« Fañch Morvannou ne faisait pas seulement comprendre ces cantiques, mais revivre la foi de ceux qui les chantent encore aujourd’hui de toute leur âme ».

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Nous vous avions informés sur Ar Gedour du décès de Fañch Morvannou le 6 mai 2019. Ar Gedour et Kan Iliz ont des références qui sont autant de jalons pour continuer l’oeuvre de tous ceux qui ont oeuvré pour Dieu et la Bretagne. Fañch en faisait partie, lui qui était proche de plusieurs de nos rédacteurs et qui avait aussi accompagné les Gedourion ar Mintin lors de leur première retraite à Langonnet dans les années 2000. Nous reprenons ici le billet du Père Hervé Queinnec, de la commission Commission Feiz ha Sevenadur sur le site du Diocèse de Quimper & Léon, qui remet bien en perspective tout le travail de Fañch evit Doue ha Breizh.

Né au Cloître-Pleyben le 20 novembre 1931, Fañch Morvannou a grandi à Collorec, dans cette paroisse très chrétienne des Montagnes Noires qui a donné plusieurs prêtres à notre diocèse de Quimper et où, dans les années 1930, on ne parlait que breton.

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Fañch Morvannou recevant le 12 octobre 2013 à l’évêché de Quimper les insignes de chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand

Le français, il l’avait appris à l’école paroissiale, mais dans la cour de récréation, au catéchisme, les cantiques et le prône à l’église, tout était en breton. Comme Fañch Morvannou avait eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, pour rétablir la vérité face à ceux qui prétendent que l’Église aurait abandonné ou favorisé l’abandon de la langue bretonne au profit du français, le clergé finistérien cherchera à maintenir le plus longtemps possible, au moins jusqu’à la fin des années cinquante, l’usage du breton.

Après ses études secondaires à l’École apostolique de Sarzeau, sorte de petit séminaire tenu par les Pères de Picpus, Fañch Morvannou devient instituteur public en Normandie. Il entreprend à Rouen des études de lettres qui sont couronnées par le CAPES de lettres classiques en 1965 et l’agrégation de grammaire en 1966.

Il est alors nommé professeur en lycée, mais dès l’année suivante, en 1967, un poste d’assistant lui est offert à l’Université de Rouen. Il y enseigne les lettres latines pendant trois ans, puis revient en Bretagne en 1970, comme maître-assistant de latin à la faculté de Lettres de Brest, et chargé de cours à la section de celtique.

Au bout de quelques années, après la soutenance en octobre 1980 d’une thèse de doctorat d’État en celtique (Aspects de la littérature bretonne vannetaise dans la première moitié du XIXe siècle), il abandonne l’enseignement du latin pour se consacrer à celui du breton et surtout à l’art si difficile de la traduction du français en breton. Son ancien élève puis successeur à la chaire de breton de la faculté de Brest, M. Ronan Calvez, publiera en 2011 chez Skol Vreizh une brassée de ses thèmes bretons : Fañch Morvannou, Traduire en breton. Treiñ e brezhoneg.

Fañch Morvannou est également connu pour avoir été l’un de ceux qui ont tenté au début des années 1970 – avec ses amis de l’association Ar falz – de trouver un compromis entre l’écriture dite unifiée ou peurunvan et l’écriture dite universitaire ou skolveurieg. Ce sera l’écriture dite inter-dialectale (etrerannyezhel), qu’il a utilisée en 1975 et 1979 dans sa célèbre méthode d’apprentissage du breton aux éditions Assimil : Le breton sans peine.

Directeur de la revue litéraire et culturelle Planedenn au début des années 1980, et du mensuel Pobl Vreizh de 1976 à 1982 (il militait à cette époque à l’UDB), il a également publié des articles dans les revues Armorica, Al Liamm, Hor Yezh, Ar Falz ou encore Brud Nevez, sur la littérature bretonne, sur certains de ses écrivains et sur la langue bretonne elle-même dans ses rapports avec l’histoire. Il avait traduit en breton l’Utopia de Thomas More (An Utopia, 1991) ; en français le roman Ar Roc’h Toull de Jakez Kerrien pour l’édition bilingue publiée aux éditions Armorica (2000) ; et écrit en 2001 une biographie du poète anarchiste breton Armand Robin : O Klask Armand Robin.

