Ce dimanche, j’étais au nord de Toulouse. Plus exactement à Grenade-sur-Garonne. De passage, nous avions décidé d’aller à la messe dans cette belle église dédiée à Notre-Dame de l’Assomption, édifice de style gothique méridional. C’est l’abbaye de Grandselve, fondatrice de la ville de Grenade en 1290, qui est à l’initiative de la construction de l’église Notre-Dame de l’Assomption au XIIIe siècle. En 1308, Clément V, premier pape d’Avignon, visite le chantier qui s’achève près d’un siècle plus tard, en 1376.
La nef était déjà pleine lorsque nous sommes arrivés. La procession allait s’élancer, parmi lesquels une quinzaine d’enfants de choeur, de servants d’autel et tout autant d’ancillae (autre nom des servantes d’assemblée). Alors que j’effectue une génuflexion à l’adresse de Jésus Eucharistie, je vois que l’autel est parfaitement apprêté : 6 beaux chandeliers avec la croix d’autel assortie, pas de bouquet de fleurs sur l’autel, une nappe d’autel bien étendue… L’animatrice est sur le côté et entonne le chant d’entrée (issu du répertoire de l’Emmanuel). Je reste scotché : en procession s’avancent un porte-croix, 2 adolescents céroféraires, 1 jeune cérémoniaire en soutanelle rouge et surplis, parfaitement rôdé à son rôle. En tête, un thuriféraire et son naviculaire, eux aussi en soutanelle rouge et surplis. Les autres enfants de choeur, s’avancent et s’installent dans les stalles. Ils sont quant à eux revêtus d’une aube ample avec camail et croix pectorale. Les ancillae se placent dans la nef, aux premiers rangs, prêtes à intervenir pour leurs tâches respectives.
Dès le début de la messe, tout est posé : alors que nous sommes un dimanche du Temps Ordinaire, l’encens est là et tout est fait pour accueillir Jésus avec honneur. On est dimanche. Cela vaut bien quelques grains d’encens pour le Christ Jésus, comme le firent les mages en offrant au Nouveau-Né leurs dons royaux. Plus encore, la musique est en phase avec la liturgie. Soulignons ainsi la qualité des chants, issus comme nous l’avons dit, du répertoire de l’Emmanuel, mais aussi du répertoire plus ancien, comme le chant d’envoi « Au ciel, j’irai la voir un jour ! » que je n’avais pas entendu depuis mon adolescence (chant qui existe d’ailleurs aussi en breton).
L’un des servants d’autel entonne le psaume d’une voix angélique. Une chorale polyphonique de passage offre quant à elle, parmi trois pièces de grande musique sacrée, un superbe Ubi Caritas à 4 voix mixtes résonnant harmonieusement sous les voûtes après une homélie vigoureuse de la part du jeune abbé François de Larboust, rappelant avec force de ne pas faire de la religion une idéologie mais de prendre conscience de la grandeur de Dieu. Savoir s’agenouiller avec humilité. Et ici, dans cette belle église, la solennité de la liturgie et le choix musical nous y aident (même si avec regret nous n’avons pas eu un Credo III qui aurait eu sa place). Le célébrant, en fin de messe, en remerciant la chorale, rappellera les mots de Benoît XVI sur la musique sacrée dans son ouvrage « L’esprit de la liturgie ».
Et c’est cet esprit de la liturgie qui est bien présent en ce dimanche toulousain. Les servants d’autel et les ancillae savent parfaitement quoi faire mais aussi pourquoi le faire. Tout est fait avec sérénité et dignité, sans précipitation et sans improvisation, pour permettre à l’assemblée d’entrer pleinement dans le mystère eucharistique. Tout est dans la beauté de la liturgie. C’est alors tout naturellement qu’à la consécration, nous sommes finalement au pied du Golgotha, à revivre le Sacrifice Ultime de manière non sanglante. Dans le silence les paroles murmurées par le célébrant : « Ceci est mon Corps… Ceci est mon Sang… livré pour vous… ». Il est là, présent, livré pour nous ! Comment ne pas s’agenouiller (physiquement mais pas que…) et entrer en pleine communion par ce moment unique qui pourtant se renouvelle à chaque fois que le prêtre redit les paroles du Christ ?
Et, pour couronner le tout, un autre prêtre, arrivant très probablement d’une célébration dans une autre paroisse, s’installe dans une chapelle latérale pendant le Kyrie avec son aube et son étole violette : celui qui le souhaite peut aller se confesser quand il veut. Le prêtre est là… disponible.
