Les pardons bretons : un souci à gérer ou un atout à protéger ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min
Photo Ar Gedour

L’été est déjà là et avec lui en Bretagne, son lot de pardons. Ces événements rescapés de la vie de quartier, fêtes des voisins à l’enracinement religieux qui ont bien souvent été sauvées de l’oubli par quelques-uns via un comité de chapelle destiné à restaurer la chapelle locale et à soutenir la fête du saint dédicataire dans sa dimension religieuse comme profane. Mais plus les années passent et moins il y a de prêtres. Comment relever le défi de l’évangélisation via nos pardons ?

Un casse-tête pour célébrer tous les pardons.

Assurer la célébration de la messe dominicale dans le chef lieu d’une paroisse aux multiples clochers et les dizaines de pardons, alors qu’ils sont deux ou trois prêtres pour desservir l’ensemble paroissial, relève souvent du casse-tête.

Certains, éludant directement le souci, laissent directement tomber les pardons pour privilégier la messe en paroisse : ces pardons meurent donc de facto. D’autres invitent les paroissiens à se rendre à tel ou tel pardon, pour le soutenir : la messe paroissiale est donc célébrée l’été dans les différentes chapelles, permettant aux paroissiens de découvrir d’autres réalités du territoire local. En certain lieux, comme sur le diocèse de Saint-Brieuc & Tréguier ou le diocèse de Quimper & Léon, l’option penche vers la tenue d’assemblées de prière plutôt qu’une messe, quand aucun prêtre ne peut se rendre disponible.

Le diocèse de Quimper & Léon, des déroulés de liturgies – sans eucharistie, quasi-clé-en-mains, sont proposés sur le site diocésain dédié à la liturgie. Il est précisé que « tout baptisé missionné peut présider ces prières ». D’autres déroulés (qui peuvent être partiellement utilisés pour les pardons avec messe) sont laissés à disposition dans le même dossier : célébration à orientation baptismale en commençant à la fontaine, célébration de la Croix en partant du Calvaire, célébration « Laudato Si » autour de l’eau, célébration du Saint Patron dans une liturgie de la Parole, office de vêpres …

Enfin, d’autres se battent coûte que coûte pour que le pardon puisse avoir lieu avec la messe, invitant des célébrants extérieurs et dynamisant les propositions religieuses et profanes, avec un enracinement culturel fort. Ces engagements au profit de nos pardons n’est pas uniquement dans l’idée de sauvegarder un patrimoine immatériel mais dans la volonté de développer ce qui peut être des lieux missionnaires forts à ne pas négliger.

« Nous n’allons plus à l’église, mais nous faisons tous les pardons bretons. Là, la messe n’est pas triste ! » est-il dit dans ce reportage. Et c’est ce que disent bien des gens ne se rendant que rarement à la messe durant l’année, mais touchent la réalité de l’Eglise durant ces pardons. Ces situations concrètes valent bien des initiatives d’évangélisation de rue.

Le Père Yves Laurent, qui s’occupe de la dimension des pardons et des sanctuaires sur le Diocèse de Quimper & Léon, le disait lors d’une interview au journal Ouest-France : « Il faut veiller à mieux mobiliser en amenant les personnes à travailler ensemble et à intégrer le pardon dans le projet de la paroisse. Nous voulons aussi préserver la qualité spirituelle des pardons et redonner du sens à ce qui peut passer parfois pour du folklore. »

Il existe un besoin de spiritualité et il est certain que la dimension culturelle bretonne de nos pardons répond à la fois à des désirs profonds et à une certaine convivialité qui a souvent déserté nos paroisses. Ces rendez-vous que sont les pardons sont ainsi des moments de rencontres et de fraternité dont il faut prendre soin et qu’il convient d’accompagner.

Protéger et valoriser les pardons

Loin d’être un souci à gérer, les pardons de nos paroisses sont des tiers-lieux d’évangélisation qui semblent bien souvent n’être qu’un détail de la vie paroissiale alors qu’ils sont encore ces événements où l’on rencontre d’autres gens que l’entre-soi dominical, en se plongeant dans l’histoire locale et dans la réalité concrète de nos campagnes. Tant de régions en France et dans le monde nous les envient. Les pardons en Bretagne sont donc vraiment une occasion de prédilection pour les Bretons de faire corps avec leur culture, pour s’en imprégner et s’en nourrir.

L’exhortation apostolique du pape Jean-Paul II, du 16 octobre 1979, « de Catechesi tradendae » nous parle de l’importance de la dévotion populaire :

Contribution des dévotions populaires

« 54. Une autre question de méthode concerne la valorisation, par l’enseignement catéchétique, des  éléments valables de la piété populaire. Je pense à ces dévotions qui sont pratiquées en certaines régions par le peuple fidèle avec une ferveur et une pureté d’intention émouvantes, même si la foi qui les sous-tend doit être purifiée, voire rectifiée, sous bien des aspects. »

Il faut donc, comme le dit le PROJET MISSIONNAIRE BRETON du Diocèse de Vannes, oser rappeler et souligner la perpétuation de cette manifestation souvent séculaire sur ces lieux en insistant sur le patient travail des recteurs, l’implication des gens du quartier et le dynamisme des Comités de chapelle. Rappeler aussi les éléments symboliques liés à ces pardons : le saint que l’on fête, la fontaine, le feu de joie, la procession, le pardon et le partage, la fête et la convivialité, le ou les cantiques locaux. Il est important aussi d’expliquer que la convivialité vécue en ce lieu est aussi annonce de l’Evangile.

Des idées pour l’avenir

Il y a souvent plusieurs pardons dans une paroisse. Pourrait-on envisager que l’un d’entre eux soit plus particulièrement destiné aux enfants et aux jeunes, en veillant bien à ne pas éliminer la langue bretonne au prétexte qu’il y a des jeunes ?

Les sacramentaux et traditions populaires, trop souvent considérés comme superstitions, devraient pouvoir être mis en avant avec une catéchèse ad hoc (ne pas faire le rite juste pour le rite, mais l’expliquer et le promouvoir). Pourrait-on imaginer ainsi remettre en avant les apports concernant les saints dédicataires avec une pastorale dédiée : telle fontaine était plutôt dédiée aux sourds et aux malentendants, tel autre saint était invoqué pour les rhumatismes, tel autre pour la fécondité, etc… Ils ne demandent qu’à être invoqués, mais n’interviendront pas pour nous si nous les oublions et perdons cette foi héritée de nos pères.

En ce sens, SOS Pardons / Skol ar Pardonioù a été créé pour y réfléchir et livrer des pistes concrètes. Nous vous invitons à vous abonner à notre chaîne Youtube pour être tenus informés des nouvelles vidéos.

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À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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