Le Jubilé de Miséricorde et le Tro Breiz

Amzer-lenn / Temps de lecture : 9 min

Bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde du Pape François, 

Misericordiae vultus, le visage de la miséricorde,  du 11 avril 2015

 

Lévitique, chapitre 25, verset 8 : « tu compteras sept semaines d’années, sept fois sept ans, c’est-à-dire le temps de sept semaines d’années, 49 ans. 9 Le septième mois, le dixième jour du mois tu feras retentir l’appel de la trompe ; le jour des Expiations vous sonnerez de la trompe dans tout le pays. 10 Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé : chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan. 11 Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire : vous ne sèmerez pas, vous ne moissonnerez pas les épis qui n’auront pas été mis en gerbe, vous ne vendangerez pas les ceps qui auront poussé librement. 12 Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez des produits des champs. 13 En cette année jubilaire vous rentrerez chacun dans votre patrimoine ».

La Vulgate latine de saint Jérôme a traduit « joboleus» ou « jubilaeus » qui signifie : cris de joie (jubiler) le mot hébreu « yobel », bélier, dont la corne est le « shofar » utilisée en guise de trompe pour annoncer l’année jubilaire que la Septante grecque place sous le signe de la libération et du pardon : « apheseôs sèmasia »

La bulle du pape est donc le shofar de Yom Kippour (fête du grand pardon en octobre) et de Roch Hachana (fête du nouvel an, en octobre également) !

Pas tout à fait, en réalité, la bulle est le sceau papal qui authentifie un document administratif important émanant du siège apostolique ; l’acte déclarant l’ouverture d’années saintes s’appellera : « bulles d’indiction » (et non « induction »).

La précédente émanait du saint Pape Jean-Paul II « Incarnationis mysterium » du 29 novembre 1998 en vue du Grand Jubilé de l’an 2000.

Le « jubilé extraordinaire de la miséricorde » auquel nous convoque le Pape François s’ouvrira le 8 décembre 2015, solennité de l’Immaculée-Conception : la Sainte Vierge a été, selon le dogme défini, « ex cathedra », par la constitution apostolique « ineffabilis Deus » du Pape Pie IX, le 8 décembre 1854, conçue sans péché, c’est-à-dire préservée même du péché originel ; « Marie a été pensée et voulue sainte et immaculée dans l’amour pour qu’elle devienne la mère du Rédempteur de l’homme ». (3)

Ce 8 décembre 2015 sera aussi le 50° anniversaire de la conclusion du concile œcuménique Vatican II qui a pris fin le 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI. « Que l’Esprit-Saint qui guide les pas des croyants pour coopérer à l’œuvre du salut apporté par le Christ, conduise et soutienne le peuple de Dieu pour l’aider à contempler le visage de la miséricorde ». (4 in fine)

Pour s’achever le 20 novembre 2016, en la solennité du Christ, Roi de l’univers, qui clôt l’année liturgique.

 

Le pape François fait référence au grand hallel juif (prière de louange à Dieu). Il s’agit du psaume 136 (135), « alleluia » et de la grande litanie d’action de grâce avec son refrain : « car éternel est son amour », répété 26 fois, chanté après le petit hallel, ( l’ensemble des six psaumes de 113 à 118) à l’occasion des trois grandes fêtes dites de pèlerinage : soukot (cabanes, en automne), shavouot (pentecôte à la fin du printemps) et pessah (pâques en début de printemps) ainsi qu’en hiver, à l’occasion de la fête de la hanoucca, qui n’est pas de pèlerinage, commémorant la restauration du culte juif dans le second temple de Jérusalem, après la victoire des Macchabées.

« Avant la passion, Jésus a prié avec ce psaume de la miséricorde. C’est ce que qu’atteste l’évangéliste Mathieu quand il dit qu’ « après avoir chanté les psaumes » (Mt 26, 30), Jésus et ses disciples sortirent en direction du Mont des Oliviers » (7)

Que nous dit aujourd’hui le pape François :

« Peut-être avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part la tentation d’exiger toujours et seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Eglise doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif. D’autre part, il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaitre. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance ». (10)

Si vous n’avez pas envie de liker avec tout ça !! ??

Le Pape, sans doute s’adresse-t-il directement aux trobreiziens et trobreiziennes qui sont sur les chemins de Bretagne, nous indique avec précision : « le pèlerinage est un signe particulier de l’année sainte, il est l’image du chemin que chacun parcourt le long de son existence. La vie est un pèlerinage et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré » (14, début)

Les solognots connaissent bien Saint Viâtre, jolie petite commune au nord de Salbris.

Pour nous, le but, c’est le retour à la maison après avoir parcouru les sept évêchés des sept fondateurs au VI° siècle : Corentin à Quimper, Pol Aurélien à Saint Pol de Léon, Tugdual à Tréguier, Brieuc et Malo dans chacune de leurs villes, Samson à Dol et Patern à Vannes. Nous y arriverons bientôt !

En quoi ce « jubilé extraordinaire de la miséricorde » va-t-il consister, concrètement ?

Tout d’abord, écouter, encore une fois – schemaa ! – « Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches ! (…) Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. (…) Que leur cri deviennent le nôtre et qu’ensemble nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme » (15)

Et une fois ce cri entendu et repris en chœur, il reste à se retrousser les manches !

« Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et les morts. » (15)

La tâche est d’importance, attelons nous y sans plus attendre ; nous n’y sommes pas encore, mais le Pape François nous invite à vivre plus intensément le carême 2016 « comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu ». (17) En méditant les écrits des prophètes Michée et Isaïe, en faisant monter en puissance l’initiative appelée « 24 heures pour le Seigneur », en remettant « au centre, le sacrement de réconciliation » (17) ; en accueillant les « missionnaires de la Miséricorde » (18)

A ce propos, et j’y suis sensible, le pape François affirme qu’il n’y a pas antinomie entre justice et miséricorde : ce sont «deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l’ordre juridique à travers lequel la loi s’applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû ». (20)

« La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire (…)

Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu ; il serait comme tous les hommes qui invoquent le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà de la justice avec la miséricorde et le pardon ? Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la rendre superflue, au contraire.» (21)

On se rappelle l’adage attribué à Cicéron : « summum jus, summa injuria »…

Le pape nous invite ensuite à réfléchir sur l’indulgence, celle « du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché ». (22)

« La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise. Elle est le lien avec le judaïsme et l’islam qui la considèrent comme un des attributs les plus significatifs de Dieu. Israël a d’abors reçu cette révélation qui demeure dans l’histoire comme le point de départ d’une richesse incommensurable à offrir à toute l’humanité. (…) L’islam, de son côté, attribue au Créateur les qualificatifs de Miséricordieux et Clément. On retrouve souvent ces invocations sur les lèvres des musulmans qui se sentent accompagnés et soutenus par la miséricorde dans leur faiblesse quotidienne. Eux aussi croient que nul ne peut limiter la miséricorde divine car ses portes sont toujours ouvertes

Que cette année jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions et les autres nobles traditions religieuses. Qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaitre et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination». (23)

Puisse ce vœu être exaucé !

Ses derniers mots sont pour Marie, « mère de miséricorde ». « La Mère du Crucifié ressuscité est entrée dans le sanctuaire de la miséricorde divine en participant intimement au mystère de son amour » (24)

« Au cours de ce jubilé, laissons nous surprendre par Dieu »

Eh bien, pourquoi pas ?

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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