En France, la fréquentation des églises chute régulièrement. En Bretagne, même si c’est un peu moins qu’ailleurs, les églises se sont aussi vidées. La Bretagne, terre catholique, c’était il n’y a pas si longtemps. Que s’est-il passé ?
Nous vous proposons ici un article qui a été publié dans le Magazine BRETONS en 2009, et accessible via ce lien. Nous ne sommes pas d’accord avec tout, mais l’article est intéressant et mérite d’être porté à votre attention.
Le huit décembre 1924, 50 000 Bretons sont réunis au Folgoët, en Pays Léon, au nord du Finistère. Ce raz-de-marée humain écoute ce jour-là Monseigneur Duparc, évêque de Quimper, fustiger les mesures pro laïcité prises par le Cartel des gauches, la coalition politique victorieuse des élections législatives de 1924. “C’est chasser Dieu de la société”, harangue le prélat breton. Soixante-douze ans plus tard, 170 000 personnes ont accueilli le pape Jean-Paul II à Sainte-Anne-d’Auray le 20 septembre 1996. Mais ne nous y trompons pas : bien que ces évènements soient le signe de la bienveillance des Bretons à l’égard de la religion catholique, il y a entre ces deux époques un monde.
Les mentalités ont évolué, en Bretagne comme ailleurs. Aujourd’hui, c’est un clergé plus que vieillissant qui célèbre les messes de Vannes à Saint-Malo : la moyenne d’âge des prêtres est de plus de 70 ans dans la région.
Il y a encore soixante ans, c’est presque toute la Bretagne qui se rendait chaque dimanche à l’église. Au milieu des années quatre-vingt-dix, la pratique était tombée à 14%. Actuellement, elle oscille entre 5 et 10%. Et encore, il a fallu revoir les critères à la baisse pour être désormais considéré comme pratiquant. Il suffit d’assister une fois par mois à la messe dominicale.
Comment la Bretagne, terre dévote et riche en vocations, est-elle parvenue à vider ses églises en moins d’un demi-siècle ? Que reste-t-il de ce catholicisme breton réputé social ? État des lieux.
Chute des vocations
“Le clergé s’éteint, les pratiquants aussi. On assiste à une déprise sociale du catholicisme en Bretagne”.
La sentence paraît rude, mais son auteur aura ici l’occasion de la nuancer. Yvon Tranvouez diagnostique ainsi la santé actuelle de la religion catholique en Bretagne. Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bretagne occidentale à Brest, cet universitaire a écrit et collaboré à bon nombre d’ouvrages ayant trait au catholicisme breton, dont Catholiques en Bretagne au XXe siècle (Presses Universitaires de Rennes).
Entre 85 et 90% des jeunes Finistériens qui naissaient dans les années cinquante étaient baptisés à la naissance. Ils sont environ un sur deux aujourd’hui. En 1954,
27 jeunes garçons rentraient au séminaire de Quimper pour devenir prêtre. Six ont abandonné la formation en cours de route. Dix ans plus tard, ils n’étaient plus que huit à entamer ces études. Et seulement trois à la poursuivre jusqu’à l’ordination. En 1973, le séminaire de Quimper fermait définitivement ses portes. Ou comment plusieurs siècles de vocations sacerdotales s’émiettent en moins de trente ans…
Aujourd’hui, il y a 32 élèves à l’unique séminaire interdiocésain breton, celui de Rennes. La Bretagne des curés ne s’en sort pas si mal, car la chute des vocations touche la France entière. À titre d’exemple, les trois diocèses de Tours, Orléans et Blois cumulent à eux trois 18 séminaristes… Il y avait 42 500 prêtres en France en 1948. Ils n’étaient plus que 15 900 en 2005, dont la plupart mourront dans moins de vingt ans, étant donné la moyenne d’âge extrêmement élevée (un peu plus de 70 ans) du clergé français. “Il y a plus de résistance ici”, tente le père Gérard Gouesnou, le directeur du séminaire de Rennes. Avant de poursuivre : “Ces quarante dernières années, on a tout simplement assisté à un effondrement”.
