Aujourd’hui, nous fêtons Saint Dewi. Si l’on peut trouver sa vie sur d’autres sites qu’AR GEDOUR, nous vous invitons aujourd’hui à faire un peu plus connaissance avec lui.
La Vita beati Dauid, écrite par Ricomarch vers 1090 rapporte ainsi la naissance de s.Dewi :
« Uirtus diuina misit Sanctum, regem Ceretice regionis, usque ad plebem Demetice gentis. Inuenitque rex obuiam sibi sanctimonialem, nomine Nonnitam, uirginem… quam concupiscens tetigit ui oppressam, et concepit filium suum Dauitagium » ce qui signifie « La puissance divine envoya Sanctus, roi de la région kérétique (sic) jusque dans le pays des Démétiens. Et le roi rencontra sur sa route une sainte moniale, vierge, appelée Nonnita… emporté de désir il la viola et engendra ainsi son fils Dauidagius ». (Ici un fidèle attentif s’ étonne que la puissance divine pousse au crime et se demande si Ricomarch était adepte du « mektoub » augustinien et ignorait Matthieu 12:24 sqq.)
La version galloise de la Vie (14ème siècle) dit : « … val yd oed y brenhin a elwit Sant yn kerdet ehun, nachaf leian yn kyfarvot ac ef. Sef a oruc ynteu ymavael a hi a dwyn treis arnei. A ‘r lleian a gavas beichiogi (enw y lleian oed Nonn), a mab a anet idi, a Davyd a rodet yn enw arnaw. « … »Comme le roi appelé Sant se promenait seul, voilà qu’ il rencontra une moniale. Et lui de s’en prendre à elle et de lui faire violence. Et la moniale se trouva enceinte (Nonn était le nom de cette moniale) et il lui naquit un fils et on lui donna le nom de Davyð. »
Le « mistère » breton Buhez Santes Nonn « Vie de sainte Nonn », écrit au 15éme siècle, bien que son auteur, probablement un moine de l’abbaye de Daoulas, partage de près la trame et la matière de la Vie écrite par Ricomarch, ne connait pas ce nom de Sanctus, mais nomme le violeur Rex Coriticus « le roi Corotic ».
C’ est aussi cette filiation que donne la généalogie intitulée Cognatio Brychan (La Parentèle de Broc’han, 15, 8, EWGT 18), mais en nommant Meleri la mère de Dewi. Brochan, père de Meleri, avait pour père Anlach Coronach, chef de clan scot (plus probablement Ambach, du clan Mac Leathan, l’ un des principaux envahisseurs en Britannie au 4ème siècle). Sa mère, Marchell, fille de Tewdrig, seigneur de Garthmadrin en Glamorgan, avait été mariée par nécessité, sinon par contrainte. C’ est en effet l’ époque où les Gaëls se conduisent en maîtres sur la côte ouest de la Britannie.
Les autres généalogies galloises connues concernant le saint (v.ci-dessous) donnent « Dewi, fils de Sant, fils de Corotic ». Ni E.Ernault, l’éditeur de la Buhez Santes Nonn (RC VIII,3,230sq.), ni J.Loth (Chrest.239sq.) n’ ont relevé cette différence. Or le fait est que la création de ce mistère est motivée par le culte rendu dans l’orbite de l’ abbaye de Daoulas, à sainte Nonn et à son fils Dewi. Ce culte implique une tradition locale, comme c’est fréquemment le cas pour les cultes de saints locaux. Ces traditions sont souvent ténues et parfois controuvées. Ici celle de sainte Nonn consiste à faire de Diri-Nonn « la chênaie de Nonn » le lieu de naissance de Dewi, l’ ermitage de la sainte et le lieu de son trépas. Il n’était donc pas anormal que la tradition locale ait conservé mémoire du nom du père de s. Dewi.
Trois textes de la généalogie de Dewi (EWGT 15, 20,43) ont le même contenu que la Vita et proviennent d’ une source unique. La série suivante : « saint Dewi, fils de Keredic, fils de Cunedag » (ByS1, EWGT 54) s’exprime en gallois par Dewi mabsant, mab Keredic, mab Cuneða. Mabsant, comme Macsaint en gaélique, a en effet le sens de « saint », « saint patron » (et mabsanta signifie « canoniser »), comme en armoricain mabden a le sens de « homme ». Il suffit de couper en deux le mot mabsant pour obtenir une génération supplémentaire et imaginaire. Est-il besoin de dire qu’alors que l’on a trace de nombreux descendants de Cunedag, le Sant en question n’a pas laissé de mémoire hors de la prétendue conception de s.Dewi? C’est ce que reconnait l’ éditeur de la Buched galloise, D.Simon Evans : go brin ei fod yn gymeriad hanesyddol: nis enwir yn ach frenhinol Ceredigion « on ne peut guère y voir un personnage historique : son nom n’ apparait pas dans la lignée royale de Keredigion ».
On en restera donc à la tradition bretonne armoricaine, qui s’accorde avec le comportement connu de Keredic dans sa campagne contre les Irois, conduite stigmatisée par Saint Patric dans sa Lettre à Corotic. Il s’ensuit que la naissance de Dewi peut être datée au plus tard de l’an 402. Un synchronisme avec Patric est donc possible, mais Dewi ne peut avoir été contemporain d’ aucun des deux Gildas ni de Merlin. La mise en scène de tous ces personnages fait évidemment partie de l’ embellissement fabuleux de la vie des saints.
OBIIT
Dewi , selon sa Vitan est trépassé au matin d’ un mardi 1. Mars. Cela peut être en 495 ou 500
* Ouvrages de l’auteur :
- L’origine géographique des Bretons armoricains. Série Etudes et recherches de Dalc’homp Soñj
- Ecrire le gallo : précis d’orthographe britto-romane
- Petite histoire linguistique de la Bretagne
- Introduction à la connaissance du gallo
- Liste des communes galaises du département des Côtes-d’Armor (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de l’Ille-et-Vilaine (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de Loire-de-Bretagne (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes galaises du département du Morbihan (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- La Naissance des nations brittoniques – de 367 à 410 –, Ploudalmézeau : Editions Label LN, 2009
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