Si certaines d’entre elles ont bien compris le sens de l’usage du breton, de nombreuses paroisses bretonnes le refusent encore, de la même manière qu’elles rejettent le latin, pour les cérémonies. Loin d’une demande de célébrer totalement en breton, le fait de proposer ne serait-ce qu’un cantique du répertoire traditionnel obtient souvent une fin de non-recevoir. Que cela soit pour des messes dominicales ou pour des obsèques (malgré la demande des défunts et des familles). Cela vient autant de certaines équipes paroissiales que parfois des prêtres eux-mêmes, comme nous venons encore de l’apprendre pour deux paroisses morbihannaises. Mais cela est souvent un manque de connaissance du sujet, qu’il est aisé de dépasser si un minimum de pédagogie est proposé.
Il convient de leur rappeler certains points bien précis. Si nous avons évoqué dernièrement l’idée que, tout comme la liturgie ne leur appartient pas et qu’ils n’ont pas à en disposer comme bon leur semble, il en est de même pour les langues du peuple et leur culture, et que ces dernières peuvent être vecteurs de l’Evangile ! A ceux qui se réclament de Vatican II, nous leur proposons donc de (re)découvrir ce que nous avions mentionné dans cet article.
Le décret AD GENTES (ch III, par. 22) nous dit ainsi que la semence qu’est la Parole de Dieu, venant à germer dans une bonne terre arrosée de la rosée divine, y puise la sève, la transforme et l’assimile pour porter enfin un fruit abondant. Les Eglises particulières ont donc à emprunter aux coutumes, aux traditions, aux leurs arts, à leurs sciences… tout ce qui peut contribuer à confesser la Gloire du Créateur, mettre en lumière la Grâce du Sauveur et ordonner comme il le faut la vie chrétienne.
Tout comme Saint Paul à Athènes, lors de son discours à l’aréopage, parle du Dieu inconnu et s’adapte à la culture locale pour mieux enraciner le Christ, la vie chrétienne sera ajustée au génie et au caractère de chaque culture, les traditions particulières avec les qualités propres, éclairées de la lumière de l’Evangile, de chaque famille des peuples, seront assumées dans l’unité catholique. C’est ainsi que les Eglises particulières, enrichies de leurs traditions, auront leur place dans la communion ecclésiale, la primauté de Pierre, qui préside l’universelle assemblée de la Charité, demeurant intacte. (cf AG III, 22).
Maintenant que cela a été dit, prenons la Constitution Sacrosanctum Concilium. Celle-ci précise que la langue latine est conservée, avec certains aménagements (cf ci-dessous). Notons qu’à la base, le rit romain n’était pas le rit propre de la Bretagne, qui avait ses particularités, que nous évoquerons par la suite dans la série sur les LITURGIES CELTIQUES, même si effectivement il y est très vite arrivé (quelque peu au forceps), en maintenant toutefois une certaine personnalisation. C’est pourquoi il convient ici de comprendre pourquoi les messes en breton, latin et français sont donc à développer en Bretagne, et à ne pas rejeter, et qu’elles peuvent être ferments de mission.
Pour être très clair, la meilleure chose est de vous proposer de lire ces deux passages de la Constitution, qui parleront d’eux-mêmes.
« L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins. Toutefois (…) l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions (…). Il revient à l’autorité ecclésiastique qui a compétence (…), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c’est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique. (…) La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire (…). » (Cf. Constitution Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, art. 36.)
« On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec le concours du peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple (…). On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent. » (Idem, art. 54)
Comprenons bien ici que la langue du pays est bien le breton, et par la force de l’Histoire, le français. Le Pays Breton a donc aujourd’hui deux langues : le breton et le français. Pour que le message puisse toucher toute personne, il convient donc d’user de l’une comme de l’autre dans un juste équilibre, ainsi que du latin, qui est langue de l’Eglise (et cela n’a jamais été supprimé), conformément à ce que demande le Concile.
Et pour ceux qui auraient peur, qu’ils soient confortés dans l’idée qu’ une messe trilingue n’est pas une gymnastique de l’esprit, mais un ancrage dans les fleuves des origines, alimentant en permanence le « puits de Jacob » qui nous est offert pour apaiser notre Soif. L’usage de ces langues n’est donc pas un simple retour vers le passé ; ce n’est pas non plus un folklore désuet, un étendard à brandir ou un jouet que l’on souhaite s’offrir pour un revival celto-chrétien. Mais grâce à elles, ce qu’ont fait nos pères pour le christianisme en Bretagne continuera à vivre à travers les siècles, source de Sagesse pour nous mener à Dieu. Cette mémoire se rend présente par nous, et il est donc de notre devoir de garder activement celle-ci pour nous projeter efficacement dans l’avenir, et travailler ainsi à une évangélisation toujours nouvelle. Ainsi vit la Tradition.
Eflamm Caouissin
(première diffusion de l’article le 05/07/2012)
Ober nemet gant ar galleg en oferennoù zo ur vezh ruz ! Hag en gwelout a reer gant beleion hag a gomz brezhoneg, siwazh…Dezho da vastrouilhañ pep tra el liderezh, a-hend-all (gw. http://breizatao.com/?p=8970). Ha kantikoù latin pe pedennoù e yezh kefridiel an Iliz ne vefent ket fall evit reiñ da anavezout emaomp o kemer perzh en aberzh peurbadel, c’hoarvezet dirak daoulagad latinegerion ha hebraegerion daou vil vloaz ‘zo, hag evit reiñ da anavezout ez omp unanet er C’hrist, daoust d’hon orinoù disheñvel.
L’usage exclusif du français dans les messes en Bretagne est une honte. Et encore plus de la part de prêtres parlant notre langue nationale…