Ecoutez Gwerz sant Weltaz, par les Gedourion ar Mintin (CD Pedenn ar Gedour – 2004) :
Sur saint Gildas de Rhuys nous avons une Vie du 11ème siècle, rédigée par un moine de l’abbaye armoricaine, et des données généalogiques galloises.
Suivant sa Vie, saint Gildas était natif de la région d’ Arecluta et fils d’un nommé Cawus ou Caunus. Arecluta est l’actuelle région de Glasgow , sur les bord du fleuve Clyde, à l’extrémité du Vallum d’ Antonin qui était la frontière du pays picte que les Romains n’avaient pas pu soumettre. Elle faisait partie de la principauté bretonne de Strad-Clud (anglais Strathclyde), qui resta indépendante jusqu’au 11ème siècle. Du fait de cette origine il a été surnommé Albanus « Calédonien », que l’ on traduirait aujourd’hui par « l’ Ecossais ».
Dans les textes gallois le père de Gildas est Caw, parfois appelé Caw Prydyn « Caw le Picte ». On lui attribue un grand nombre d’enfants (variables suivant les listes) et sa famille est qualifiée de « clan de saints » (gwelygorð saint, PB5, EWGT 83). Parmi les fils de Caw on peut relever Caffo (cf. Carquefou (44), Trigavou (22), Cof (cf. Plogoff, Roscoff), Dyvnwy (cf. St-Donou en Esquibien, Lothonou en Lannilis), Keidio (cf. St-Quijeau en Lanvenegen, St-Quijau en Plouguer, Languédias, etc.), Gwyngat (cf. Guengat, Lavengat en Guissény), Kynwal (cf. St Conval en Hanvec, en Penvénan, Planguenoual), Neb (cf. St-Nep en St-Pol-de- Léon, Nepus, 1er évêque d’Avranches). Remarquable parmi ces fils est Aneirin, alias Neirin (cf. Plounérin), car il est l’auteur du poème Wotodin, chef-d’oeuvre de la littérature héroïque bretonne, dont le sujet est la bataille de Cattraeth, qui eut lieu vers l’an 600. Cela permet de dater les fils de Caw de la fin du 6ème siècle. Il y a donc trois générations entre l’auteur du De Excidio et les fils de Caw. Il est aussi évident que saint Gildas, frère du barde Neirin, était bretonnant.
Il convient de revenir un instant sur saint Konwal, car il est honoré en Ecosse, et notamment dans six localités de Strathclyde (G.Doble, W.S.70). Il est notamment le patron de Glasgow. La connexion de la famille avec ce pays comme avec l’Armorique est donc confirmée.
Gildas avait aussi une soeur, Peithen pour les Gallois, Pictina en latin, qui est la patronne-éponyme de Sainte-Pazanne(44) en Retz., pays où les origines calédoniennes sont très marquées
CONCLUSION
On en vient donc à une conclusion que plusieurs avaient déjà envisagée : il y a deux Gildas, l’un, Gildas l’Epistolier, auteur du De Excidio, qui vécut dans le sud-ouest de la Britannie où il était né vers 500, l’autre, Gildas de Rhuys, des Bretons du nord, qui vivait au début du 7ème siècle et était originaire de l’ouest de la Valentia, en pays aujourd’hui écossais. Le premier était un Britannien attaché à la romanité, le second un Britton, dont l’arrivée en Armorique n’avait rien d’étonnant, puisqu’ il venait, comme plusieurs autres, y retrouver les descendants des compatriotes valentiens venus en Letavia assurer la sécurité, deux cents ans plus tôt (voir A.J.Raude, OGBA, 1987 & 1996).
On notera que le sanctoral ibernien connait aussi deux Gildas dont l’ un, Gildas l’ Ancien, aurait eu son obiit le 04.11. 512, alors que le second serait trépassé le 19.01.570. Là aussi il y a quelque confusion, mais comme le nom gaélique est écrit Gilla il se peut que le premier soit en fait un autre personnage. Gildas de Rhuys est commémoré le 29 janvier dans l’ évêché de Vannes.
LE NOM DE GILDAS
Il reste un problème très irritant : celui du nom de Gildas. Dans tous les textes anciens il est écrit Gildas, décliné sur le radical Gilda, comme les noms grecs de la série d’ Aeneas. Le nom n’a pas évolué avec la langue parlée, sinon il serait °Gyllt en gallois, °Gewt en breton armoricain. La désinence –as montre que la transmission du nom s’est faite par l’écrit. En pays bretonnant le nom est devenu sporadiquement Gweltas (probablement par suite d’une mauvaise lecture de la graphie francisante Gueltas), mais plus souvent Geltas ou Gentas (avec divers degrés d’adaptation à la phonétique courante du breton, où la combinaison – lt– avait évolué en –wt-). Dans les textes latins plus récents on est passé à Gildasius.
Mais l’énigme majeure est l’origine première du nom Gildas. Il n’est ni celtique ni latin. On pourrait l’interpréter par le grec traduit par « torche brillante » (le terme das « torche »a été employé dans les garnisons romaines pour le culte de Mitra). Pélage, cent cinquante ans plus tôt, portait aussi un nom grec, et les auteurs celtes, en latin, affectionnaient les vocables grecs. Pourtant, la parentèle du nom semble se trouver en germanique : gotique gildan « rétribuer », gilda, substantif neutre, variante anglaise gield, gild, variante frison jeld « tribut », « sacrifice ». (Sur les noms germaniques en gild- , v. Morlet, NPTAG &, 109a.)
Ce pourrait être au titre d’ auteur d’un pénitentiel détaillant la rétribution de fautes que l’auteur du De Excidio aurait reçu le surnom « rétributions » : gildas. Les Annales Cambriae signalent le trépas de Gildas en 570. En 577 le pays où il devait résider tombait aux mains des Anglais. Le monastère de Malmesbury, de fondation irloise, est dans cette région et perpétuera, notamment avec l’anglais Aldhelm, la tradition littéraire de Gildas. C’est peut-être post mortem que l’auteur du De excidio est devenu Gildas. Son oeuvre était transmise chez les moines anglais, comme l’atteste Bède (ch.22). Il suffisait qu’une glose écrite par un clerc anglais, « gildas« , soit prise pour un nom d’auteur. A la fin du Pénitentiel on lit : hucusque gildas, ce que l’on peut comprendre ainsi : « so far the penances » ou « ici s’arrête [ le pénitentiel] de Gildas.
Si tel était le cas nous ignorerions le nom réel du premier Gildas. Quant au second il peut avoir pris le nom de l’ écrivain en entrant dans l’état monastique, ce qu’il fit à l’ âge mûr, puisqu’on lui connait plusieurs enfants.
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