Croyant, il avait été très marqué par le Renouveau charismatique dans les années 1980, et plus tard, par sa participation au Tro Breiz ou pèlerinage aux sept saints fondateurs des évêchés de Bretagne. C’est pourquoi il mit sa connaissance de la langue bretonne au service de l’histoire religieuse de la Bretagne en publiant notamment : Saint Guénaël. Etudes et documents (CRBC, 1997) ; Michel Le Nobletz, avec Yves-Pascal Castel (Minihi Levenez, 2002) ; Franz Stock. La Bretagne, moments vécus. Breiz, pennadou-amzer tremenet enni, avec Marie-José Robert et Joël Goyat (Minihi Levenez, 2004) ; Marcel Callo (1921-1945), mort à Mauthausen (Brest, 2007, réédité en 2013).

livre Maunoir GFDe même, c’est grâce à Fañch Morvannou qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’ignorer quoi que ce soit du Bienheureux Julien Maunoir après la parution des deux tomes qu’il lui a consacrés  : Le bienheureux Julien Maunoir (1606-1683). Prêtre jésuite, prédicateur de missions paroissiales en Bretagne, tome 1 : 1606-1648 (en 2010), tome 2 : 1649-1683 (en 2012), où il étudie en détail (plus de 850 pages !) la belle figure missionnaire du « Tad mad ».
Il y a quelques jours, il relisait encore le manuscrit d’une nouvelle traduction par ses soins du Journal latin des missions du Père Maunoir, en vue d’une publication.

Fañch Morvannou s’intéressa aussi à l’histoire des cantiques bretons auxquels il consacra un très bel et intéressant ouvrage : Kanennoù ar feiz. Les chants de la foi (éditions du Layeur, 1998). En joignant un CD à ce livre, il ne faisait pas seulement comprendre ces cantiques, mais revivre la foi de ceux qui les chantent encore aujourd’hui de toute leur âme. On ne peut que regretter que des contraintes éditoriales ne lui aient pas permis de publier une suite.

Ce même souci de ne pas séparer l’histoire de la foi se retrouve dans les émissions qu’il a animées pendant de nombreuses années sur la radio diocésaine RCF-Rivages : « Skrivagnerien or bro » sur les écrivains bretons chaque semaine de 1992 à 2001, et une chronique quotidienne sur le saint du jour « Sant an deiz » de 1992 à 1998. Et plus tard, jusqu’en 2015, en alternance avec l’abbé Joseph Irien et l’abbé Claude Chapalain, l’émission « Pedenn an deiz », la prière du matin en breton.

Sa retraite de l’Université en 1998 lui avait permis de s’engager activement dans l’Église. D’abord dans sa paroisse Saint-Marc / Saint-François du Guelmeur à Brest, où il fut notamment « guide de funérailles », puis comme membre de la Commission interdiocésaine pour la publication du Missel en langue bretonne de 1999 à 2004, et comme coordinateur de la Commission diocésaine Yez ha Sevenadur / Langue et Culture bretonnes du diocèse de Quimper et Léon de 2005 à 2010.

Il a également travaillé comme expert en traduction pour le diocèse de Vannes. Tout cela sans oublier la dimension universelle de l’Église puisqu’il était allé enseigner le latin pendant quelques semaines en 2013 et 2014 au petit Séminaire Saint Joseph d’Efok à Obala (Cameroun).

Le pape François l’a nommé chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand en 2013 pour sa contribution à la défense de la langue bretonne.

En hommage au professeur Fañch Morvannou, RCF Finistère rediffusera à partir de lundi prochain 13 mai, à 19h30, une série de 3 émissions Skrivagnerien ar bro consacrées au Père Julien Maunoir, et le dimanche 19 mai à 8h30, une émission en français avec lui sur saint Yves de Tréguier.

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Un commentaire

  1. On peut ajouter que c’était un homme d’une rare gentillesse.

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