Tandis que les préparatifs vont bon train pour préparer le très beau pardon de Saint-Gildas-des-Bois, le Père Mickaël Brétéché, curé de la paroisse, vient de publier dans le bulletin paroissial un éditorial que nous nous permettons de reprendre sur Ar Gedour :
La Joie du Pardon de saint Gildas se déploie avec ardeur. Tout le monde est sur le pont, non sans fierté d’offrir à tous une telle journée…
Nous sommes ici de culture bretonne. Comme un berrichon est de culture berrichonne, et un basque de culture basque ! Et nous aimons que les habitants du Pérou vivent selon la culture péruvienne, et Dieu aime les Papous de Papouasie aussi parce qu’ils sont des Papous, et ainsi de chaque peuple : n’est-il pas beau en raison de sa culture ? Ne le serions-nous pas, en tant que Bretons, Seigneur ? La culture manifeste la manière dont un peuple a mis en œuvre son âme. Avouons que telle n’est plus la préoccupation d’un « occident » marchand. Et si l’on veut bien observer, dès que cette « marchandisation », cette uniformisation touche un peuple, il perd la joie. Il met son âme sous le boisseau… Il se prend alors tellement au sérieux, qu’il préfère la grisaille asservissante de la société marchande, à la liberté assumée de ce par quoi s’est transmise la fierté propre d’un peuple. Et pourtant ! Rien que de voir une portion de peuple assumer sa propre culture nous réjouit… nous refuserions-nous cela ? Vous pensez bien que non, et que nous offrirons même cette joie au plus grand nombre.
Et il appartient à une paroisse de porter haut cette culture. Et pourquoi ? Tout d’abord parce que L’âme de l’âme bretonne, c’est notre foi. Ensuite, parce que notre foi continue l’Incarnation. Notre foi n’est pas une abstraction de l’humanité. Elle vient la sauver, là sur cette terre, assumant non pas une nature abstraite, mais une culture qu’elle éclaire de l’Évangile.
La foi a pris chair en nos saints bretons : tenons-leur la main pour recevoir leur âme en échange.
Voulez-vous que je vous dise ? Le XXe siècle a fait croire à une partie de l’humanité que ses racines étaient ringardes et que son bonheur était dans l’aplatissement (l’humiliation, le reniement…) de son âme. Comment voulez-vous que le grain de la foi prenne en une humanité se reniant elle-même à ce point ? Il y faut la musique bretonne pour réveiller de telles âmes. Il y faut cette danse aussi, rythmée par cette même musique, et circulaire : « elle possède une espèce de théologie parfaitement orthodoxe, de morale médiévale » (GK Chesterton). Le Pardon de saint Gildas participe clairement, simplement, humblement et sans complexe à cette danse. La foi a pris chair en nos saints bretons : tenons-leur la main pour recevoir leur âme en échange.
M le Recteur de St-Gildas des Bois devrait savoir que sa paroisse est de culture gallèse et non de culture bretonnante. Je trouve très bien qu’on chante des cantiques, voire toute la messe, en breton à Quimper ou à Pontivy, par contre dans un endroit où le breton n’est plus parlé depuis environ un millénaire je trouve ça ridicule. L’inculturation doit se faire dans la culture réellement locale.
Si Vatican II a permis d’utiliser d’autres langues que le latin, c’est pour une raison pastorale, or les paroissiens de St Gildas des Bois comprennent sûrement moins le breton que le latin.
Si l’on considère que la Bretagne correspond au territoire de l’ancien duché, on doit reconnaître sa dualité linguistique , la Bretagne est à la fois celtique et romane, bretonnante et gallèse.
Sauf qu’il n’existe pas de cantiques en gallo. Pour mémoire, les locuteurs du gallo, au cours des siècles passés ont toujours compris et utilisé le français. La langue gallaise, contrairement à d’autre langues d’oîl, a été limitée à certains usages : la conversation familiale, le commerce local, la vie professionnelle (agriculture, artisanat, petite industrie locale, contes, histoires drôles, ou bien mêlé au français) Pour ce qui est de la vie chrétienne, c’est le français qui était utilisé : prières usuelles, catéchisme, cantiques…) et ce n’est pas péjoratif, ces locuteurs qui appellent affectueusement leur parler ” le patois” trouveraient étrange de modifier un usage multiséculaire.
