lentement au rythme de l’espacement des visites. Lieux de mémoire des trépassés que l’on vient refleurir une fois l’an, lorsque sonne l’heure de la Toussaint et de la Fête des Morts (2 novembre).
Au pays des enclos, parfois encore autour d’une église et plus souvent au sortir du bourg, se livrent à nous les champs des morts, ce que d’aucun surnomme le boulevard des allongés lorsque vient le moment de fermer son parapluie. Et l’Ankoù semble encore là, tapi près d’une antique dalle funéraire ou tel une antique gargouille comme une mort pétrifiée pour l’éternité.
Ils sont les cimetières, ces lieux hors du temps qui nous expriment de notre vivant une idée de la communion des saints, des vivants avec leurs défunts. « Breudeur, kerent ha mignoned, en an’ Doue, or zelaouet. Evid beza e peoc’h Doue, Evidom a ! Pedit bemdez ! » dit le cantique du purgatoire (Gwerz ar purgator). « Frères, parents et amis, Au nom de Dieu, écoutez-nous ! Pour être dans la paix de Dieu, Pour nous, Ah ! priez chaque jour » semblent supplier ceux qui étaient.
A la veille du 1er novembre, Bernard Rio offre à ses lecteurs comme une suite de « Voyage vers l’au-delà, les Bretons et la mort » un panorama assez complet des cimetières d’Armorique dans un beau-livre illustré des photos de Jean-Claude Meslé, aux Editions Ouest-France. A travers une approche à la fois thématique et chronologique, il nous promène, de la baie des Trépassés à Porcaro en passant par Loudéac ou Conlie, dans une découverte mystérieuse de ce patrimoine funéraire, autant de signatures des témoins de siècles passés : marins, monastiques, nécropoles militaires, enclos paroissiaux ou sépultures isolées au fond des bois. Un livre à feuilleter comme une balade mémorielle.
Et lorsqu’à l’ombre d’un chêne on découvre la tombe d’un Brizeux ou simplement aux pas des chemins de graviers le nom d’un illustre inconnu posé sur une simple plaque, que se dévoile la stèle d’un soldat mort au combat, d’un Bleimor enseveli au milieu de la mer ou l’épitaphe d’un marin dont on se souvient encore, se révèlent à nous les pages intimes d’une histoire qui s’égrène et dont nous écrivons les lignes. Hier et aujourd’hui. Demain sans doute.
Hodie mihi, cras tibi…
Un ouvrage comme un poème ou un récit dans lequel les légendes et la vie s’entremêlent. Un livre à vous procurer en cliquant ici.
Editions Ouest-France, 168 pages. 29€