Saints bretons à découvrir

La Bretagne et l’organisation territoriale à venir

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

produits-bretons-celtes_240707_100617.jpgComme tous le savent, la réorganisation territoriale est de nouveau à l’ordre du jour… Des bruits mentionnent une union entre la Région administrative Bretagne et de la Région Pays-de-Loire. On évoque l’intégration à une super Bretagne des départements appartenant actuellement à la Région Pays-de-Loire : la Loire-Atlantique, la Vendée, la Mayenne… 

Comme tout le monde le sait, la Loire-Atlantique est un département breton, c’est-à-dire qu’il appartient au territoire qui fut le duché de Bretagne puis la Province de Bretagne jusqu’en 1790. Encore aujourd’hui, de nombreuses institutions intègrent les 5 départements bretons.

 

On entend parler d’une Mayenne intégrée à la Bretagne… Et pourquoi pas ? Puisque les rois de Bretagne, au IXe siècle, détenaient ce territoire… par droit de conquête. Il est vrai aussi que les princes de Bretagne qu’étaient les Avaugour, seigneurs de Goëlo et de Dinan, furent aussi seigneurs de Mayenne au XIIIe siècle et que leur héritière, Jeanne de Penthièvre, duchesse de Bretagne, la donna à sa fille lors de son mariage avec le duc d’Anjou. 

Pour la Vendée, c’est plus facile, il y a les fameuses marches sud de Bretagne : les marches communes, avantagères au Poitou, à la Bretagne, à l’Anjou. En fait, les Clisson, les Rais-Machecoul, les Thouars, trois grands lignages, disposaient des seigneuries dans les trois régions… en Bretagne, en Anjou, en Poitou, soit en Vendée. Bien sûr, pendant la Révolution française, les Vendéens et  beaucoup de Bretons ont eu en commun de s’opposer aux Républicains…  

Bien sûr, il y a eu des liens étroits entre la Bretagne, le Poitou et l’Anjou. Bien sûr, l’histoire de ces trois régions est intimement liée… Constance de Bretagne (morte en 1201), duchesse de Bretagne, épousa en 3e noces le poitevin, Guy de Thouars. Son fils, le duc de Bretagne, Arthur Ier Plantagenêt (mort en 1203), issu d’un premier mariage, eut l’ambition d’hériter des comtés paternels d’Anjou, du Maine et de Touraine. Sa demi-sœur et héritière, Alix, issu de Guy, était donc une Thouars… Bien sûr, le duc Jean V de Bretagne et Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, conclurent une grande alliance Bretagne-Anjou au XVe siècle, pour protéger leurs territoires des dévastations de la guerre de Cent ans. Bien sûr, les grandes familles de l’aristocratie bretonne possédèrent châteaux et seigneuries très importantes des deux côtés de la frontière : le comte de Laval était aussi le baron de Vitré ; la baronne de Châteaubriant (gouvernante d’Anne de Bretagne, morte en 1514) était aussi baronne de Candé en Anjou, le baron de Retz avait de grandes seigneuries en Vendée. 

 

Mais, ce furent des conquêtes temporaires, des alliances de circonstances, des acquisitions privées. La Bretagne était un territoire connu, dont les limites ne bougèrent quasiment pas pendant près de 1 000 ans, ce qui est exceptionnel dans l’histoire européenne. On peut se demander pourquoi ? Bien sûr, furent construits les puissants châteaux frontaliers (Clisson, Machecoul, La Benaste, Ancenis, La Guerche, Châteaubriant, Vitré, Fougères, Combourg) que certains voudraient faire intégrer dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Plus encore certainement, les textes du XIVe siècle que j’ai compulsé par centaines le montrent, les gens savaient qu’ils étaient bretons ou non. Il serait intéressant de faire une enquête sur le fait de savoir si les gens des frontières savent aujourd’hui s’ils sont en Bretagne ou non. On pourrait être très surpris. 

Il est tout de même étrange que nos politiques, que les administrateurs des grands corps d’Etat, ne se tournent pas vers l’histoire alors que depuis bien longtemps cette question de l’organisation du territoire a été résolue. Elle l’a été dans la seconde moitié du XIIe siècle non par les rois de France, capétiens, mais par les rois d’Angleterre, les Plantagenêt, famille continentale bien plus qu’anglaise. Ce que je vais mentionner est très connu, surtout dans le monde anglo-saxon. Henri Ier Beauclerc (1068-1135), roi d’Angleterre et duc de Normandie, maria en 1128 sa fille unique et héritière, Mathilde (morte en 1167) à Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou, du Maine et de Touraine, car ce souverain savait que le regroupement de l’Anjou, du Maine, de la Touraine et de la Normandie allait permettre de créer un formidable territoire capable d’écraser les ambitions des rois de France expansionnistes. Bien que ce programme eut du mal à s’installer, il fut appliqué par le fils de Mathilde et de Geoffroy, Henri II (1133-1189) Plantagenêt, roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande, comte d’Anjou, du Maine, de Touraine, duc de Normandie, et même accru lorsque ce dernier se maria avec Aliénor, duchesse d’Aquitaine et comtesse de Poitou, que Louis VII, roi de France, avait répudiée… un peu stupidement. L’influence d’Henri II fut terrible. Il contraignit le duc Conan IV de Bretagne à renoncer à son trône breton au profit de sa fille, Constance qui épousa le troisième fils d’Henri II, Geoffroy Plantagenêt. Henri II devint régent de la Bretagne et conserva devers lui le comté de Nantes… jusqu’à la majorité de son fils. 