Le français comme le latin sont utilisés à St Gildas-des-Bois. Rien ne vient s’opposer à l’usage de cantiques bretons là-bas, d’autant plus que la langue bretonne eut poussé jusque là à une certaine époque. Quant au côté pastoral, si vous assistez à ce pardon vous verrez que c’est justement pour une raison pastorale qu’est utilisée la langue bretonne.
La langue bretonne est le patrimoine commun de toute la Bretagne et non seulement de la Basse-Bretagne.
La classification que vous évoquez est totalement périmée depuis les années 50.
La notion même de « frontière linguistique » est devenue totalement obsolète depuis cette époque, les locuteurs du breton étant devenus ultra-minoritaires. les bouleversements de l’après- guerre ont fait voler en éclats cette situation mullti-séculaire de « Bretagne bretonnante » et de « Bretagne gallèse ».
Le dernier état en date valable de cette « frontière linguistique » datant de l’enquête de Fañch Gourvil en 1952- la ligne Plouha, Mur de Bretagne, Bignan, Surzur garde malgré tout une certaine pertinence sur le plan des mentalités et du sentiment d’appartenance à une communauté linguistique bien définie – même si ces mêmes habitants ne parlent plus ni breton ni gallo;
Pendant des siècles, cette frontière fut perméable, les échanges n’ont jamais cessé : des « Bas-Bretons » vinrent en Haute-Bretagne et inversement. Il n’est donc pas incongru de chanter des cantiques de langue bretonne en Haute Bretagne, sachant qu’en Basse-Bretagne, on chante aussi en français depuis pas mal de temps. (surtout et pa seulement autour des villes ou le frnçais a pénétré depuis longtemps)
Il existe des cantiques en français chantés en Basse-Bretagne et inversement.
Vouloir réduire la Bretagne à une hypothétique frontière est totalement arbitraire et anachronique.
En cela, les cercles celtiques, conservatoire des danses et traditions musicales de Bretagne furent et demeurent un vecteur d’enrichissements réciproques. On y chante aussi bien en breton qu’en « franco-gallais » (les chants à danser gallos sont en français émaillé d’expressions et de tournures gallèses et non en gallo « pur et dur ».
J’ai connu plusieurs enfants de fonctionnaires parachutés en pays bretonnant qui ont appris le breton par immersion, aussi bien que des prêtres et religieuses qui l’ont appris par nécessité pastorale, comme des gens originaires du pays gallo ou bien des francophones apatrides qui chantent en breton, alors que de nombreux natifs avec des parents bretonnants ont renié la langue de leurs ancêtres et ne veulent que du français et pas d’un mot de latin ni de breton à la messe. En cela, le sanctuaire de Keranna fut une belle vitrine : on pouvait chanter en breton même si l’on ne connaissait pas cette langue, avec une bonne traduction en regard et un peu de bonne volonté, afin que ne ressorte le vieil argument éculé jusqu’à l’os : « on ne comprend pas ce que l’on chante »
J’ai enfin remarqué que beaucoup de gens qui ne connaissent pas ou guère le breton le chantent a bouiz penn lors d’un pardon.
La fin de la frontière linguistique, le fait que le breton y est chanté et parlé de part et d’autre, qu’il y ait des écoles Diwan ou bilingues doit faire réfléchir à la libéralisation de la langue.
Dès le XVIIème siècle, le R.P Maunoir-originaire de St Georges de Reintembault aux marches de Bretagne- reçut la grâce de par le ciel d’apprendre le breton. Dans de nombreuses paroisses anciennement de Basse-Bretagne, cette langue n’est plus chantée, tant mieux si certaines paroisses de Haute-Bretagne la chantent !
n’en déplaise aux moralisateurs pinailleurs qui cherchent de vieux arguments alors qu’ils ne connaissent point l’histoire de leur pays ni sa langue.
A greiz kalon,
Merci à vous Eflamm et Uisant de rétablir la juste vérité ! Quand à moi je me réjouis de pouvoir chanter en breton en latin et en français lors du pardon de St Gildas ! C’est une excellente chose que d’avoir choisi ce trilinguisme!