La Grande Troménie de Locronan : un pèlerinage aux racines antiques

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Le mercredi 18 juin dernier, une conférence de presse s’est tenue à Locronan pour dévoiler les grandes lignes de la prochaine édition de la Grande Troménie, prévue pour 2025. C’est dans une salle nichée tout près de l’église, symbole fort de ce pèlerinage, que les principaux organisateurs se sont réunis. Parmi eux, le curé de la paroisse Sainte-Anne Châteaulin, ainsi que les représentants de l’association Vie et Tradition, ont mis en lumière l’importance spirituelle et patrimoniale de cet événement unique, ancré dans l’histoire et la tradition bretonne.

Une tradition millénaire au cœur de Locronan
Tous les six ans, Locronan, ce petit bourg du Finistère, se transforme au rythme de la Grande Troménie. Ce parcours, d’une dizaine de kilomètres, allie spiritualité chrétienne et héritage celte, dans un lieu profondément lié à la terre et à la foi. Des milliers de pèlerins, de curieux, de fidèles et de marcheurs se retrouveront pour marcher sur les pas de saint Ronan.

Le nom « Troménie » vient du breton Tro Minihi, signifiant « tour du sanctuaire », et fait référence à l’un des plus anciens et des plus emblématiques pèlerinages de Bretagne. Ce parcours est ancré dans une double tradition spirituelle : la tradition celtique et chrétienne.

Avant l’implantation du christianisme, Locronan était un site religieux majeur pour les Celtes. Le sanctuaire se trouvait au pied de la colline de Menez Lokorn, un lieu sacré dont l’orientation suivait les repères cosmiques. C’était donc un lieu druidique reconnu. Au VIe siècle, saint Ronan, moine irlandais venu évangéliser la Bretagne, s’installe à Locronan. À travers sa sainteté et son influence, il christianise le site tout en intégrant certaines traditions celtes locales. Après sa mort, le culte de saint Ronan se développe, et la Troménie devient un pèlerinage en l’honneur du saint, tout en préservant un lien profond avec la terre et le territoire.

La Grande et la Petite Troménie : deux visages d’un Pèlerinage
Au fil des siècles, deux formes de Troménie ont vu le jour : la Petite Troménie : organisée chaque année, le deuxième dimanche de juillet, autour de la ville de Locronan, et la Grande Troménie, plus rare et plus solennelle, qui n’a lieu que tous les six ans. Elle suit un parcours de plus de 12 kilomètres, traversant les anciennes limites paroissiales de Locronan et s’arrêtant à 12 stations, chacune marquée par une signification spirituelle et symbolique.

La Grande Troménie : Un Voyage Intérieur
Ce pèlerinage ne se limite pas à une simple marche sur des sentiers balisés. La Grande Troménie est une expérience intérieure, un cheminement à la fois physique et spirituel. Guy Lefloch, président de l’association Vie et Tradition, résume parfaitement ce sentiment : « Il faut la faire une fois pour comprendre. Quand vous la ferez, vous saurez ce que vous êtes venu chercher. »

Chacun arrive à Locronan avec son histoire personnelle. Certains viennent pour honorer une promesse, d’autres pour rendre grâce, chercher la paix intérieure ou simplement marcher en silence. Le père Christian Le Borgne, curé de la paroisse Sainte-Anne de Châteaulin, souligne qu’« chacun y trouve ce qu’il est venu chercher, et beaucoup trouvent… en marchant. »

Le parcours de la Troménie est ponctué de stations symboliques, qui ne sont pas seulement des points géographiques, mais des moments de pause intérieure. Ces étapes permettent de déposer ce qui pèse sur le cœur, de se libérer des fardeaux et de repartir plus léger, ou plus ancré. Le cadre de la Grande Troménie invite à la méditation et à la contemplation. Les granits des calvaires, la mousse des sentiers, et l’odeur de l’herbe sous le soleil breton créent une atmosphère propice à la prière et à l’introspection. Le paysage lui-même devient un message, et la marche, une réponse à cette invitation silencieuse.

Une fête alliant foi et culture
La Grande Troménie de Locronan est bien plus qu’un simple pèlerinage : c’est une fête de la foi, de la culture et de la transmission. Clément Soubigou, vice-président de l’association Vie et Tradition, rappelle que cet événement témoigne d’une foi vivante et ancrée dans l’histoire, ouverte à tous, croyants ou non, passionnés de patrimoine ou chercheurs de sens. Dès le premier dimanche, plus de 5 000 personnes sont attendues pour prendre part à cet événement unique, célébrant à la fois la dimension spirituelle et la mémoire collective.

Informations Pratiques
La Grande Troménie se déroule sur une semaine, avec des moments forts à ne pas manquer. L’ouverture officielle du chemin a lieu le samedi 12 juillet à minuit, marquée par un spectacle nocturne et l’allumage du tantad (feu de joie). Le chemin reste ouvert librement jusqu’au dimanche suivant. Les pèlerins peuvent avancer à leur rythme, en passant par les 12 stations du parcours.

Le premier dimanche débute par une messe solennelle présidée par Monseigneur Dognin. À 14h, la Grande Procession part du Pénity, avec l’ensemble des bannières. La procession se dirige ensuite vers Menez Lokorn, avant de revenir au cœur du bourg pour un moment solennel sous les reliques de saint Ronan.

Le deuxième dimanche suit un déroulé similaire, avec la participation de Mgr Gérard Le Stang, évêque invité, pour continuer cette tradition vivante.

À propos du rédacteur Stella Gigliani

L'une des touches féminines d'Ar Gedour. Elle anime en particulier la chronique "La belle histoire de la semaine".

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