Progressistes et traditionalistes
Pour autant, on ne peut faire l’impasse sur quelques particularités régionales plus ou moins prégnantes. L’enseignement catholique en Bretagne, avec ses 42% de la population scolaire (dont un peu plus de 50% dans le Morbihan) et ses 250 000 élèves, remplit facilement ses écoles. Il s’agit moins d’une frénésie religieuse que d’une reconnaissance du bon niveau de l’éducation dispensée dans ces établissements. Et de son accessibilité : avec des tarifs très bas (15 € par mois quand Paris affiche parfois dix fois plus) comparés à la moyenne nationale, le “privé” en Bretagne fait le plein. L’enseignement catholique se veut, selon son directeur régional Martial Limouzin “ouvert à qui que ce soit, qu’importent ses origines et ses convictions” : le nombre d’élèves boursiers est comparable à celui du public. “Ouvert sur la modernité”, prévient aussi Martial Limouzin. Une modernité qui, il le reconnaît, “détourne de la messe”. Consumérisme, matérialisme, immédiateté, individualisme étant encore désignés comme les diluants actuels de la religion.
Aujourd’hui, deux types de “paroisses” résistent mieux que les classiques messes des curés diocésains. Le professeur Yvon Tranvouez les décrypte ainsi : “Les communautés progressistes dites charismatiques importées du pentecôtisme américain”, type communauté de l’Emmanuel avec des célébrations festives. Ou, à l’inverse oserait-on, “les communautés plus traditionnelles avec chants en latin”. Seules les choses marquées auraient la cote : “ La tradition ou l’émotion, voilà les deux mots porteurs aujourd’hui”, affirme Yvon Tranvouez.
Du côté de la tradition, il y a par exemple la paroisse Saint-François à Rennes. Installée en centre-ville, près de la cité judiciaire, on y célèbre la messe en latin et on y revendique une forte ferveur : plus de 300 fidèles tous les dimanches, et pas moins de 50 servants de messe autour de l’autel. Pour le chanoine Gwénaël Cristofoli, la fidélité de ses paroissiens s’explique par leur attachement “à une spiritualité particulière, la spiritualité salésienne (celle de Saint-François de Sales)”. Depuis 1988, les fidèles de ce petit coin de tradition rennais se fréquentent tous les dimanches. Pas une semaine sans qu’il n’y ait une conférence ou une réunion organisée. Analyse d’Yvon Tranvouez : “On est passé d’un catholicisme de territoire à un catholicisme de réseau. Ce n’est pas à l’Église de son village que l’on va, mais à sa paroisse affinitaire”.
Pour se défendre du qualificatif de communautarisme, l’abbé Cristofoli évoque “la blessure originelle” chez les pratiquants traditionalistes, en référence à l’après concile de Vatican II, où les adeptes de la messe en latin se faisaient “jeter de partout”. “Mais c’est moins vrai aujourd’hui, tempère l’ecclésiastique. Les jeunes sont ouverts et invitent autour d’eux”. Quant au chanoine Gwénaël Cristofoli, il entretient de bons rapports avec l’archevêché de Rennes, auprès duquel il a été nommé secrétaire archiviste. Ce qui n’empêche pas qu’il demeure certaines tensions.
“Pas d’obligation de résultat”
Pour certains prêtres du clergé régulier, ces communautés semblent ne pas remplir la même mission qu’eux. Le père finistérien Michel Scouarnec est connu nationalement pour être un auteur-compositeur de cantiques ainsi qu’un professeur de théologie. Mais il est aussi simple prêtre du diocèse de Quimper depuis 1959 : “Être prêtre diocésain, c’est être plongé dans le peuple. Nous sommes faits pour tout le monde. Les prêtres de communauté, c’est pour des gens qui sont bien entre eux, bien au chaud”. Le père Scouarnec admet le recul progressif de l’influence de l’Église, mais refuse d’accorder trop d’importance aux données comptables : “L’Église, ce n’est pas le marché, il n’y a pas d’obligation de résultats”.