Pourquoi vous parlé-je de cette messe qui n’était pas en Bretagne ? Tout simplement car cela fait un bien immense de participer à la Sainte Messe et en ressortir avec le sentiment d’être rassasié, nourri, porté. Aller dans la paix du Christ, ce n’est pas simplement retourner chez soi prendre l’apéro après la messe en ayant entendu le prêtre ou le diacre prononcer cette phrase qu’on croit de conclusion. C’est une invitation, une fois nourris, à aller témoigner à notre tour. Par cette liturgie, qui respecte parfaitement le Concile Vatican II (ce qui malheureusement se fait rare), il est certain que chacun ait pu repartir fortifié : « Allez, sortez annoncer Jésus-Christ là où vous vivez maintenant que vous avez été fortifié ! » On n’a qu’une envie… c’est effectivement de partager cela au plus grand nombre, dans la joie du Christ ressuscité !
Une telle messe, nous aimerions en trouver par chez nous en Bretagne. Il y en a, en certains lieux. Mais difficile de les trouver dans nos campagnes souvent livrées à l’abandon ecclésial, dans lesquelles les paroisses laissées à la gestion des affaires courantes deviennent de plus en plus étendues avec de moins en moins de monde et de moins en moins de prêtres, débordés. Avouons que, pour diverses raisons, certains SPF (Sans Paroisse Fixe) adeptes du nomadisme ecclésial se laissent tenter par les attraits des paroisses citadines alors qu’ils pourraient participer au renouveau de leur propre paroisse rurale. De l’autre côté, que fait-on pour retenir les jeunes générations aspirant à une certaine profondeur et rigueur ? La question se pose !
Sommes-nous défaitistes en faisant part de ce constat ? Non… car cette paroisse toulousaine bien vivante, si aujourd’hui elle attire les jeunes familles, les enfants, mais aussi les plus âgés, c’est que le travail a été initié il y a dix ans. Et les fruits sont là ! Alors que dire, si ce n’est qu’il y a là pour nous un exemple à suivre… dès aujourd’hui !
oui, comme ça fait du bien !!! Et pas seulement aux visiteurs de passage; les prêtres aussi ,ont besoin de ces messes où l’on peut ressentir la ferveur. C’est aux paroissiens d’abord, de se recentrer sur le Christ, unique Prêtre; et de prier pour de nouveaux « ouvriers dans la Moisson ».
Un petit livre à lire et à diffuser: » Monsieur le curé fait sa crise », par Jean Mercier !
C’est toujours une bonne surprise de tomber par hasard sur une messe célébrée avec bon goût et ferveur. On mesure alors le chemin parcouru depuis les « années de plomb » –années 70-80-90.
Que ces lumineuses et courageuses paroisses fassent des émules !
Il est toutefois dommage que beaucoup de ces paroisses « classiques » s’arrêtent en si bon chemin sur la voie de la « réforme de la réforme ». Certaines pensent avoir touvé un bon équilibre et refusent d’aller plus loin.
Au niveau du chant, on constate une trop grande présence –quasi-envahissante- des chants du Renouveau charismatique.
Non pas que ces chants soient sans mérite, car ils permettent aux fidèles de se réhabituer à des paroles issues de l’Ecriture sainte et à se réapproprier les paroles authentiques de la liturgie concernant l’ordinaire. On constate trop souvent que nombre de d’églises desservies par des communautés nouvelles ou des prêtres diocésains de sensibilité « classique » se contentent à long terme de ce répertoire exclusivement. Celui-ci n’est tout de même pas d’une immense beauté, on peut lui reprocher un certain fonctionnalisme, une stadardisation excessive et une musique plus inspirée de la variété anglo-saxonne que de nos traditions musicales liturgiques. Ce n’est pas ici tout à fait le cas, car la polyphonie classique et les cantiques populaires français y ont aussi leur place, et c’est tant mieux.
Dans la description de cette messe, les deux grands absents sont le chant grégorien qui est « le chant propre de l’Eglise » qui selon la constitution Sacrosanctum Concilium du concile Vatican II « doit occuper la première place » spécialement pour le kyriale, le Credo et le Pater.
Le deuxième absent est la tradition musicale occitane. Les pays de langue d’oc ont en effet une très riche et ancienne tradition musicale religieuse que ce soit en monodie ou polyphonie. La tradition littéraire en langue d’Oc est d’ailleurs très ancienne. Ces cantiques sont très poétiques, chaleureux et émouvants. Je pense particulièrement aux chants polyphoniques du Béarn . Malheuresement, comme par chez nous, l’Eglise les a reniés, comme la culture occitane en son ensemble, pour promouvoir la « modernité ». Et si aujourd’hui la culture et la langue occitane sont très vivantes, l’Eglise n’y est pas pour grand chose. Les défenseurs de la langue et de la culture d’Oc se retrouvent plutôt en dehors de l’Eglise, et s’il existe des messe en occitan, ce sont souvent des évènements folkloriques à la manière de nos « noces bretonnes ».
