Saints bretons à découvrir

Homélies de Mgr Ravel au Pardon de sainte Anne la Palud

Amzer-lenn / Temps de lecture : 13 min

Centenaire du couronnement de la statue de sainte Anne

Monseigneur Luc Ravel, évêque aux armées françaises

La foi d’avant le Christ


1269788_639787076062108_1039575241_o.jpgTous se posent aujourd’hui la question de la foi : les catholiques pratiquants, en connexion avec l’année de la foi ; les chercheurs de Dieu, bousculés par une douleur ou une douceur ; les opposés à la religion, recroquevillés sur leur conviction que la foi est source d’intolérance etc. Je ne sais pas si Dieu attire mais ce dont je suis sûr c’est que la religion interpelle, ne serait-ce qu’à travers des histoires de voiles, de prières et de signes ostensibles. Nous-mêmes sommes appelés à fonder à nouveau notre foi pour la répandre comme une joie : cet approfondissement et ce partage s’appellent « nouvelle évangélisation ».

Alors posons-nous en face de sainte Anne et de saint Joachim, les parents de la Vierge, la question suivante : avaient-ils la foi, eux qui précédaient Jésus ? Ils ne l’ont probablement jamais vu, en tous cas l’évangile ne parle pas d’eux. L’occasion nous est donnée de reprendre conscience de l’existence voire de la nécessité de ce que nous pourrions appeler « la foi avant le Christ », la foi préchrétienne : elle a touché des millions d’hommes avant Lui et elle en touche encore des millions après Lui. Elle forme le socle de notre foi chrétienne.

L’Evangile du jour nous indique déjà cette foi d’avant le Christ : il oppose ceux qui n’ont pas vu mais qui ont souhaité voir, les prophètes et les justes, à ceux qui ont vu de leurs yeux et qui ne se rendent pas compte de leur bonheur :« quant à vous heureux vos yeux parce qu’ils voient, vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13, 16)

Anne, Joachim font partie de cette immense lignée dont nous parle la lettre aux hébreux citant Abel, Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse jusqu’à Samuel et les prophètes. Cette vaste filière humaine vient tout doucement s’achever en Sainte Anne comme la marée ou la vague finissent leur course sur le bord de la plage. A ce moment là elle rebondit d’une manière formidable dans la Vierge Marie. Si nous ne voyons pas Sainte Anne dans les évangiles, nous y lisons la présence de ces justes croyants tels la prophétesse Anne, qui porte le même nom ou le vieillard Siméon, « homme juste et pieux. »

Le pape François, dans sa première encyclique (à quatre mains !), aborde à frais nouveaux toutes ces questions. Avec lui, nous pouvons réfléchir à cette foi d’avant le Christ à laquelle participe sainte Anne, ultime maillon de la chaîne des croyants qui précèdent son petit-fils : « La foi nous ouvre le chemin et accompagne nos pas dans l’histoire. C’est pourquoi, si nous voulons comprendre ce qu’est la foi, nous devons raconter son parcours, la route des hommes croyants.(Lumen fidei 8) »

2. Abraham : la personne, l’appel, la promesse et la vie

Quatre traits émergent du parcours d’Abraham pour ne prendre que lui :

a. Tout se concentre sur la personne ce qui est une nouveauté par rapport aux religions primitives où la nature965456_639780912729391_1469417435_o.jpg occupe une place première : « Une place particulière revient à Abraham, notre père dans la foi. Dans sa vie se produit un fait bouleversant : Dieu lui adresse la Parole… De cette façon la foi prend un caractère personnel. Dieu se trouve être ainsi non le Dieu d’un lieu, et pas même le Dieu lié à un temps sacré spécifique, mais le Dieu d’une personne, précisément le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, capable d’entrer en contact avec l’homme et d’établir une alliance avec lui. La foi est la réponse à une Parole qui interpelle personnellement, à un Toi qui nous appelle par notre nom. (§8)» Je me rappelle ma première expérience d’Afrique noire en Tanzanie où nous allions installer noter première communauté. Sur le terrain donné, l’évêque et les gens du village nous avaient bien recommandé de ne pas touché à un immenses acacias, un arbre sacré des barbaïcs, la tribu du lieu encore majoritairement animiste. Interrogeons-nous. Si je m’intéresse davantage aux choses qu’aux êtres humains, si je bafoue ou néglige la personne humaine à commencer par celle que je suis, ne vais-je pas ruiner la réalité de ma foi ? La piété la plus vive ne remplace jamais le manque d’attention à la personne concrète.