L’héritage du père Scouarnec et des autres prêtres bretons, c’est celui d’un catholicisme social et rural. Qui fut même chahuté assez tôt par des figures du progressisme. Au XIXe siècle, le prêtre malouin Hugues-Félicité Robert de Lamennais crée quelques remous avec ses écrits où il prône la liberté de conscience et la séparation de l’Église et de l’État. Il quittera l’Église vers 1836 et deviendra par la suite député de gauche. Autre penseur breton non moins polémique : Ernest Renan. Formé au petit séminaire de Tréguier, où il est né, il publie en 1863 une “Vie de Jésus”, dans laquelle il traite la biographie du fils de Dieu comme celle de n’importe quel autre homme. C’est peu dire que le livre fit scandale.
Entre 1920 et 1950, la Bretagne vit l’avènement de la Jeunesse Agricole Catholique (JAC). L’emprise sociale de l’Église atteint alors des sommets : modernisation de l’agriculture, création de clubs de football via des patronages (comme le Stade Brestois), éducation des filles, soins sanitaires, syndicats catholiques : les curés et les religieuses sont partout. La messe célébrée à Quimper en 1954 pour le 25e anniversaire de la JAC attirera 20 000 personnes. Pour Yvon Tranvouez, la JAC a été “le moteur sans concurrent de la révolution des campagnes bretonnes”. Alliance rétrospectivement surprenante entre la religion et le progrès technique.
Catholicisme social
Aujourd’hui encore, des Bretons se réclament de cette lignée sociale de l’Église. Martial Limouzin, le patron de l’enseignement catholique, n’oublie pas que “l’Évangile s’adresse en particulier aux plus petits”. Quant au père Gouesnou, du séminaire de Rennes, il soutient qu’ “il n’y a pas en Bretagne, contrairement à Paris ou dans le sud-ouest, une tradition de la tradition. On est issu, d’abord, d’un christianisme rural et populaire. Les propos négationnistes de Monseigneur Williamson, ici, ça ne passe pas”. Pour le père Pierre Breton, vicaire du diocèse de Quimper, “il y a dans l’aide à ceux qui souffrent une dimension constitutive de la foi chrétienne”. Et le même de citer l’action du Secours catholique à Brest en faveur du logement pour les déshérités. La Bretagne vote au centre gauche. La Bretagne lit Ouest-France, un journal démocrate-chrétien pas vraiment radical.
“Le clergé breton a suivi les orientations politiques de la population confie un prêtre, il est plutôt centriste ou à gauche”.
De cette religion populaire, il subsiste des éléments bien présents lors de manifestations ponctuelles. Ce que certains raillent comme étant “la religion du folklore” fonctionne très bien en Bretagne. La Troménie de Locronan attire les foules que l’on sait, il y a parfois 2 000 personnes aux messes du sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray. Le Tro Breizh, ce tour de la Bretagne qui honore ses sept saints fondateurs a été relancé en 1994. 600 pèlerins dès la première année. Cet été, les organisateurs devront refuser du monde, car ils seront 2 500. Le président de l’association du Tro Breizh, Philippe Abjean, justifie ainsi cette adhésion populaire : “On essaie de proposer des messes à la liturgie soignée. Il y a de l’encens dans les églises, on y chante des cantiques en breton… Pour faire revivre le christianisme en Bretagne, il suffit de souffler sur ses cendres”.