Il serait souhaitable que le clergé local se réintéresse à sa propre tradition locale plutôt que de la laisser soit dans le domaine du folklore, soit dans celui du concert déconnecté de toute pratique liturgique. D’autant plus que l’occitan est tout de même une langue plus « facile » que le breton, car c’est une langue latine à la fois proche du français du castillan et du catalan.
Je vois sur la photographie de cette magnifique église qu’il y a un autel de célébration « versus populum ». La question de ces autels illégitimes et encombrants est encore problématique voire brûlante, surtout après les propos du Cardinal Sarah sur la célébration ad orientem qui ont lancé un bon pavé –voire un parpaing dans la mare aux canards des grenouilles de bénitiers actuelles. Gageons que le curé de cette paroisse, après de si bonnes réformes le supprimera pour célébrer sur le maître-autel.
Vous dites à juste titre que les fleurs sont encombrantes sur les autels. Effectivement, sur les autels prétendument « concilliaires », elles sont parachutées et de mauvais goût- elles prennent souvent la place d’un des cierges et l’on peut se retrouver avec un seul cierge sur l’autel, ce qui est absurde.
Par contre, il est tout à fait indiqué, et c’est une vieille tradition, de fleurir un autel ad orientem qui s’y prête beaucoup plus cela ajoute en gaieté et en beauté au sacrifice de la messe, et nos maître-autel sont suffisamment vastes pour les accuellir sans que cela empiette sur le culte.
En résumé, si l’on veut un autel fleuri, que la messe soit célébrée face à Dieu ! D’ailleurs, les autels les plus joliement fleuris que j’aie pu voir étaient ceux de lieux de culte de la Fraternité Saint Pie X !
Vous évoquez les « ancillae » qui sont aussi nommées « servantes d’assemblée ». C’est effectivement une nouveauté tout à fait intéressante. C’est une manière très pédagogique et pastorale d’expliquer aux fidèles et aux filles que ce sont les garçons qui sont au service de l’autel, car ce service de proximité du culte divin est source de nombreuse vocations sacerdotales . Ce n’est pas du sexisme ni de la mysoginie, mais plutôt de la catéchèse sur la complémentarité de l’homme et de la femme dans l’histoire du salut. Le terme ancilla -Domini- illustre bien ce rôle. Pour l’anecdote, on peut voir des filles enfants de chœur de plus de 18 ans en soutanelle et surplis surtout en Allemagne où les évêques avaient pris un malin plaisir à les imposer au pape Benoît XVI. Il convient toutefois d’expliquer qu’il ne s’agit pas là d’une fonction liturgique (des enfants de chœurs bis féminins) mais plutôt d’un service para liturgique. Les pasteurs qui introduisent ce service dans leurs paroisses sont en général assez clairs.
Vous évoquez aussi la fonction de « l’animateur » ou « animatrice ». Cette fonction qui a su se rendre soi-disant indispensable depuis une quarantaine d’années est contraire à l’esprit de la liturgie. Dans les liturgies traditionnelles latines comme orientales, nous trouvons uniquement le rôle des chantres qui malgré les apparences est fort différents.
Le chantre -et avec lui la schola cantorum n’est en général pas visible. Selon les lieux et les époques, il se place soit derrière l’autel dans le chœur –qui au premiers siècles de l’Eglise était distinct du sanctuaire où se passe l’action liturgique ; soit dans le transept, soit sur la tribune de l’orgue au fond de l’église. Il ne s’agit jamais d’un personnage qui accapare l’attention des fidèle en se mettant bien en avant derrière un microphone et commente toutes les actions de la messe et quand il chante fait moult gestes inutiles. Le chantre est là pour entonner les chants difficiles, ou pour exécuter avec la schola les parties qui lui sont propres, ou bien surveiller que les fidèles ne se trompent pas. Pour cela, il n’est nul besoin de gesticulations ni de microphone. Les gestes qu’il fait (le chantre) sont destinés soit aux autres chantres et non aux fidèles ou bien pour indiquer brièvement un changement ou une fin à l’assemblée, ; en principe, celle-ci se débrouille. C’est le même principe que la direction d’orchestre par un instrumentiste qui a les main prises par son instrument.
Une voix solide et sûre suffit. En Occident, ce rôle a été traditionnellement dévolu aux hommes, non encore par esprit de sexisme, mais parce que les hommes ont des voix qui portent plus ; ce qui n’empêche pas d’avoir des voix féminines en alternance ou des femmes qui chantent des parties soli.