Pour administrer cet empire, point d’avion, ni de train, ni de voiture, point d’internet, ni de fax, mais le cheval. L’empire était composé de territoires appartenant à la famille Plantagenêt, mais aussi et surtout de seigneuries plus ou moins grandes détenus par des vassaux plus ou moins puissants et souvent turbulents. Henri II qui fut sans doute l’un des plus importants souverains occidentaux, et des plus célèbres, divisa son empire en territoires qu’il confia à ses enfants… Le problème fut que ces derniers, leur père et leur mère, Aliénor d’Aquitaine, s’entredéchirèrent si bien que le roi de France, Philippe II Auguste, put en profiter et s’emparer d’une grande partie de cet empire… avec le soutien des Bretons (en 1205). 

Mais revenons à la division administrative de l’empire d’Henri II dans sa partie continentale : 

La Normandie, qui allait jusqu’à la Somme, devait être confiée à Henri le jeune, fils aîné. 

Richard Plantagenêt (le futur Richard Cœur de Lion) eut à administrer le Poitou et l’Aquitaine appartenant à sa mère. Il eut fort à faire avec ses vassaux, les comtes de la Marche et d’Angoulême, alliés des vicomtes limousins et les seigneurs d’Auvergne. Il dut aussi intervenir dans le Midi car sa mère était aussi l’héritière du la maison de Toulouse, qui détenait le comté de Toulouse, mais aussi le marquisat de Provence, au-delà du Rhône. 

Geoffroy, le troisième frère, obtint la Bretagne, dans les limites que nous connaissons. 

Et l’Anjou, le Maine et la Touraine, avec comme vassaux les comtes de Vendôme, du Perche et les seigneurs du Berry ? Henri II les conserva devers lui. 

Quant à la Gascogne, ce territoire pyrénéen, il devait revenir en dot à une des filles qui avaient épousé le roi de Castille… 

Henri II avait donc constitué des Blocs : 

– Normandie-avec une partie de la Picardie

– Bretagne

– Anjou-Maine-Touraine-Berry-Perche

– Poitou-Aquitaine

– Auvergne-Limousin-Périgord

– Gascogne (avec les vassaux des Pyrénées, Bigorre, Béarn, Navarre, 

– Midi, ce qui deviendra la lieutenance du Languedoc

Il est tout de même assez étrange que cette organisation, même si elle a durée très peu de temps, soit restée aussi présente dans les mentalités. En fait, le souverain ne fit qu’institutionnaliser des réalités. 

Voir ces cartes que les droits d’auteur m’empêchent de publier ici, mais qui sont bien sûr disponibles sur ces sites :  

 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a6/Map_France_1180-fr.svg

http://www.pays-chateaubriant.fr/ezimagecatalogue/catalogue/variations/703-350×350.jpg

http://cccpornic.free.fr/ccc_documents/ccc_UnPeudHistoire/

http://www.maugesetbocage.com/mortagne/photo/art/default/4023386-6104563.jpg?v=1332332767

http://www.google.fr/imgres?rlz=1C1GPEA_frFR478FR481&biw=1440&bih=785&tbm=isch&tbnid=qbr_kWd_ytf6gM%3A&imgrefurl=http%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FRoyaume_de_Bretagne&docid=rU7W1JOdovlL_M&imgurl=http%3A%2F%2Fupload.wikimedia.org%2Fwikipedia%2Fcommons%2Fa%2Fa3%2FCarte_royaume_Bretagne.svg&w=700&h=600&ei=CWjcUoOaLKfP0QWr0oCQAg&zoom=1&iact=rc&dur=475&page=1&start=0&ndsp=30&ved=0CGEQrQMwAw

À propos du rédacteur Frédéric Morvan

Historien spécialisé sur l'histoire de Bretagne, Frédéric Morvan est également président du Centre d'histoire de Bretagne. Il rédige régulièrement des chroniques sur l'histoire de Bretagne dont certaines sont diffusées sur Ar Gedour avec son aimable autorisation.

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