Saints bretons à découvrir

PAQUES : Je me souviens…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min
exultet

J’ai moins de 40 ans. En cette semaine sainte, je me souviens particulièrement de certains moments. Loin d’être un nostalgique d’un temps passé, je vois ce qui m’a apporté et ce que je ne vois plus.

Mes parents m’emmenaient aussi bien à la messe selon le rite tridentin qu’à la messe selon la forme dite ordinaire, en français, latin et breton. Parfois, j’avais droit à la messe totalement en français, avec l’école. Grâce à cela, j’ai donc pu bénéficier d’une certaine ouverture d’esprit sur différents points.

Mais avec le recul, voyons ce qui m’a marqué… Non des messes organisées avec la meilleure volonté du monde et une envie de faire participer les enfants (avec des chansons que même enfant je trouvais d’un goût…), mais les cérémonies où la liturgie menait vers un sens profond du sacré qui nous faisait toucher du doigt le mystère divin. Même enfant. Comme un feu d’artifice faisait briller mes yeux, je voyais dans cette liturgie une beauté certaine…

 

Bon, je ne vous cache pas que quand mon père nous demandait de nous préparer pour aller au chemin de croix, je ne sautais pas vraiment de joie. Je traînais parfois des pieds pour aller le dimanche à la messe. Mais pour la Semaine Sainte, c’était autre chose : ainsi, le Dimanche des Rameaux, ce ne fut pas rien que de voir, après la joie  de la procession, les statues désormais voilées de violet, signifiant déjà la tristesse de l’entrée dans la Semaine Sainte ;  puis le jeudi saint, voir la croix voilée de blanc, un lavement des pieds bien cadré accompagné de l’Ubi Caritas ou le dépouillement de l’autel après une procession à un reposoir entièrement fleuri ; enfin, arriver à la Veillée Pascale, qui durait certes trois plombes, mais qui avait une solennité extraordinaire, surtout pour le p’tit gars que j’étais : voir le feu nouveau dehors, avec les grains d’encens plantés dans la croix du cierge pascal et symbolisant les plaies, l’alpha et l’oméga tracés, l’entrée dans la pénombre avant d’écouter un Exultet vibrant, les lectures puis la litanie des saints (désormais virée) avant d’entonner le Gloria accompagné des cloches sonnant à toutes volées et du dévoilement des statues, nous faisant prendre conscience que Jésus est vraiment ressuscité. Sans vouloir mettre sur un piédestal un passé révolu (sauf par endroits), le faste puis le dénuement total nous faisaient comprendre l’importance du moment bien plus qu’un coloriage de Jésus sur son âne.

A tel point que quand je fus envoyé en pension à partir de ma 5ème, je me suis engagé de moi-même dans la chorale de l’école, prêt à chanter l’office des Ténèbres, le Crux fidelis, Ubi Caritas et toutes ces magnifiques pièces des Offices de la Semaine Sainte, avant de chanter à Pâques Alleluia Inour de Zoue ou Victimae Paschali laudes. Je voulais aider dans cette liturgie qui me parlait.

Prêt aussi à veiller avec d’autres auprès du reposoir pendant une bonne partie de la nuit, avant d’être relayé par mes camarades. Jésus Eucharistie était là, et nous, au lieu de dormir, nous restions avec lui (quitte à nous endormir sur les bancs, c’est vrai, mais les apôtres aussi avaient un peu sommeil à Gethsémani, non ?)

Je vous dis cela avec le recul, mais ce sont clairement les mots que je mets sur ce que je vivais et que j’aimerai transmettre. Quand je vois le nombre d’enfants complètement largués dans la liturgie, qui ne comprennent rien à ce qui se passe, je me dis que forcément, ça ne pouvait qu’être mieux avant, du moins sur ce sujet. Non ?

Pourquoi a-t-on perdu tout cela ? En voulant se rapprocher des hommes, on a laissé de côté une liturgie qui menait à Dieu, ou au moins faisait prendre conscience que la messe est bien plus qu’un rassemblement de chrétiens faisant mémoire de la Cène.

Pourtant, l’un et l’autre n’étaient pas incompatibles… et même avec la forme ordinaire, sans vouloir faire du « folklore liturgique » mais en respectant au maximum la PGMR (présentation générale du Missel Romain) et en tenant compte du mystère vécu et de la volonté de vivre les sacrements dignement, il est loisible de travailler à plus de sacré qui parlera alors beaucoup aux fidèles et aux enfants.

Combien d’adolescents aujourd’hui s’investissent dans les chorales paroissiales ? Il y en a, certes, mais dans les villes où se trouvent des manécanteries, Pueri cantores et autres ensembles qui travaillent en profondeur à accompagner la liturgie dans ce qu’elle a de plus sacré.

