Saints bretons à découvrir

La Lorica de saint Gildas

Amzer-lenn / Temps de lecture : 3 min
Tombeau de saint Gildas en l’abbatiale de Rhuys.

En ce jour de la fête de saint Gildas de Rhuys, voici la magnifique et mystérieuse prière qu’il a écrite : la Lorica (en latin : cuirasse). C’est une prière de protection sur le modèle des incantations druidiques qui s’inspire de celle de saint Patrice. Le Prologue revendique d’ailleurs cette filiation en citant saint Patrice.

Le texte original latin est très étrange et déroutant, à l’instar du latin qui était écrit au Haut Moyen Age dans les scriptoria irlandais et bretons ; qualifié de latin « hibernique » , il se caractérise par des structures de phrases assez complexes, des emprunts au grec, voire au syriaque. Non qu’ils ne connussent le latin classique : ils sont à l’origine de la préservation d’une bonne partie de la littérature latine et du savoir antique. C’était pour ces moines comme un exercice littéraire adapté à leur mentalité celte teintée de merveilleux.

À l’époque de la renaissance carolingienne au VIIème et IXème siècle, l’empire franc imposa aux monastère bretons en même temps que la règle bénédictine un style littéraire plus classique.

Toutefois, en plein IXème siècle, on trouve encore de vieux moines bretons qui font de la résistance passive en continuant à écrire à l’ancienne mode.

Les plus anciens manuscrits contenant la Lorica datent du VIIIème siècle et proviennent de monastères anglo-saxons de la frontière avec le Pays de Galles. Signe que même s’ils étaient ennemis, Bretons et Anglo-Saxons entretenaient des relations par le biais des monastères.

Des historiens débattent quant à savoir s’il y a un ou deux Gildas. La Lorica est un indice qui fait pencher en faveur de cette dernière hypothèse. En effet, l’auteur du De exidio et conquestu Britanniae (à propos de la ruine et de la conquête de la Bretagne) était un breton romanisé du sud de l’île et écrivait lui un latin très classique et aurait sans doute été horrifié par le latin de son homonyme. Il se considérait d’ailleurs comme « Britannien » et non comme « Britto ».

C’est lui que l’on surnomme « saint Gildas le sage », l’auteur de la Lorica et l’abbé de Rhuys étant quant à lui surnommé « le Breton » ou « l’Armoricain », (en Anglais, Gildas the Briton) même si originaire de la frontière avec l’Écosse.

 À ce sujet, voir l’article de notre regretté collaborateur Alan Raude.

Le texte lui-même commence par un prologue qui explique la provenance de la Lorica, ses vertus protectrices contre les assauts des démons, son transfert en Irlande par Laidcend Mac Baíth Bandaig moine-poête irlandais du VIIème siècle. S’ensuit l’explication de la versification qui au passage est assez rare : des vers de 11 pieds, dits hendécasyllabiques.

La première partie invoque la protection de la Trinité, du Christ, des Anges, et des saints, on reconnaît une forte parenté avec la Lorica de saint Patrice.

Puis la seconde partie est plus singulière : elle détaille toutes les parties de l’anatomie humaine pour demander à Dieu leur protection.

C’est donc non seulement une prière mais un précieux témoignage du vocabulaire anatomique du Haut Moyen Âge.

Pour ceux qui lisent l’anglais : voici (en cliquant sur ce lien) une étude très complète publiée en 1919 dans le bulletin de la Royal society of medicine britannique par Charles Singer, éminent historien spécialiste de l’histoire des sciences, de la technologie et de la médecine

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Lorica Gildæ

 Prière-cuirasse de saint Gildas le Breton, abbé de Rhuys

 

Traduction Uisant Er Rouz (DR)

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À propos du rédacteur Uisant ar Rouz

Très impliqué dans la culture bretonne et dans l'expression bretonne dans la liturgie, Uisant ar Rouz met à disposition d'Ar Gedour et du site Kan Iliz le résultat de ses recherches concernant les cantiques bretons, qu'ils soient anciens ou parfois des créations nouvelles toujours enracinées dans la Tradition. Il a récemment créé son entreprise Penn Kanour, proposant des interventions et animations en langue bretonne.

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2 Commentaires

  1. Erratum : au lieu de lire « latin scottique », lire « latin hibernique » (en latin, Irlande se dit Hibernia)

    Pour accéder au texte de l’article en anglais, faire copier-coller le lien souligné dans un nouvel onglet, cela ne fonctionne pas quand on clique dessus.

  2. J’ai lu avec beaucoup de respect et recueillement ce « poème » de Saint Gildas ! Merci de nous l’avoir communiqué. Je me permets de » l’enregistrer » pour le relire de temps en temps. Merci Merci.

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