FX Bellamy : « abandonner sa propre langue c’est mourir ! »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

En mars dernier, François-Xavier Bellamy, était en conférence à Lorient sur le thème « L’urgence de transmettre », à la suite de la publication de son livre « Les déshérités ». Nous avions posé la question sur AR GEDOUR : « le conférencier abordera-t-il l’aspect breton ? »

 

L’un de nos lecteurs a pu lui poser une question importante sur ce sujet. Ce dernier nous a aimablement retransmis la réponse de François-Xavier Bellamy, très intéressante comme l’ensemble de la conférence et du livre, réponse que nous publions en exclusivité sur Ar Gedour* :

Revenons sur la question elle-même : 

« La langue bretonne, et de fait la culture bretonne, ont connu une grave rupture de transmission, en particulier au moment de la deuxième guerre mondiale. Encouragés par les pouvoirs publics de l’époque, certains parents avaient donc fini par admettre que la langue bretonne ne pourrait rien apporter de bon à leurs enfants, et les horreurs de la guerre terminèrent de les en convaincre. En réalité il s’agit d’un phénomène ancien qui prend ses racines après la Révolution française et qui battit son plein entre les 2 guerres : en 1925, de Monzie, alors ministre de l’instruction publique, déclarait : « Pour l’unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître ».

 

Ceci conduit certains défenseurs de notre belle langue à parler de “génocide culturel”. Qu’on le veuille ou non, la langue bretonne a aujourd’hui pratiquement disparu de la sphère publique.

Aujourd’hui des sociologues qui se sont penché sur la question (comme Ronan le Coadic) n’hésitent pas à voir dans cette coupure l’une des causes de l’important taux de suicide en Bretagne.

Ma question à Monsieur Bellamy : que pensez-vous

– de la volonté actuelle de certains bretons de se réapproprier leur langue,

– et de l’enseignement du breton (bilingue ou par immersion) ?

 

Que pensez-vous en particulier, de la volonté de certains parents d’enseigner, ou de faire enseigner, le breton à leurs enfants, bien souvent pour réparer une blessure qu’eux-mêmes, ou leurs parents, avaient subie ? »

 

La réponse du conférencier -à découvrir absolument- est assez longue, et nous vous invitons donc à la télécharger ici => Goulenn da FXB2.pdf

 

Quelques citations :

 

 

« aimer sa langue et sa culture en particulier ce n’est pas mépriser toutes les autres. »

 

« s’attaquer à une langue c’est toujours diminuer la liberté des hommes »

 

« Tuer une culture, c’est toujours tuer l’homme »

 

«Abandonner sa propre langue, c’est mourir ! »

 

« Chaque langue porte en elle quelque chose de singulièrement fécond, quelque chose de singulièrement riche, et c’est le cas aussi, c’est certain, de la langue bretonne.

La langue bretonne est ce par quoi des générations entières ont appris à apprivoiser leur propre condition humaine, à apprivoiser le milieu dans lequel ils vivaient, à apprivoiser la terre dans laquelle ils grandissaient… et tuer une langue, la combattre, la déconstruire, c’est toujours déconstruire cette puissance de vie, cette fécondité qu’est une langue, cette promesse de liberté qu’elle représente.

Il y a, je crois, je connais mal le breton, pardonnez moi encore, mais il y a je crois dans l’un de vos vieux cantiques1 bretons, le plus célèbre d’entre eux, il y a une dernière phrase qui dit : « Plutôt mourir que trahir » : plutôt mourir que de trahir sa propre culture, plutôt mourir que de l’abandonner. Cette petite phrase qui pourrait paraître une espèce de déclaration un peu facile et superficielle, elle dit je crois, quelque chose de très essentiel : qu’en fait en réalité trahir c’est mourir, qu’abandonner sa propre langue c’est mourir, et d’une façon plus certaine encore que de mourir par une agression extérieure.

Il y a plusieurs façons de mourir :

il y a une mort qui consiste dans la menace que l’autre fait peser sur vous,

mais il y a une mort peut-être plus dramatique encore et plus sûre : c’est la mort intérieure, qui vient quand vous êtes privé de votre propre culture, c’est-à-dire quand vous êtes privé d’avoir une vie intérieure authentique. »

 

________________________

 * mention « Source AR GEDOUR MAG » obligatoire (avec hyperlien) en cas de citation de ce document. 

1 Da Feiz hon Tadoù-kozh (cf. annexe)

 

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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3 Commentaires

  1. Merci pour cet article sur la transmission. J’aimerais juste ajouter que la transmission de la langue, quelle que soit la région, est indissociable de la transmission de la loyauté et de la fidélité à la terre. Re-posséder la langue, mais re-posséder la terre aussi. Ceci va sans dire, je sais bien, mais l’engagement à la fidélité à la terre a des conséquences pratiques que l’on ne mesure pas toujours: mariages de proximité, travail de proximité, etc. Dans notre monde dominé par la mobilité, pour des raisons souvent légitimes d’ailleurs, c’est aussi à cette responsabilité et à ces engagements-là très pragmatiques qu’il faudrait donc aussi préparer la jeune génération.

  2. Mes parents et grands-parents ne nous ont pas transmit la langue pour toutes les brimades qu’ils ont subit. Mais ils nous ont transmit la tradition, l’amour des notres et de notre terre, de ce lien particulier qui nous lie à la terre, afin qu’elle ne puisse se perdre.
    Je suis fidèle à ma terre, même si la langue me fais défaut.
    Mon état d’esprit est breton et je le transmet à mon tour. Ceux qui ont eu le plus de chance de garder la langue se trouvaient plus en arriere des lignes francaises, le finistere qui bien sur aujourd’hui nous permet de les réapprendre, c’est un peu le vivier de notre culture. Les premieres lignes ont fais ce qu’elles ont pu pour contenir et protèger en s’adaptant au mieux pour survivre.
    Plutot mourir que trahir, la non transmission de la langue n’était pas une trahison mais une adaptation en attendant des jours meilleurs

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