Les chroniques publiées de Glenn Gouthe sont initialement publiées sur sa page Facebook et reprise avec son autorisation sur Ar Gedour.
Piv e oa, an hini a vez anvet « Er Roué Stevan » ? A venn e tae e ouiziegezhioù àr an dazont ? Ha bevet en deus evit gwir ? E fin an XIXvet kantved, rabezh an dud e bro Gwened / An Alre / Gregam o deus klevet komz a ziouganoù ur c’hlaskour-bara an XVIIIvet kantved hag a strewa d’ar re a faota dezhe klevet, profesioù a bep sort diàr-benn soursioù tost doc’h buhez ar beizanted pe darvoudoù n’hallont ket bout komprenet doc’htu memes. An abad Jean-Marie Guilloux a zastum hag a embann e 1891 er « Revue Morbihannaise » an diouganoù treuzkaset dre gomz betek neuze. Dre e statud, ret eo dezhañ diwall e-raok dibuniñ an testenioù : « Evit sentiñ doc’h dekredoù ar Sez-Santel diskleriet get ar pab Urbain VIII, diskleriiñ a ran roiñ d’ar fedoù ha d’an evezhiadennoù da heul, un dalvoudegezh privez ha denel hepken ». Gellet a ra bremañ skriviñ en un doare frank an diouganoù brudet.
Un nebeud anezhe a zo liammet a-dost doc’h soursioù an dud a vev àr ar maezoù : « Er blé man e zou blé er pis bihan, hadet ha hui e dolpou ». Reoù arall a zeskriva cheñchamantoù gizioù da zonet : « Botteu ler er merhied e saou bet creis gar ». Tem ar marv, soursi pouezus ma ‘h eus unan, a zo displeget get ar Roue Stevan : « El lâran doh, é rok pell e sehou plantenn vraùañ hou tachenn », èl-se a ziouganas marv merc’h ur peizant. Mes diouganoù ‘zo a ya dreist da soursioù hiniennel ha gweledigezhioù a-dost : « Donnet e zei un amzer ma vou guelet charabaneu é peb leh » pe c’hoazh « Er lanneu e vou closet, ha coët él chubelenneu en hai hadet ». Ha n’emaint ket ar peulioù tredan plantet hiniv er parkoù ?… Awen ar Bibl diàr-benn fin an amzerioù n’eo ket gwall bell naket : « Seih vlé qènt, en douar ne daulou meit er peh e dou receuet. » Reoù zo erfin a c’hell bout liammet doc’h an darvoudoù a-vremañ : « A pe dostei d’en achimant, en douar e vou poblet bras. »
A venn e tae kement a ouiziegezh getañ ? Hag unan kevrinek e oa ? Pe un istrogell ? Pe ur c’hlaskour-bara fin ? Ha ne oa ket ‘benn taol fin un enkorfadur ijinet ag aonoù hag hiraezhioù ur gevredigezh lann a vojennoù hag a gredennoù ?
Qui était-il, celui que l’on nomme « Er Roué Stevan » ? D’où tenait-il toutes ses informations sur l’avenir ? A-t-il seulement réellement existé ? A la fin du XIXè siècle, tout le monde dans le pays de Vannes / Auray / Grand-Champ a entendu parler des prophéties d’un mendiant ayant vécu au XVIIIè siècle, qui distille à qui veut bien l’entendre des prédictions sur des sujets divers, allant des préoccupations premières des paysans à des évènements au-delà d’une compréhension immédiate. L’abbé Jean-Marie Guilloux va collecter et publier en 1891 dans la Revue Morbihannaise les fameuses prédictions transmises oralement jusqu’alors. De par son statut, il se doit de prendre toutes précautions avant d’énumérer les témoignages : « Pour obéir aux décrets du Saint-Siège formulés par le pape Urbain VIII, je déclare donner aux faits et appréciations qui suivent qu’une valeur purement privée et humaine ». Ceci étant dit, il peut désormais librement retranscrire les fameuses prophéties.
Certaines d’entre elles sont directement liées aux préoccupations rurales : « Cette année sera favorable au petit pois, semez-en et votre récolte sera bonne ». D’autres décrivent des changements de coutumes à venir : « Les jeunes filles auront des souliers qui leur monteront à moitié jambes ». Le thème de la mort, préoccupation importante s’il en est, est également abordée par le Roué Stevan : « Je vous dirai qu’avant peu la plus belle plante de votre champ séchera », c’est ainsi qu’il prédit la mort de la fille d’un paysan. Mais certaines de ses prédictions vont bien au-delà des préoccupations individuelles et visions à courts termes : « Un temps viendra où les chars à bancs se verront en tous lieux » ou encore « les landes seront divisées par des clôtures : des arbres en forme de balai y seront semés ». Les poteaux électriques ne sont-ils pas aujourd’hui répandus à travers champs ?… L’inspiration biblique sur la fin des temps n’est jamais loin non plus : « sept ans auparavant, la terre ne rendra que ce qu’elle aura reçu. » Certaines, enfin, peuvent faire échos aux évènements d’aujourd’hui : « Quand les calamités seront proches, la terre sera grandement peuplée. »
D’où puisait-il toute cette connaissance ? Était-ce un mystique ? Ou un Illuminé ? Ou un mendiant au nez fin ? N’était-il pas finalement une incarnation imaginées des peurs et aspirations d’une société empreinte de légendes et de croyances ?