Mais le pape poursuit : « Cette Parole dite à Abraham est un appel et une promesse.(§9) »

b. Abraham, en terre lointaine, entend un appel « (cette parole) est avant tout appel à sortir de sa propre terre, invitation à s’ouvrir à une vie nouvelle, commencement d’un exode qui le conduit vers un avenir insoupçonné. La vision que la foi donnera à Abraham sera toujours jointe à ce pas en avant à accomplir. La foi « voit » dans la mesure où Abraham marche, où il entre dans l’espace ouvert par la Parole de Dieu. (§9) » Comme la dynamo de nos vélos ne produit du courant que lorsque nous pédalons ! Marche, nous répète le pape François depuis le début de son pontificat. Bouge-toi : si tu ne cherches pas à changer, l’évangile se meurt en toi. La foi n’est lumière et vision que si tu avances, que si tu progresses. Comment progresser ? Voilà la bonne question à poser à son recteur ou à son évêque ! Car si, au plan spirituel, rien ne bouge dans nos vies, c’est que notre foi en état de survie. Si aujourd’hui je suis comme hier, à quoi bon vivre ? Si, désespéré ou fatigué de croire, je reste assis au bord du chemin, à quoi bon avoir pris la route ?

c. Abraham part sur un promesse : « Cette parole contient en outre une promesse : ta descendance sera nombreuse, tu seras le père d’un grand peuple. (Cette) mémoire ne fixe pas dans le passé mais, étant mémoire d’une promesse, elle devient capable d’ouvrir vers l’avenir, d’éclairer les pas au long de la route. On voit ainsi comment la foi, en tant que mémoire de l’avenir, memoria futuri, est étroitement liée à l’espérance. (§9) » L’expression étonnante doit nous suivre : au-delà de mes propres souvenirs, venant d’une époque passée, je garde en mon cœur de croyant le souvenir d’une promesse, comme si je me souvenais de mon avenir ! La foi ne vit pas en moi sans l’attente d’une terre mystérieuse, vers laquelle Dieu me guide. Si je n’attends rien de Dieu, ma foi s’est transformée en conviction morale ou politique : elle n’a plus rien à voir avec celle d’Abraham, le père des croyants. Car la foi marche toujours avec l’espérance d’une terre nouvelle et d’un ciel nouveau. Garder la promesse vive, c’est avoir la mémoire de l’avenir !

sainte anne la palud,mgr ravel,homelies,ronan follic,pardon bretonMais cette terre, quelle est-elle ? L’espérance, que porte la foi et qui lui donne son élan, éloigne-t-elle de la vie sur terre par l’attente obsessionnelle du Paradis éternel ? L’Espérance que le monde attend de nous, l’espérance collée à la foi, l’espérance qui nous accroche à Abraham et à l’immense lignée des croyants, cette espérance ne vise pas un paradis artificiel fait de plages blanches, de touffes de cocotiers et de lagons turquoises. Le Ciel, ce n’est pas la tranquillité. Le Ciel éternel, ce n’est pas la tranquillité éternelle : « Je passerai mon Ciel à faire du bien sur la terre » disait Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Le Ciel sur terre, ce n’est pas la tranquillité terrestre où l’on me fiche la paix, où je me repose sans souci ni stress. Non.

d. Abraham s’associe à la vie : « Dieu associe sa promesse à ce « lieu » où l’existence de l’homme se montre depuis toujours prometteuse : la paternité, la génération d’une vie nouvelle – « Ta femme Sara te donnera un fils, tu l’appelleras Isaac » (Gn 17, 19). Ce Dieu qui demande à Abraham de lui faire totalement confiance se révèle comme la source dont provient toute vie. De cette façon, la foi se rattache à la Paternité de Dieu de laquelle jaillit la création. (§ 11) » Le croyant est un amoureux de la vie. Aimer la vie ne nous retourne pas sur nous mêmes au sens de « profite de la vie, éclate-toi ». Aimer la vie jusqu’à la transmettre : la paternité ou la maternité prennent plusieurs formes : la forme physique en donnant naissance à un enfant mais aussi des formes plus spirituelles par l’éducation, l’accompagnement. Notre espérance nous emporte vers un monde où on aime la vie, où elle déborde de l’homme sur l’homme par un élan d’amour, sans crainte d’être menacés par la famine. Le Ciel n’est autre qu’une vie éternelle, où l’homme s’active dans l’amour à partager les fruits de la terre et ceux du Ciel.

L’homme croyant se trouve confirmé dans sa vie et confirme les autres dans leur existence : « Pour Abraham la foi en Dieu éclaire les racines les plus profondes de son être, lui permet de reconnaître la source de bonté qui est à l’origine de toutes choses, et de confirmer que sa vie ne procède pas du néant ou du hasard, mais d’un appel et d’un amour personnels. (§ 11) »

Avec Abraham, avec Moïse et avec sainte Anne, sans même encore parler du Christ, nous pouvons déjà vérifier notre foi, son existence et sa vitalité. Certains font des bilans de compétence ou des bilans de santé : avec nos pères et nos mères dans la foi, avec le pape François, faisons un bilan de foi.

Les saints ne manqueront pas de nous y aider par leur prière et leur exemple.

Sainte Anne priez pour nous.


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Homélie pour les vêpres du 25 août 2013

A Sainte Anne la Palud

Nous avons entendu que la foi était liée à l’Espérance. Maintenant l’évangile du bon samaritain guide maintenant nos pensées et notre prière. Appelons la grâce pour qu’il forme aussi notre vie et nos actes. Cette parabole nous invite à poursuivre notre réflexion sur la foi à partir de deux considérations.

sainte anne la palud, mgr ravel, homelies, ronan follic, pardon breton1. La première : ce prochain, celui qui fait du bien à l’homme blessé au bord du chemin, celui que nous devons aimer parce qu’il nous a fait du bien en nous sauvant, nous devons l’aimer. Or notre foi nous pousse à une lucidité nouvelle et un lieu nouveau où porter notre amour : le Christ nous sauve et nous guérit, nous avons à l’aimer comme notre prochain : « La foi chrétienne est centrée sur le Christ, elle est confession que Jésus est le Seigneur et que Dieu l’a ressuscité des morts (cf. Rm 10, 9). … L’histoire de Jésus est la pleine manifestation de la fiabilité de Dieu. … Désormais la vie de Jésus apparaît comme le lieu de l’intervention définitive de Dieu, la manifestation suprême de son amour pour nous. (Lumen Fidei § 15) »

Nous ne pouvons pas faire une lecture simplement horizontale de l’évangile du bon samaritain : en expliquant qui est le prochain, l’objet d’un commandement d’amour, Jésus entend d’abord tourner le regard vers Lui, qui est le bon samaritain de tout homme et, à ce titre, LE prochain par excellence que nous devons aimer.

Interrogeons-nous : Ce Jésus-Christ auquel je crois, est-il un de ce ceux que j’aime ? Un de ceux vers qui je me tourne avec amour pour lui dire ma joie qu’il existe, pour lui dire ma disponibilité : « me voici, Seigneur, parle ton serviteur écoute » ? Est-ce que je prends du temps pour le prier, pour le contempler sur la croix, dans son eucharistie ?

2. La seconde : notre foi dont nous avons appris avec Abraham qu’elle était liée à l’Espérance, est aussi inséparable de l’amour en acte. Elle ne croit pas simplement que Dieu existe et qu’Il est formidable. La foi nous fait croire à un Dieu d’amour, qui nous aime et nous pousse à aimer : « La foi chrétienne est donc foi dans le plein Amour, dans son pouvoir efficace, dans sa capacité de transformer le monde et d’illuminer le temps… La foi saisit, dans l’amour de Dieu manifesté en Jésus, le fondement sur lequel s’appuient la réalité et sa destination ultime. (Lumen Fidei § 15) »

C’est là un point essentiel quand nous parlons de la lumière de la foi, quand nous expliquons à nos proches ou à nos contradicteurs que la foi est une connaissance. Rajoutons immédiatement : la foi n’est pas une science qu’on apprend à l’université, une méthode rigoureuse ou une somme de connaissances précises. La foi loge dans le cœur, elle est un amour qui connaît : « Il est nécessaire de réfléchir sur le type de connaissance propre à la foi. Une expression de saint Paul peut y aider, quand il affirme : « croire dans le cœur » (cf. Rm 10, 10). Le cœur, dans la Bible, est le centre de l’homme, le lieu où s’entrecroisent toutes ses dimensions : le corps et l’esprit ; l’intériorité de la personne et son ouverture au monde et aux autres ; l’intellect, le vouloir, l’affectivité. … La foi transforme la personne toute entière, dans la mesure où elle s’ouvre à l’amour. C’est dans cet entrecroisement de la foi avec l’amour que l’on comprend la forme de connaissance propre à la foi, sa force de conviction, sa capacité d’éclairer nos pas. La foi connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour, dans la mesure où l’amour même porte une lumière. (Lumen Fidei § 26) »

Interrogeons-nous : suis-je un homme qui connaît avec les yeux de l’amour ? Suis-je de ceux qui aiment avec les yeux de la foi ? Si ma foi est aujourd’hui instable et pleine de doutes ne serait-ce pas simplement parce que j’aurais oublié d’aimer ?

Oui, seul l’amour couronne tout.

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Source : Diocèse aux armées françaises

Photos publiées sur AR GEDOUR avec l’aimable autorisation de Ronan Follic, photographe.

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À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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