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Le rescrit d’Honorius, ou le rescrit qui fait de l’Armorique la première nation autonome issue de l’empire romain

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Nous avions déjà publié cet article en 2014. Nombre de nos lecteurs étant nouveaux venus sur Ar Gedour, nous faisons découvrir certaines de nos archives, qui se rappelleront aussi au bon souvenir de nos fidèles lecteurs.

Le rescrit impérial qui fait de l’Armorique bretonne la première nation continentale autonome issue officiellement de l’empire romain.

 

histoire de bretagne, rescrit d'honoriusOn date de 410 la lettre par laquelle l’ empereur Honorius  enjoint aux « cités de Britannie » de pourvoir elles-mêmes à leur propre sécurité (Zozime, Hist.Nova,  L. 6, 10).Comme l’ interprète l’ historien anglais Conybeare, cette injonction équivaut entre autres à une abrogation de la Lex Julia qui interdisait aux simples citoyens de porter des armes. En effet, le même Zozime avait déjà exposé (6,5) que les habitants de l’ île britannique avaient cessé d’obéir aux lois romaines et avaient pris les armes pour libérer leurs cités de l’ invasion des Barbares, après quoi ils vécurent dans l’ indépendance (OGBA 5.2.10).

Ceci implique deux faits : d’ abord l’ agression de l’ île par des Barbares (et ceux-ci, en l’ occurrence, ne pouvaient venir que par la Mer du Nord, puisque la question des invasions iroises était résolue depuis 401), et ensuite que l’île britannique avait encore assez d’ hommes prêts au combat pour venir à bout d’envahisseurs (ces combattants,   d’ailleurs, pouvaient être de souche britannique ou des colons issus de troupes auxiliaires fédérées).

Mais il faut avant tout noter qu’à partir de cette époque à côté du nom  de Britannia, « l’île britannique » est né en Armorique un nouveau nom latin,  Brittania, issu du celtique Britto « Brerton », témoignant du rôle dirigeant dévolu aux Bretons dans leur protectorat  d’Armorique.

Adressée aux  cités  cette lettre signifie que fonctionnaient les sénats, municipes et autres corps constitués  de ces territoires comme substituts aux fonctionnaires romains  préalablement renvoyés (Zozime, 6,5). D’ autant plus remarquable est la précision (ibid.) que l’ Armorique entière (devenue Brittania) et d’ autres provinces de Gallia avaient agi de même. Ceci manifeste une fois de plus la liaison intime  de l’Armorique avec la Britannie et l’ action concertée de leurs cadres.

 

LES  BRETONS  A  NANTES

histoire de bretagne, rescrit d'honoriusCette liaison, qui met en jeu la Classis Britannica, la « flotte de Britannie » touche directement la tête de ligne de la partie atlantique de cette flotte, c ‘est à dire Nantes, dont la base militaire n’ était pas limitée à la rive droite de la Loire, proprement namnète, mais comprenait  tout  autant la rive gauche de  l’embouchure du fleuve (où le nom de Râtiâte,  Rezé, révèle  l’ existence d’ une « citadelle » et Râtiâtensis Uicus la présence d’ateliers de services).

Cette rive gauche, peut-être nominalement pictonne, faisait partie de la  Lyonnaise et  non  pas  de  la  province  d’ Aquitaine. Le Pagus Râtis ( ou  Râtensis) faisait donc partie de l’Armorique autonome. Mais il n’ est pas invraisemblable que le littoral de  l’ Aquitaine au  nord de la Gironde  ait  suivi le mouvement et justifié ainsi le pluriel des « autres provinces » mentionnées par Zozime.

Une autre partie de   l’ Armorique était aussi  le Cotentin avec sa place- forte de Coriuallum (du celtique *Koriowalon., « enceinte d’ armée »). Le nom moderne de Cherbourg est en effet une francisation du normand  Kerborg,  lui-même germanisation d’ un breton Kerwal.  On peut donc considérer que l’ Armorique autonome protégée par les Bretons au 5ème siècle avait pratiquement la même étendue que le royaume de Bretagne sous Erispoé. Vues sous cet angle les « acquisitions » des « rois » bretons aux dépens des Carolingiens  étaient  des  restitutions.

GERONTIUS   VIRACUS

En 410   pour la Britannie et l’ Armorique,  le pouvoir romain  était représenté par l’ « usurpateur » Constantin III, dont les troupes provenaient justement en majeure partie de Britannie. En attribuant, par autorité impériale, l’autonomie aux cités de Britannie, Honorius privait Constantin d’ une source de pouvoir apparemment non épuisée.

Or il est remarquable que  le rescrit impérial intervient précisément à l’ époque où le bras droit de Constantin III,   le   Breton  Gerontius, Comes Tractus Armoricani, vient de rompre avec lui  (du fait d’une tragique mésentente). Il serait difficile de voir là une simple coïncidence. Effectivement la suite des événements fait apparaître Gerontius comme devenu allié d’ Honorius. Après avoir combattu et tué Constant,  le fils de Constantin, il assiège ce dernier en Arles, puis, lorsqu’ arrive le Patrice Flavius Constantius, général d’Honorius, il lui laisse une part de ses troupes et se rend en Espagne.  Il y trouvera la mort avec Nonnechia son épouse;  Mais sa famille reste en Armorique la lignée dominante. Si l’ on en croit Pierre le Baud  l’ un de ses fils, Salomon, (le Selyv des généalogies) aurait épousé Caecilia, fille de  Flavius Constantius. Information peut-être incontrôlable, mais  tout à fait vraisemblable dans le contexte. Un autre de ses fils, Riwal, surnommé Deroc,  est présenté comme le premier détenteur et organisateur du pouvoir breton en Armorique, et son  petit-fils, Riotamus, sera à la tête des Bretons « installés sur la Loire » dans la seconde moitié du 5ème siècle. Pompeia, mère de saint Tudwal était une  des filles   de Gerontius.

On a donc  tout lieu de  reconnaître à  Gerontius un rôle essentiel dans la fondation de la Bretagne armoricaine, et notamment dans  l’inspiration  du  « rescrit  d’Honorius ».

En conclusion on devra noter que ce rescrit impérial fait de l’Armorique bretonne, la BRITTANIA, la première nation continentale autonome issue officiellement de l’empire romain.

* Ouvrages d’Alan Joseph Raude (linguiste, historien et hagiographe)

  • L’origine géographique des Bretons armoricains. Série Etudes et recherches de Dalc’homp Soñj
  • Ecrire le gallo : précis d’orthographe britto-romane
  • Petite histoire linguistique de la Bretagne
  • Introduction à la connaissance du gallo
  • Liste des communes galaises du département des Côtes-d’Armor (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
  • Liste des communes du département de l’Ille-et-Vilaine (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
  • Liste des communes du département de Loire-de-Bretagne (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
  • Liste des communes galaises du département du Morbihan (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
  • La Naissance des nations brittoniques – de 367 à 410 –Ploudalmézeau : Editions Label LN, 2009

 

Illustrations : Wikipedia

À propos du rédacteur Alan Joseph Raude

Linguiste, historien et hagiographe, il a notamment publié des ouvrages sur l'origine géographique des Bretons armoricains et sur l'histoire linguistique de la Bretagne.

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Un commentaire

  1. Merci à Ar Gedour de rediffuser cet article d’Alan Raude.
    .
    Ceci m’incite à poser une question, relative à la présence disons des « armoricains » – pourrait-on aller jusqu’à parler déjà d’« armoricains-bretons », au moins localement ? Après tout on peut, on devrait considérer qu’il y a eu des échanges maritimes (militaires, commerciaux) significatifs depuis l’Armorique vers la Bretagne insulaire du temps des flottes romaines. L’inverse parait incohérent. – au début du premier millénaire à Rome.
    .
    Quelques siècles plus tôt – dans l’empire romain, écrin politique et organisationnel, important dans la diffusion du christianisme importé d’Orient (Israël) – , Pierre, le Prince des Apôtres est mort, exécuté, en 64. Il était le premier Pape, et les traces de sa sépulture, sous la Basilique saint-Pierre de Rome ont été étudiées à l’occasion des fouilles autorisées par Jean-Paul II. Bien que la « preuve », au sens scientifique du terme, ne soit pas complète, un faisceau de convergences incline à penser que c’est bien la sépulture de Pierre qui a été mise au jour.
    .
    Et voici ma question :
    .
    Le second pape, et donc successeur immédiat de saint Pierre, est connu sous le nom de Lin. J’ai entendu un jour, un homme d’un certain âge affirmer très sérieusement que ce « Lin » était breton. Il aurait peut-être dû dire de notre péninsule (pour éviter tout anachronisme, et en dépit de la remarque ci-dessus) ? Et que son nom se retrouve dans celui de « Kastellin» (Chateaulin)…Etonnant, n’est-ce pas ? Que connait-on de ce second pape ?
    .
    Quelqu’un aurait-il quelques pistes permettant de poursuivre ou invalider cette hypothèse ?
    .
    Pêr, ha Lin d’e heul. Un den eus hon ledenez (Aremorica)… ? Piv oar ? Petra soñjal diwar-benn-se ?

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