Combien d’enfants se mettent au service de l’autel pour participer vraiment à la liturgie et la vivre ?  Y sont-ils encouragés par leurs parents, leur entourage, leurs prêtres ou par les équipes paroissiales ?

N’ayons pas qu’un regard d’adulte sur ce que vivent les enfants et les ados, mais mettons-nous à leur place. Ne les prenons pas pour des demeurés. Ils savent, pour peu qu’on leur explique clairement les choses et qu’on se mette à leur écoute…

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

Articles du même auteur

[LORIENT] Pardon de Saint-Christophe le 5 mai 2024

Amzer-lenn / Temps de lecture : 1 minLe 5 mai, ne manquez pas le Pardon …

messe de la saint yves

Il y a 10 ans, une veillée d’anthologie à Saint Yves-des-Bretons

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 minLe samedi 26 avril 2014, il y a …

4 Commentaires

  1. Parfaitement d’accord! Les plus beaux souvenirs d’enfance sentent l’encens baignant les bannières… Si je rajoute que mon fils, dans l’enseignement catholique a appris cette année pour la célébration de Pâques « le pouvoir des fleurs » de Voulzy, je me dis qu’effectivement, il y a un gros travail à faire, et on aimerait que des Évêques déterminés prennent toute leur place dans l’enseignement catholique, afin que catéchèse et célébrations retrouvent leur sens, et sèment réellement pour des récoltes à venir… Parce qu’effectivement, les chansons niaises, voir carrément profanes et hors sujet, avec une catéchèse se limitant à des dessins, cela n’a jamais enrichi la foi de quiconque…

  2. Cher monsieur,
    Je comprends votre tristesse ou nostalgie. Venez donc passer l’an prochain votre Tridiuum Pascale à la Cathédrale de Saint Brieuc:
    Jeudi saint, après un un très bel office de la Cène (où nous avons chanté « Ubi Caritas ») et une procession du St Sacrement au reposoir (où nous avons chanté le « Pange Lingua » ) nous avons pu nous relayer toute la nuit auprès de Jésus hostie dans son tabernacle.
    Vendredi saint, après l’office des lectures (qui remplace l’office des ténèbres depuis Vatican II) célébré par Mgr Moutel, les enfants des écoles primaires et des collèges ont pu vivre le chemin de croix sur leur temps scolaire. (7 chemins de croix ont été organisés sur la paroisse)
    Lors de l’office de la croix, dans une belle sobriété, ont été chantés le « Christus factus est pro nobis obediens » ainsi que les plus beaux chorals de cette période, etc…
    Samedi matin, l’office des lectures était chanté, et le soir à la Veillée Pascale, vibraient l’Exultet, le Gloria, O Filii et Filiae, etc…
    Enfin, lors de la Grand-messe de Pâques, la séquence du Victimae Paschali laudes, ainsi que de majestueux Alleluia fêtaient la victoire du ressuscité.
    Au passage, la plupart de ces offices étaient présidés par notre évêque, Mgr Moutel (même les offices des lectures).
    Le tout est, à mon avis, de savoir intégrer à cette tradition liturgique et musicale quelques chants nouveaux (du renouveau charismatique, des pastorales jeunes) qui bien entendu respectent les textes de la liturgie, (Approchons nous de la table, Qui mange ma chair et J’ai vu l’eau vive de Berthier, Criez de joie, etc…) et une pédagogie pour permettre au 90% de l’assemblée d’aujourd’hui qui n’a plus cette mémoire (et ce n’est pas de sa faute!) de comprendre toute cette tradition, tous ces signes.
    Tout ceci, non pour vanter les mérites de notre paroisse, (bien que défendre de diocèse de Saint-Brieuc Tréguier, souvent attaqué dans ce domaine me plaît bien) mais pour vous donner espoir cher ami; tout ceci n’a pas disparu, et est très bien vécu par la plupart de nos évêques, et de nos assemblées.
    Joyeuses fêtes de Pâques.
    Qui donc?

  3. Merci pour cet article. En effet, la beauté de la liturgie n’est pas incompatible avec la participation de l’assemblée ou des enfants. Je suis moi aussi persuadé que proposer une liturgie digne permet de toucher le coeur des gens en profondeur.

  4. je viens d’avoir la grâce de célébrer mes premières Pâques à New York (paroise saints John and Paul,Larchmont) ;j’ai été émerveillé par la splendeur de la liturgie (romaine,sans ajout ,ni simplification). Né en 1939?j’ai vu sombrer une litrugie de bricolage qui a vidé les églises en moind de trente ans. Aujourdhui,je vois renaître l’Eglise Epouse sans rides ni tâche. Grâce à la fidélité des vrais chrétiens qui ont subi le « balayage » du Dragon de l’Apocalypse.
    Deo gratias

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *