Gouel an Anaon. Le 2 novembre, l’Église se tient dans une gravité habitée. Au lendemain de la Toussaint, où la communauté contemplait la joie de ceux que Dieu a déjà conduits jusqu’à lui, vient la commémoration de tous les fidèles défunts. Ce n’est ni une concession à la tristesse ni un rite de nostalgie : c’est l’acte simple et fort par lequel nous remettons nos morts à la miséricorde de Dieu. Nous croyons qu’aucune histoire ne s’éteint dans la nuit, que l’amour ne se décompose pas avec le temps, et que la vie reçue de Dieu cherche sa plénitude auprès de lui. Les lectures du jour nous le rappellent.
Prier pour les défunts, c’est consentir à la vérité de l’Évangile : nous sommes faits pour la communion. La mort ne rompt pas cette communion, elle la transforme. La prière de l’Église n’ajoute rien à l’œuvre du Christ ; elle s’y unit, humblement, pour demander que sa lumière se déploie jusqu’au bout des chemins obscurs, qu’elle dénoue ce qui, dans une existence, reste en attente d’être guéri. Il ne s’agit pas d’examiner les absents ni de mesurer leurs mérites, mais de déposer leurs noms dans la patience de Dieu, là où les blessures deviennent blessure ouverte sur la grâce.
Le jour de la Toussaint ou ce jour-là, beaucoup franchissent la porte d’un cimetière, parfois avec les mains vides, souvent avec un bouquet. Le geste est pauvre en regard du mystère immense, et c’est pour cela qu’il parle juste. On ne vient pas maîtriser l’inexplicable ; on vient reconnaître la trace de vies qui nous ont façonnés et que nous refusons d’abandonner au silence. En Bretagne, cette démarche prend la couleur de nos paysages : cimetières aux pierres de granit, lumière changeante aux accents salins…. Elle demeure pourtant la même partout. Face à une tombe, face à la mer qui garde « ceux dont la tombe est la mer », un murmure suffit : « Seigneur, achève en eux ton œuvre, garde-les dans ta paix. » L’espérance chrétienne ne force pas les portes ; elle veille, comme une lampe qu’on protège du vent.
Hier, nous évoquions le fait de cheminer derrière nos saints. Marcher à leur suite éclaire ce pas intérieur. De Efflam à Briec, de Malo à Corentin, de Françoise d’Amboise à Jenovefa, d’Edern à Envel, des visages se lèvent qui ne nous distraient pas des nôtres mais les accompagnent. Efflam enseigne la prière qui ouvre l’âme, Briec la charité attentive, Malo l’élan missionnaire, Corentin la fidélité qui dure, Françoise d’Amboise la force de s’en remettre à Dieu, Jenovefa la vigilance dans la cité, Edern et Envel la pauvreté lumineuse. Leur intercession, celle de la Vierge Marie et de tous ceux en qui – dans les cieux – nous nous remettons, ne remplace pas nos larmes, mais elle leur donne un horizon. En les invoquant, nous apprenons à confier sans retenir, à espérer sans forcer, à laisser Dieu faire son travail de lumière dans ceux que nous aimons. Krediñ a ramp e welimp madelezh an Aotrou e douar ar re vev.
La liturgie du 2 novembre nous éduque ainsi au réalisme de la foi. Elle nous rappelle que la mort est une traversée, non un mur, et que cette traversée se fait accompagnée. L’Eucharistie devient alors mémoire et promesse : mémoire de Celui qui a livré sa vie pour briser la puissance de la mort, promesse d’une table où la séparation n’a plus droit de cité. Recevoir ce Pain vivant, c’est laisser la vie divine irriguer nos deuils, non pour les effacer, mais pour qu’ils deviennent passage. Le sacrement du pardon, lui, apprend également à nos propres cœurs à lâcher prise, à ne pas retenir les absents par nos regrets, à croire que Dieu sait mieux que nous comment achever une histoire.
Il est bon, en ce jour, d’oser la simplicité : ouvrir l’Écriture, relire un souvenir, prononcer un prénom à voix basse, allumer une bougie sans autre discours. Dans une église de granit ou au seuil d’un appartement, la prière se tient avec la même justesse quand elle est vraie. On peut aussi confier à Dieu ce qui demeure lourd dans la séparation : des questions sans réponse, des paroles jamais dites ou des pardons différés. Le 2 novembre est un temps favorable pour déposer ces nœuds, non pour les oublier, mais pour que la miséricorde en prenne la charge.
Ceux qui restent apprennent alors une autre manière d’aimer. Nous n’aimons plus seulement par la présence, mais par la confiance ; plus par le face-à-face, mais par une remise à Dieu. Cette conversion n’a rien d’idéaliste car elle demande du temps, parfois long, et le Seigneur ne presse personne. Les saints que nous aimons invoquer – Efflam, Briec, Malo, Corentin, Françoise d’Amboise, Jenovefa, Edern, Envel et tant d’autres – en savent quelque chose : ils ont laissé l’Esprit Saint conduire leur vie à pas lents, comme la marée polit les pierres. Ils nous redisent que la sainteté est la forme durable de l’amour, et que cet amour-là ne perd pas ceux qu’il a aimés.
Ainsi, la commémoration des défunts n’est ni la face sombre de la Toussaint ni sa parenthèse mélancolique. Elle est son corollaire lumineux : si Dieu sanctifie, il achève ; s’il promet la vie, il la donne. Le 2 novembre, l’Église ne retient pas ses morts, elle les envoie en Dieu, et par ce geste même elle apprend à vivre. Que cette journée nous trouve dans une fidélité simple : un pas vers l’autel, un pas vers une tombe, un pas vers le silence intérieur. Là, entre mémoire et espérance, la grâce travaille. Et quand le soir tombe, il est bon de redire avec confiance : «Seigneur, tu es la vie de nos vivants et la lumière de nos morts. Conduis-nous, ensemble, jusqu’à toi.»
Conférence : dimanche 9 novembre, 15 h – Espace Glenmor, Carhaix.
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
D: Baradoz dudiuz!
Bro ar zent eo va bro.
A! Pegen evuruz
E vin-me bepréd eno.
1.O! Pegen glaharuz
Beva e stad a behed
Pegoulz, o va Jezuz,
E vezin ’ta divehiet?
2. Skuiz ha melkoniet
En draonienn-mañ a zaelou
Va Jezuz, me ho péd.
D’am digemer en neñvou.
3. En neñv, Salver Jezuz,
Na pebez evurusted !
An daelou hirvouduz,
Ar poaniou ’vo tremenet.
4. En neñv, Salver Jezuz
Gand ar Zent hag an Elez.
Me ’gano deoc’h eüruz,
Mil bennoz ha trugarez.
5. Peur-zehet va daelou,
Bezit, va ene, joaiuz!
Heb dale en neñvou,
Me a welo va Jezuz.
R: Paradis merveilleux,
Le pays des Saints est mon pays.
Quel bonheur,
Je connaîtrai à jamais là-bas.
1. Oh ! Quelle tristesse,
Vivre en état de péché!
Quand donc, ô mon Jésus,
Serai-je libéré?
2. Fatigué et triste
En cette vallée de larmes,
Mon Jésus, je Vous en prie,
Accueillez-moi au Ciel!
3. Au Ciel, Jésus, mon Sauveur,
Quel bonheur !
Les pleurs, les plaintes
Et les peines seront terminées.
4. Au Ciel, Jésus, mon Sauveur,
Avec les Saints et les Anges,
Je Vous chanterai mon bonheur
Et ma reconnaissance.
5. Voici mes larmes enfin séchées;
Mon âme, soyez dans la joie !
Sans tarder, au Ciel,
Je verrai mon Jésus!
Ar Gedour Actualité spirituelle et culturelle de Bretagne
