Saints bretons à découvrir

L’image de Saint Yves (par Yves Daniel)

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

L’image que m’a donnée Monsieur le Recteur

croix saint yves des bretons.jpgL’abbé Guillaume Le Floch, incardiné au diocèse de Nantes, est le recteur de Saint Yves des Bretons à Rome, pour quelques mois encore : au printemps prochain, il retourne à l’école, à Jérusalem, à l’Ecole Biblique et Archéologique Française, celle-là même qui fut fondée en 1890 par le Père Marie Joseph Lagrange (1855-1938) dont la cause de béatification est en cours au Vatican.

C’est aussi un jeune et solide marcheur du Tro-Breiz. Cette année il y est venu avec une joyeuse bande de pèlerins arrivés du moyen orient : on a parlé, rit et chanté,  cet été, en araméen, la langue que parlait Jésus, sur les chemins de basse Bretagne, entre Vannes et Quimper.

Ceci, grâce à, Monsieur le Recteur de Saint Yves des Bretons dont le prénom honore celui de l’ancien évêque de Saint Brieuc : Guillaume Pinchon (1180-1234), canonisé en 1247, un siècle avant Saint Yves (1253-1303), il est le premier saint breton figurant officiellement au calendrier romain.

«An Aotrou Person Gwilh» m’a donné cette image, non pas pour me récompenser d’une sagesse particulièrement méritoire de ma part, mais plutôt en raison de mon état civil et professionnel et de ma dévotion à l’égard de mon saint patron de baptême et de profession, qu’il n’ignore pas.

 

C’est la photo de la croix qui orne, depuis peu, le maître-autel de l’église Saint-Yves, sise petite rue de la campagne (vicolo della Campana) à Rome, à proximité de la rue de la truie (via della Scrofa) et de Saint Louis des Français, pas très loin de la fameuse place Navone, l’ancien stade de l’empereur Domitien (51-96 de notre ère).

Cette croix repose sur un socle de même matière, mais la photo ne permet pas de savoir s’il s’agit de bois, noir comme l’ébène ou de pierre, noire comme l’ardoise, il faudrait toucher pour savoir d’où provient ce savant veinage que le cliché révèle. De la texture même du materiau ou alors, du sciage ou du polissage ?

Le socle est orné d’un triskell, image celte de la sainte Trinité. Patrick et les siens ont eu moins de mal que leurs collègues latins, adeptes de l’ordo et du cardo qui se coupent à angle droit et divisent l’espace, comme les cheveux, en quatre, à faire admettre aux populations locales le mystère du Dieu unique en trois personnes distinctes.

Au centre de la croix, l’agneau, celui du sacrifice, debout, la tête, avec son auréole crucifère, tournée vers la droite. De chaque côté un poisson, regardant l’agneau, «véritable» comme le précisent à la fois l’étiquette du commerçant en maroquinerie et le chant, un peu bébête, trop souvent ânonné en guise d’« agnus Dei ».

Ces poissons, IXTHUS en grec, signe de ralliement des premiers chrétiens à Rome qui y lisaient l’anagramme de leur kerygme : « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur », je veux croire qu’il s’agit de merlus, du type de ceux qui sont mis en vente à la criée de Keroman à Lorient !

A chaque bout de la branche horizontale de la croix, l’hermine bretonne, que l’art héraldique stylise ainsi, sous forme de moucheture. L’hermine, symbole de pureté avec sa blancheur immaculée avait séduit la maison de Dreux que ses successeurs, Montfort, avaient fini par adopter. La duchesse Anne (1477-1514) en avait fait son animal de prédilection aux côtés du porc-épic de Louis XII (1462-1515), son dernier époux.

Avec l’hermine j’apprécie particulièrement la devise qui y est attachée : «potius mori quam foedari », la mort plutôt que la souillure.

Au-dessus de l’agneau central, une étoile figure le soleil, l’astre des astres.

En dessous, une harpe qui ressemble d’avantage au telenn d’Alan Stivell qu’à la cithare du roi David. Leurs musiques se rejoignent quand elles chantent les psaumes, à la plus grande gloire de Dieu comme disent les Pères Jésuites.

Avec ces mots, les uns au-dessus des autres : « Enor, Galloud, ha Nerz d’Oan Doué », pas besoin d’être très  bretonnant pour reconnaître là l’hommage des vieillards de l’Apocalypse : « Honneur, Puissance et Force à l’Agneau de Dieu » (5,13 et 7,12) ; comme chacun sait, les vieillards maitrisent parfaitement toutes les langues de la terre.

Au bas de la croix, une ancre de marine, cet objet d’accastillage indispensable à la navigation : elle seule permet, en l’absence de tout moyen de déplacement, vent ou fuel, de s’accrocher à quelque chose de ferme, qui tient, empêchant ainsi l’esquif de dériver et d’aller se fracasser sur les rochers du rivage ; chacun sait qu’en mer, le plus grave danger vient de la terre.

L’ancre symbole de la foi, mais aussi, pour Saint Paul, de l’espérance, autre vertu théologale avec la charité : « en elle, nous avons comme une ancre de notre âme, sure autant que solide » (lettre aux Hébreux, chapitre 6 verset 19).

Cette croix est l’œuvre toute récente (2015) du frère François Cassingena-Trevedy, moine de l’Abbaye de Ligugé, près de Poitiers, subtil écrivain, chroniqueur de la revue jésuite « ETVDES », subséquemment, marin-pêcheur devant l’éternel, au Croisic.

Au verso de l’image donnée par «An Aotrou Person», comme l’on dit encore parfois dans nos paroisses rurales de basse Bretagne, une prière à Saint Yves, qui n’est pas signée mais est due, vraisemblablement, comme la croix de chœur, à la fructueuse collaboration entre Gwilh et Fanch.

La voici, sans autres commentaires que mes remerciements à l’un comme à l’autre et l’assurance qu’elle sera dite aussi souvent que possible aux intentions des uns et des autres.

 

Saint Yves

Tant que tu as vécu parmi nous

Tu as été l’avocat des pauvres, le défenseur des veuves et des orphelins, la providence des nécessiteux.

Ecoute aujourd’hui nos prières !

Obtiens-nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée !

Fais que nous sachions défendre nos droits, sans porter préjudice aux autres, en cherchant avant tout la réconciliation et la paix. Suscite des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé pour que

 « justice soit rendue dans l’amour ».

Donne-nous un cœur de pauvre, capable de résister à l’attrait des richesses, capable de compatir à la misère des autres et de partager.

Toi, la modèle des prêtres, qui parcourais nos campagnes, bouleversant les foules par le feu de ta parole et le rayonnement de ta vie, obtiens à notre pays les prêtres dont il a besoin !

Saint Yves, prie pour nous !

Prie pour ceux que nous aimons !

Et prie pour ceux que nous avons du mal à aimer !

Amen !

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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