Dans un style plus moderniste, le père Job An Irien milite énormément pour promouvoir la culture religieuse bretonne. Ce prêtre au collier de barbe blanche a publié en 1997 un missel en breton et dirige le centre spirituel bretonnant de Minihi Levenez, dans le Finistère. Malgré quelques initiatives ça et là, l’influence des bretonnants sur la religion catholique reste assez limitée. Les mouvements autonomistes bretons étant par ailleurs réputés pour être plutôt païens, de gauche, voir anticléricaux. Bien qu’il rappelle que la chrétienté bretonnante s’est toujours heurtée aux évêques ainsi qu’à l’universalisme de la foi, Yvon Tranvouez croit cependant que “c’est par un certain rattachement à l’identité bretonne que l’Église peut regagner des positions. Pour les jeunes bretonnants, cela peut être incitatif”. En 2003, Monseigneur Gourvès, qui était alors évêque de Vannes, avait clamé dans une lettre pastorale son attachement à la langue bretonne, évoquant “une certaine fierté” à la parler, et arguant qu’il s’agissait d’un défi pour l’Église de “faire droit aux minorités culturelles”.
“La Bretagne a une âme chrétienne”
Au-delà des questions touchant au breton, au latin, ou à quelque langue que ce soit, la Bretagne n’aura pas échappé à la vague de déchristianisation sur laquelle surfe la France depuis les années soixante. Pour Yvon Tranvouez, de l’université de Brest, “le concile de Vatican II et l’évolution générale de la société apparaissent comme les premiers responsables de cette désaffection. On juge l’arbre à ses fruits et les églises sont vides. En Bretagne, il y a eu l’effondrement de la société rurale classique et de la famille : elles représentaient les deux piliers des vocations et du catholicisme en Bretagne. Pour Philippe Abjean, le responsable du Tro Breizh, “le drame du clergé breton est d’avoir fait mai 68. En s’éloignant du sacré, qui est une affaire d’instinct, le clergé s’est éloigné de sa base populaire”.
Politiquement, les trois évêques arrivés le plus récemment en Bretagne (ceux de Vannes, Quimper et Rennes) affichent une position plus identitaire et affirmée du catholicisme : “Ils estiment que la génération précédente de prêtres et d’évêques a trop choisi la discrétion”, reconnaît le vicaire de Quimper, le père Pierre Breton. Le père Michel Scouarnec assume l’époque : “Nous sommes passés d’une Église qui fait nombre à une Église qui fait signe”. Face à ces critiques, le père Gouesnou, de Rennes, expose une des raisons d’y croire : “La Bretagne est un pays qui a une âme, et cette âme est chrétienne”. Et la foi rattrape les Bretons au dernier moment : 80% des décès en Bretagne passent encore par une église. Comme un dernier sursaut.
Monseigneur Pierre d’Ornellas
“La foi n’est pas ringarde mais porteuse d’avenir”
Archevêque de Rennes depuis 2007, ancien proche du cardinal Lustiger, Monseigneur Pierre d’Ornellas coordonne les trois autres évêchés bretons de Saint-Brieuc, Quimper et Vannes. Avec les évêques de deux derniers diocèses cités, il fait partie des trois “mousquetaires” récemment arrivés en Bretagne : des évêques qui affirment de manière claire leurs orientations.
La Bretagne est-elle encore catholique ?
La Bretagne a une mémoire catholique, une solidarité catholique. Mais elle cherche, en ce moment, sa source catholique. Aujourd’hui on ne sait plus très bien où trouver Dieu. Pour autant, il y a un vrai dynamisme de chrétiens et de jeunes chrétiens, parfois en recherche d’adultes (prêtres, éducateurs) qui sachent aujourd’hui témoigner de la foi dans la société actuelle. Je suis rassuré par les laïcs qui prennent le problème à bras-le-corps et font de belles choses, que ce soit dans l’éducation ou dans l’accompagnement de ceux qui peuplent les prisons de Rennes, par exemple.
Comment quarante ans ont pu effacer plusieurs siècles de pratique ?
Le monde rural a changé. On est passé d’une Bretagne presque exclusivement agricole et maritime à une Bretagne avec moins de 5% d’agriculteurs. Les nouvelles habitudes de vie ne sont plus organisées autour du clocher du village. La télévision, également, a éloigné les gens de l’Église. Les vocations de prêtres et de religieuses ont chuté de manière verticale. Mais chez les jeunes, on sent poindre le renouveau. Eux, ils n’ont connu que la société telle que nous la vivons aujourd’hui, et ils ont moins peur de s’engager. J’en rencontre de plus en plus dans ce cas.
Que reste-t-il du catholicisme social breton ?
Je m’inscris dans cet héritage-là. Cette solidarité catholique doit être repensée, de nos jours. Ainsi par exemple, l’Église doit plus s’impliquer dans le domaine de la santé en Bretagne. Je crois que c’est un nouvel enjeu pour demain. La solidarité pour les personnes âgées, mourantes, pour les handicapés… s’inscrit dans la continuité du message de l’Évangile.
Vous qui présidez le groupe de travail sur la bioéthique, au sein de la conférence des évêques de France, comment réagissez-vous aux derniers propos du pape ? Et plus globalement, à l’intrusion de l’Église dans les affaires privées ?
J’ai surtout été frappé de voir les réactions positives incroyables des autorités religieuses et civiles africaines. Le président de l’Angola s’est exprimé pour dire à quel point il trouvait juste les propos du pape. Au Cameroun, il existe le programme ABC. Le C, qui correspond à condom (préservatif), n’apparaît qu’en troisième position, alors que le A correspond à abstinence. En fait, les médias occidentaux ont traité cette affaire de manière “colonialiste”, comme s’il s’agissait d’eux selon les propos mêmes des Africains. Pour ce qui est de la légitimité de l’Église : il y a beaucoup de gens qui souffrent, que ce soit du Sida, de la stérilité, ou autre. Dès que quelqu’un souffre, l’Église essaye d’être là pour l’aider, pour l’accompagner. Et pourquoi l’Église ne parlerait-elle pas des questions intimes ? L’Évangile en parle. C’est beau, grand et noble, quand un homme et une femme s’aiment et s’unissent pour avoir un enfant. L’Église peut dire une parole là-dessus.
Avec les évêques de Quimper et de Vannes, vous êtes trois responsables ecclésiastiques à être arrivés récemment en Bretagne. Le clergé breton a-t-il besoin d’un nouveau souffle ?
Oui. On a une génération de prêtres vieillissante. En Ille-et-Vilaine, 200 prêtres sur 350 ont plus de 75 ans. Ce sont des prêtres admirables mais le monde a changé. La manière de vivre a changé. Ce qui se passe dans les rues de Rennes, le jeudi soir avec l’alcool, ce n’est pas beau à voir. Ces jeunes ont besoin de projets, avec des chrétiens et des prêtres qui viennent vers eux. J’ai toujours pensé que la foi n’était pas ringarde mais plutôt porteuse d’avenir pour la société. Je n’ai aucun complexe par rapport à la foi. La foi, c’est de dire qu’une espérance est possible. Je crois, dans la crise que nous vivons, que la foi peut permettre de faire des propositions sur une nouvelle manière d’organiser le travail, les finances, l’économie. Ma “ligne éditoriale”, c’est d’inviter tout le monde à changer de regard. Il ne s’agit pas d’organiser de manière nombriliste la vie de l’Église, mais d’aller rencontrer les gens en dehors qui veulent faire des choses. Il faut que nous soyons moins attentistes.
Comment concilier la forte identité régionale bretonne et l’universalité de la foi ?
La foi est toujours vécue à l’intérieur d’une culture, jamais de façon abstraite. Le danger d’une culture, c’est d’être identitaire et refermée sur elle-même. L’Évangile permet à cette culture de rester elle-même tout en étant ouverte aux autres. J’espère que la Bretagne est accueillante et ouverte à l’étranger, à l’immigré. J’accepte l’idée de chants bretons à condition qu’ils ne soient pas exclusifs. Ce n’est pas impossible qu’un certain renouveau de la foi puisse passer par une certaine réflexion sur “qui est-on ?”. Si la réponse passe par des chants en langue bretonne, pourquoi pas ? Il y a des calvaires partout en Bretagne. On trouve beaucoup de signes extérieurs d’un catholicisme étonnant. Les références chrétiennes viennent vite dans les discussions. Il y a moins de pudeur à parler de Dieu ou de la foi que dans d’autres régions. La culture chrétienne enracinée, familiale, fait que les gens arrivent à parler de cela, indépendamment de leurs convictions personnelles.
Je vois que, dans les propos de Monseigneur d’Ornellas, la Loire Atlantique est exclue. C’est inacceptable. Va-t-on, à Sainte-Anne d’Auray, effacer à coups de burin, les noms des soldats bretons de Loire-Inférieure ?
La connivence entre le haut clergé et le pouvoir en place, ou du moins ce qui est ressenti comme tel, fait énormément de mal à l’Eglise. Comme me le disait un ami: « Ils sont toujours du côté du manche ! Je ne vais plus les voir ».
Monseigneur d’Ornellas parle avec une grande légèreté de la culture et de la langue bretonne. Il reprend, en outre, la phraséologie des jacobins en nous resservant l’argument spécieux du « repli identitaire ». Ne voit-ils pas que la destruction de la langue bretonne et la destruction de l’identité bretonne (qui est atteinte aussi dans sa dimension territoriale) va dans le même sens que l’indifférenciation prônée par ces mêmes jacobins au travers de la « théorie du genre », par exemple.
Je précise que je ne suis pas bretonnant de naissance et que mon engagement pour la langue bretonne date de ma découverte de cette langue à l’âge adulte.
Cette découverte devait se produire un jour ou l’autre du fait de ma « boulimie » linguistique (je suis agrégé d’anglais, mais je lis et j’écris aussi l’allemand et le suédois sans parler de bien d’autres langues dans lesquelles je me « débrouille »). En tout cas, depuis cette découverte, la politique linguistique de la République français m’apparaît comme monstrueuse. C’est un crime contre l’humanité. Que ce crime puisse laisser insensibles les consciences censées être chrétiennes me scandalise, au sens fort du terme.
Dans tous les discours « humanistes » présents chez les athées comme dans certains discours religieux, on parle du respect de l’individu, du respect des peuples, du droit à la différence et j’en passe.
Mais, dans le même temps, il est dénié aux Bretons, par mépris ou méconnaissance, le droit de faire vivre dans un même creuset leur culture, leur langue, et leur foi. Athées et responsables religieux sont en contradiction avec leurs discours! On ne peut pourtant avoir deux discours, auquel cas cela peut être qualifié de « langue fourchue », telle que l’a le serpent!
Le respect se fonde sur l’enseignement même du Christ: l’amour.
Cet amour est inconditionnel, illimité, infini. Or, faire mourir, volontairement une culture, une langue, c’est faire mourir un peuple! Où est l’amour là dedans? Où est le respect là-dedans? Je n’y vois que les fumées de Satan!
Un peuple est comme un arbre: il y a les racines, le tronc, et les branches qui tendent vers le ciel! Je m’adresse donc aux responsables de l’Eglise! Regardez donc! Vous avez suivi le monde, en acceptant de couper les racines de cet arbre qu’est la Foi Chrétienne Bretonne, pensant que seul importait la compréhension intellectuelle du message du Christ! Vous vous en êtes remis à un seul langage intellectuel (en Français), en réduisant au silence le langage du Cœur, exprimé en Breton! Cela est valable partout en France, où la place des chants en langue dite « régionale » n’a quasiment plus de place! Le résultat est là! Les racines sont coupées. L’arbre de la foi est aujourd’hui moribond, comme le montre la fréquentation des églises! Qu’attendez-vous pour redresser la barre? C’est bien au prêtre, berger de son troupeau, de fixer un cap! Arrêtez d’être mous et fades, de peur de choquer! Car qui allez-vous choquer? Les Eglises sont si vides aujourd’hui! Réveillez_vous, réveillez-nous dans vos homélies pour que tous retrouvent avec joie les racines qui permettent de tendre vers l’avenir et vers le ciel!