[Cleden-Cap Sizun] Le Christ d’albâtre de la chapelle Saint They à la pointe du Van

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Vous connaissez la pointe du Raz, vous en conservez l’image sur votre calendrier des postes dont la photo immortalise vos souvenirs de vacances à l’instar du Mont Saint Michel, pour rester local, ou du pont du Rialto pour les ultramontains passionnés.

Par beau temps, au-delà du Tas de Pois et du phare de la Vieille on aperçoit, à l’horizon, l’Ile de Sein qui abritait, en juin 1940, selon son chef, le général de Gaulle, les ¾ de la population de la France libre.

Plein nord, puisque vous avez de bons yeux, au-delà de la baie dite des Trépassés (anaon) ou plus exactement de la rivière (an aon) qui y avait son estuaire, sur la pointe du Van, on peut y apercevoir une petite chapelle, elle est dédiée à Saint They, moine de l’abbaye de Landevennec et disciple de saint Guénolé, son fondateur, nous raconte Bernard Rio dans son « Livre des Saints Bretons » (éditions Ouest-France, 2016) ; pour d’autres, They serait le jumeau de Tremeur, fils de sainte Tréphine et de l’horrible Conomor….

Allez-y, c’est à quelques minutes de marche du parking de la pointe du Raz, mais, si vous y allez en voiture, il y a aussi un parking à votre disposition à proximité de la chapelle.

Outre la magnifique balade que vous procurera ce déplacement, vous gouterez au milieu des éléments le calme et la sérénité de l’abri que vous offre la chapelle Saint They, construite et reconstruite là pour notre édification par les hommes qui nous ont précédés.

N’hésitez pas à y entrer si elle est ouverte : vous y admirerez notamment une statue en albâtre qui incite immanquablement à la prière…

Il ne s’agit pas de Saint Sébastien patron de la chapelle seigneuriale de Kerazan, ni même de la statue de Saint Jean Baptiste comme celle de la cathédrale de Quimper à laquelle elle ressemble pour être attribuée à un même atelier anglais

Le ministère de la culture l’intitule dans son inventaire « Christ montrant ses plaies »

Il s’agirait plutôt du Christ ressuscité, le Fils de l’homme en gloire, tel que décrit par les apocalypses tant de mon ancêtre éponyme, le prophète Daniel que de l’apôtre bien aimé : saint Jean.

1 (En l’an trois de Cyrus roi de Perse, une parole fut révélée à Daniel, surnommé Beltshassar. Cette parole était vérité et grande peine. Il comprit la parole; il en eut la compréhension par la vision.) 2 En ces jours-là, moi Daniel, je portai le deuil pendant trois semaines: 3 Je ne mangeai aucun mets délicat, ni viande ni vin n’entrèrent dans ma bouche, et je ne me parfumai pas jusqu’à l’achèvement des trois semaines. 4 Le vingt-quatrième jour du premier mois, je me trouvais sur le bord du grand fleuve, c’est-à-dire du Tigre. 5 Je levai les yeux et regardai, et voici qu’il y avait un homme vêtu de lin; il avait une ceinture d’or d’Oufaz autour des reins.

6 Son corps était comme de la chrysolithe, son visage, comme l’aspect de l’éclair, ses yeux, comme des torches de feu, ses bras et ses jambes, comme l’éclat du bronze poli, le bruit de ses paroles, comme le bruit d’une foule. 7 Moi, Daniel, je vis seul l’apparition; les gens qui étaient avec moi ne virent pas l’apparition, mais une grande terreur tomba sur eux et ils s’enfuirent en se cachant. 8 Je restai donc seul et regardai cette grande apparition. Il ne me resta aucune force; mes traits bouleversés se décomposèrent et je ne conservai aucune force. (Daniel, chapitre 10)

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Et j’entendis comme la voix d’une foule immense, comme le bruit des grandes eaux, comme le fracas de puissants tonnerres, disant: « Alléluia! Car il règne, le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant! 7 Réjouissons-nous, tressaillons d’allégresse et rendons-lui gloire; car les noces de l’Agneau sont venues, et son épouse s’est préparée, 8 et il lui a été donné de se vêtir de lin fin, éclatant et pur.  » – Ce fin lin, ce sont les vertus des saints. 9 Et l’ange me dit:  » Ecris: Heureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau!  » Et il ajouta:  » Ces paroles sont les véritables paroles de Dieu.  » 10 Je tombai alors à ses pieds pour l’adorer; mais il me dit: « Garde toi de le faire! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères qui gardent le témoignage de Jésus. Adore Dieu. » Car le témoignage de Jésus est l’esprit de la prophétie. (Apocalypse, 19, 6-10)

Cette statue de plus d’un mètre de hauteur est en albâtre, le marbre du pauvre, blanc comme le manteau de lin, que des traces de teinture sur le pagne qui ceint ses reins devaient faire ressortir l’éclat.

La restauration de la statue a fait apparaître de chaque côté du ventre, au niveau des coudes, à proximité des côtes flottantes deux petits trous qui ont pu laisser croire qu’il s‘agissait de la trace des flèches caractérisant une reproduction de Saint Sébastien. Il n’en est rien : sans doute cette statue avait- elle été taillée pour appartenir à un ensemble plus important dont les autres éléments ont disparus, un retable, vraisemblablement, comme il s’en produisait industriellement en Angleterre, à Nottingham, la patrie de Robin des Bois, jusqu’au Putting away of Books and Images Act de 1549, sous le règne du roi Edouard VI, ordonnant la destruction de toutes les images.

Une ceinture autour de la taille, coiffé d’une sorte de calotte, le personnage tient les yeux clos et les mains ouvertes comme un orant, il semble s’écrier, comme Jésus à Marie Madeleine le lendemain du jour de Pâques, « noli me tangere », ne me touche pas ! … (Jean 20, 17)

C’est bien le Christ revêtu de son corps glorieux qui lui est apparu, mais habillé ! … elle l’a pris pour le jardinier ! (Jean 20, 15). Il ne voulait pas que Marie-Madeleine le touche, pourtant, peu après, il invitera le sceptique Thomas à mettre ses doigts dans ses plaies ! (Jean 20, 27)

L’artiste a voulu illustrer les apocalypses de Daniel et de Jean en donnant à son personnage l’attitude de Jésus ressuscité face à Marie-Madeleine.

« Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! »

A ses pieds qu’ils masquent de leur robe longue, cinq petit personnages dont un, à gauche, a perdu la tête tandis qu’un autre, à droite, est couronné. Les deux du premier rang, un homme et une femme, tiennent chacun de leurs mains jointes un phylactère qui s’enroule autour des jambes du Christ. Sans doute les donateurs et leurs familles, malheureusement les ans ont effacés les lettres sur le bandeau qui auraient permis leur identification, à défaut, donné quelques explications.

Mais qui peuvent-ils être et comment cette belle statue monumentale est arrivée dans la petite chapelle Saint They à la pointe du Van ?

La réponse formerait un beau sujet de roman historique. Pour ma part, je ne serai pas étonné que le sieur Guy Eder de la Fontenelle (1572-1602), « ar bleiz », n’y soit pas tout à fait étranger… Mais ceci est une autre histoire qui ne nous empêche pas de joindre notre prière à toutes celles que la statue d’albâtre du Christ ressuscité a inspirées partout où elle a été honorée, aujourd’hui à la chapelle saint They de la pointe du Van.

Ad majorem Dei gloriam !

 

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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