Eflamm Caouissin, quel est votre avis sur cette reconnaissance ?
Aujourd’hui comme hier, c’est vrai, les pardons n’existent que par la participation de chacun d’entre nous. Mais, et c’est là où le bât blesse, la nouvelle génération peine à prendre le relais. Doit-on envisager à terme la mort de ce qui entretient cette âme bretonne ?
La spécificité des pardons, qui infuse la société (ou du moins qui le faisait autrefois, et dont nous avons encore quelques fruits) c’est bien la dimension bretonne (spirituelle et culturelle). Cette dimension qui donne à ces événements le succès qu’ils méritent. Le Pardon de Kernascléden en est un exemple : la liturgie est respectée, il existe un équilibre entre les trois langues utilisées (français, latin et breton), les costumes bretons sont portés, les jeunes et les anciens s’impliquent dans un travail commun intergénérationnel. Le résultat est clair : chaque année, la participation des fidèles augmente. Mais prenez tous les pardons qui oublient cette dimension bretonne : ils coulent. Coupez les racines d’une plante, et vous verrez le résultat !
La reconnaissance des pardons est avant tout populaire, par la participation du peuple à ces festivités. Mais dès l’instant où le peuple, ignorant sa propre histoire, laisse de côté ses racines, y compris chrétiennes, comment espérer une reconnaissance ? Comment espérer que chacun puisse voir dans ces pardons un outil d’évangélisation mais aussi un outil de transformation pastorale… et sociétale face à l’individualisme ?
Outre l’utilité non négligeable d’un inventaire précis de l’ensemble des pardons, la reconnaissance à l’Inventaire National du Patrimoine Immatériel, qui prend en compte la dimension essentielle de la langue bretonne dans ce patrimoine, permet par exemple de rappeler à ceux qui abandonneraient la célébration des pardons (incluant aussi la dimension bretonne) qu’ils participent de facto à la destruction de ce patrimoine immatériel. Cette reconnaissance est donc aussi une responsabilisation des Bretons. L’Etat Français reconnait ce patrimoine. Comment imaginer alors que les Bretons puissent s’en désintéresser ?
L’inventaire met en évidence des points qui semble si naturels qu’ils en sont presque oubliés ou laissés de côtés, comme les rites, les fontaines, les feu de joie… A nous de nous saisir de ces rites pour en retrouver le sens et le partager, à une époque où ils peuvent sans aucun doute parler à l’homme, dans ce monde plat et inerte dont parle Bernard Rio.