Jusqu’aux grands bouleversements post-conciliaires, le chantre avait une fonction quasi-liturgique. En certains lieux, selon les traditions locales, il portait soit le surplis sur ses habits civils, comme en Artois ou en Picardie, ou la soutanelle et le surplis comme dans le Maine, voire la soutanelle, le surplis et la chape comme en Basse-Normandie.
Les chantres étaient alors surnommés les « Chapiers ».
Les chantres, aujourd’hui portent plutôt l’aube. En Bretagne, les chantres de nos églises paroissiales gardaient leur habit breton du dimanche, car ils estimaient peut-être que la splendeur de celui-ci valait bien tous les fastes lturgiques…
Pour conclure, l’idée de remettre « l’animateur » à sa place est certes intéressante. Dans l’idéal, il faudrair supprimer cette fonction et revenir au rôle traditionnel du chantre (Ar c’hanour, e brezhoneg)
Cela prendre peut-être du temps, mais pour paraphraser lEcclésiaste : le temps de Dieu n’est pas le temps de l’homme.
D’accord avec le commentaire précédent, en particulier sur le chantre/animateur. Pour avoir un peu exercé cette fonction, j’utilisais le terme courant d’ « animateur » mais j’aurais préféré celui de chantre, animateur ça fait trop « show biz ». L’animateur-chantre doit garder une certaine discrétion au lieu de jouer les co-célébrants ; en certains lieux l’animateur prononce un mot d’accueil, qui fait double emploi avec la monition d’entrée du prêtre, déjà elle-même souvent longue et inutile, trône dans le choeur parallèlement au célébrant, se tient à l’ambon, et est omniprésent. Le chantre ne devrait se tenir au micro que lorsque il chante où qu’il est nécessaire qu’il intervienne, et s’installer ailleurs le reste du temps. Ledit micro (inutile dans les petites églises) doit impérativement être distinct de l’ambon, réservé aux lectures bibliques, à l’homélie et à la prière universelle (laquelle devrait être lue par le diacre en priorité), et si possible hors du sanctuaire. Le micro et le chantre pourraient d’ailleurs se trouver au 1er rang, il n’est pas utile que l’assemblée le voie, ça éviterait de jouer les stars.
Dans la paroisse de Corlay où j’étais dimanche, alors que le vicaire général était là pour le sacrement de Confirmation, nous avons eu le droit à une messe où des écrans étaient apposés pour qu’y soient projetées des rengaines des années 70 du diocèse de Quimper-et-Léon, des Credo et Gloria trafiqués et tronqués (ce qui est parfaitement contraire aux recommandations de l’Ordo), le tout sur des rythmes de tam-tam et du grésillement de microphones (inculturation de la Foi en Bretagne ?) avec un chantre qui se mettait bien au milieu de la nef, en agitant ses bras pour que tout le monde le voit bien comme une star. Sans parler de l’absence de croix sur l’autel pour se remémorer pour qui nous sommes là, à ce moment-là. Une messe-karaoké d’une laideur infinie pour des sacrements si beaux…
Sans compter les prêtres et le vicaire général qui ne savaient pas trop ce qui était prévu, vus les différents loupés qu’ils ont commis. Plus leurs apartés totalement inappropriés sur leurs états d’âme et ce qui leur plaît ou non, des anecdotes profanes qui tenaient de l’auto-célébration.
Profondément agacé, je me suis demandé si j’étais en état de grâce pour communier. Le diable se sert de certaines messes pour pousser au pêché de colère. Certains offices devraient être à fuir. Seuls les saints peuvent conserver leur état de grâce dans un esprit de pénitence et de sacrifice face à un si horripilant et odieux spectacle.
Le mauvais exemple en matière de liturgie vient malheureusement d’en haut. Après les avancées du pontificat de Benoît XVI, l’Eglise est en pleine régression. Un exemple parmi d’autres : la semaine dernière, par une purge à la mode stalinienne, 27 des 28 membres ont été limogés alors que le cardinal sarah, préfet de la congrégation était en pèlerinage à Vézelay avec les routiers scouts d’Europe. Bien évidemment, les membres exclus étaient plutôt dans le sens de la réforme de la réforme entreprise par benoît XVI. Et les nouveaux nommés font partie de la frange la plus novatrice dont l’inénarrable Mgr Piro Marini,ancien cérémoniaire de Jean-Paul II et ancien secrétaire de Mgr Bugnini, principal artisan de la réforme liturgique (celui-ci a été exilé par Paul VI comme pro-nonce apostolique quand il s’est rendu compte des effets néfaste de sa réforme)
Quelques lignes simples de saint Josémaria sur la Sainte Messe qui, si elles étaient bien méditées, pourraient avoir du fruit (à noter que le livre « Chemin » est disponible en breton sous le nom « Hent ») : http://fr.escrivaworks.org/book/chemin-chapitre-23.htm