Petit « credo » dans l’épreuve

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

forêt

En peu de semaines ce furent d’abord Patrice, 90 ans, puis Denis, 61 ans, et, tout récemment, Albane, 18 ans, dont les corps ont été portés en terre. Quel que soit leur âge, canonique, en pleine maturité ou à la prime jeunesse, leur décès, attendu ou brutal, les a toujours enlevés prématurément à l’affection des leurs, parents et amis, les laissant seuls et désemparés.

La tristesse, les larmes, l’incompréhension devant l’anéantissement de la mort que l’on sait pourtant inexorable et universelle, sont de la nature humaine : que l’on se rappelle que c’est non pas en raison de la mort de Lazare, mais du chagrin de sa sœur Marie et de leurs amis, que Jésus « frémit en son esprit et se troubla » (Jn 11, 33) puis, invité sur sa demande à venir voir sa tombe, « Jésus pleura » (Jn 11, 35).

Une des petites nièces de Patrice, nièce de Denis et cousine du père d’Albane, peu de temps avant de prononcer ses vœux monastiques, a eu la douleur de perdre accidentellement son père.

Voici le « petit credo dans l’épreuve » en 12 articles qu’elle a écrit à cette occasion et qui peut servir à tous ceux qui se trouvent confrontés au chagrin et à la douleur du décès d’un être cher.

Article 1

Je crois que N… est vivant au ciel.

 « Pourquoi chercher le vivant parmi les morts ? » (Lc 24, 5)

 

Article 2

Je crois que Dieu ne veut ni le mal, ni la souffrance, ni la mort.

« Il en coute au Seigneur de voir mourir les siens » (Ps 116, 15)

 

Article 3

Je crois que Dieu sait tout,  voit tout, comprend tout, et spécialement ma douleur.

« Tu vois ma misère et tu sais ma détresse ; j’exulte et me réjouis dans ton amour » (Ps 31, 8).

« L’Esprit scrute tout, même les profondeurs » (1 Co 2, 10)

 

Article 4

Je crois que Dieu aime que je crie vers lui, qu’il ne méprise pas mes larmes.

« Crie à pleine gorge, ne te retiens pas !» (Is 58, 1)

« Jésus pleura. Les juifs disaient donc : « voyez comme il l’aimait ! » (Jn 11, 35)

« Recueille mes larmes dans ton outre » (Ps 56, 9)

« De leur cri, comme d’une petite source, naquit un grand fleuve, une eau abondante ; la Lumière et le soleil se levèrent » (Est I, 1i-1k)

Et je crois que la tristesse n’est pas toujours un manque de foi.

« J’ai foi, même quand je dis : je suis trop malheureux ! » (Ps 116, 10)

Article 5

Je crois que « Dieu n’impose d’épreuves à personne sans donner en retour la force nécessaire pour les endurer » (Sainte Bénédicte de la Croix – Edith Stein – 1891-1942)

« Ma grâce te suffit » (2 Co 12, 9)

Article 6

Je crois que Dieu m’aime et je crois que ceux qui souffrent sont spécialement proches de Dieu.

« Il porte les agneaux sur son cœur » (Is 40, 11)

« Dieu est proche du cœur brisé » (Ps 34, 19)

« C’est vers celui-ci que je regarde : celui qui souffre

et qui a l’esprit abattu » (Is 66, 2)

« Si l’âme souffrante savait combien Dieu l’aime, elle mourrait de joie et d’excès de bonheur » (Sainte Faustine – Hélène Kowalska, 1905-1938,

« Petit Journal » n° 962)

 

Article 7

Je crois que l’épreuve mûrit mon âme, qu’elle me fait monter plus vite vers Dieu.

« Il m’éprouve au creuset et je sortirai pur comme l’or » (Jb 23, 10)

« Toute ascension se nourrit d’une douleur dépassée » Gustave Thibon (1903-2001) « l’échelle de Jacob »  Fayard, 1942

Article 8

Je crois que l’épreuve que je vis me fait communier aux souffrances du Christ.

« Vous êtes, vous, ceux qui êtes toujours demeurés avec moi dans mes épreuves : je dispose pour vous du Royaume. » (Lc 22, 28-29)

« Ma coupe, vous y boirez » (Mt 20, 23)

« Afin de connaitre Christ, avec la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, pour parvenir, si je puis, à la résurrection des morts. » (Phi 3, 10-11)

Article 9

Je crois que « Dieu, souverainement bon, ne permettrait jamais qu’il y eut du mal dans ses œuvres, s’il n’était tellement puissant et tellement bon que du mal même il puisse faire du bien » (Saint Augustin « enchiridion ad Laurentium, fide, spe et caritate », chapitre XI)

« Tu as changé mon deuil en une danse » (Ps 30, 12)

« Ô mort, où est-elle ta victoire ? » (1 Co 15, 55)

« Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8, 23)

« La vie a jailli du tombeau » (liturgie pascale)

« Mon amertume amère me conduit à la paix » (Is 38, 17)

Article 10

Je crois que Dieu est toujours du côté de la vie

« Je suis le vivant » (ap 1, 18)

« Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 10, 10)

Et qu’il m’appelle à la vie et à la joie au-delà de cette épreuve.

« Choisis donc la vie » (Deut 30, 19)

« Les morts ne louent point le Seigneur, ni ceux qui descendent au silence ; mais nous, les vivants, bénissons Dieu » (Ps 115, 17 et 18)

« La mort ne peut te célébrer ; le vivant, le vivant, lui, te rends grâce, comme moi en ce jour. » (Is 38, 19)

« La plus belle des joies, c’est celle qui jaillit d’un cœur blessé : elle a quelque chose d’unique. » (Père Marie-Dominique Philippe, 1912-2006)

 

Article 11

Je crois que la victoire sur le mal, la mort et la souffrance est déjà remportée.

« Il sort en vainqueur pour vaincre encore » (Ap 6, 2)

« Ne pleure pas, il a remporté la victoire » (Ap 5, 5)

« La lutte n’est que le versant visible de la victoire » (sœur Alix Parmentier 1912-2006)

Article 12

 Je crois que la souffrance que je porte me rend spécialement proche de ceux qui souffrent aussi : je crois que je suis envoyée en mission auprès d’eux, appelée à sortir de moi pour faire œuvre de compassion ;

« Dans toutes nos détresses, Dieu nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse grâce au réconfort que nous recevons nous-même de Dieu. » (2 Co, 1, 4)

 

C‘est ainsi qu’à l’invitation du prince des apôtres lui-même, aux termes de la première encyclique papale (Père Edouard Cothenet « Actualité de la première lettre de Pierre », Salvator, 2017), il est de notre devoir de chrétien de rendre compte, à tous ceux qui nous le demandent,  mais toujours « avec douceur et respect », « de l’Espérance qui est en nous ». (1 Pi 3, 15 et 16).

 

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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Un commentaire

  1. Merci pour ce beau témoignage, de Foi

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