Après avoir médité la Passion, en ces jours de Pâques regardons une partie de ce qu’enseigne le CEC sur la Résurrection de Notre Seigneur. Nous nous arrêterons à la première partie du CEC sur la Résurrection comme évènement historique et transcendant.
Nous remarquons immédiatement que le catéchisme en parle en peu de numéros, seulement 9 en tout ; cependant les affirmations du CEC sont remarquables par leur portée. Développons un peu.
La Résurrection comme évènement transcendant (CEC 647)
Nous commençons par la Résurrection comme évènement transcendant parce que le CEC en parle au seul numéro 647. Sans doute y aurait-il pas mal de considérations à ajouter, mais nous limiterons nos considérations à quelques points :
- En premier lieu, le fait de la Résurrection n’a eu aucun témoin, « et aucun évangéliste ne le décrit ». « Le passage à une autre vie » n’est aucunement perceptible aux sens, quand bien même ce passage est l’essence la plus intime de la Résurrection nous dit le CEC.
- Il s’agit encore d’un évènement transcendant parce que « l’état » du Ressuscité est désormais le même : Jésus est et sera toujours « le Ressuscité ».
- L’évènement lui-même de la Résurrection reste comme quelque chose de toujours contemporain, un évènement qui ne passe pas non seulement parce que Jésus est désormais dans son « état définitif », mais aussi parce qu’il s’agit d’un évènement que nous ne pouvons pas uniquement remiser dans le passé.
Nous pourrions certainement développer cette transcendance de l’évènement, ce que le CEC fait d’une certaine façon au travers 2 numéros consacrés l’état de l’humanité ressuscitée du Christ. Mais il nous faut nous arrêter davantage à présent sur le fait historique de la Résurrection. Inévitablement, il pourra être question ici ou là de la transcendance de la Résurrection, car il est impossible de dissocier totalement les deux aspects.
La Résurrection comme évènement historique (CEC 639-644).
Le numéro 643 affirme : « Devant ces témoignages [des Apôtres et des premiers chrétiens] il est impossible d’interpréter la Résurrection du Christ en-dehors de l’ordre physique, et de ne pas la reconnaître comme un fait historique. » On pourrait citer des numéros entiers, mais cette phrase en dit déjà très long. Elle positionne clairement l’Eglise en face de remises en cause venues de personnes athées (y compris bretonnes), mais aussi de certains exégètes, y compris catholiques.
Brève exposition de la question
Il a été prétendu que seule la Foi nous permettrait de croire à la Résurrection, le seul point de contact avec la réalité de ce monde étant constitué par la découverte du tombeau vide, la Foi prenant ensuite le relai. Si le tombeau vide est à l’évidence un point incontournable, la Foi de l’Eglise telle que nous l’expose le CEC s’appuie essentiellement sur les témoins. S’arrêter au tombeau vide ne peut donc rendre compte de la Foi de l’Eglise, et même ouvrir sur une fausse interprétation, comme nous le constaterons plus loin. En fait, cette position ne rend pas justice à l’histoire, n’expose pas la Foi de l’Eglise si ce n’est même qu’elle la fait dévier. Or, cette position est assez partagée, à divers degrés et pour différents motifs.
A l’opposé, il faut affirmer sans tarder qu’évidemment il ne saurait être question de demander à l’histoire, à la science historique, de nous prouver la Résurrection.
Pour autant, des spécialistes vont comme tenter de « cerner » autant que faire se peut les faits accessibles à la connaissance humaine. De là, nous verrons quelles influences elles peuvent avoir sur notre Foi en la Résurrection de Jésus.
Notre démarche
Il est impossible de reprendre une analyse totale et complète de la question. Nous nous attacherons à suivre le livre de monsieur Jacques Perret (1906-1992), philologue, professeur à la Sorbonne : Ressuscité ? : Approche historique, FAC éditions, 1984. (à ne pas confondre avec son homonyme écrivain, qui est mort la même année mais est né en 1901). Nous nous appuierons également de façon plus occasionnelle sur le livre du célèbre journaliste Vittorio Messori : Ils disent « Il est ressuscité » Enquête sur le tombeau vide, François Xavier de Guibert, 2004. Aucune de ces deux personnes n’est exégète, mais ils présentent tout de même des compétences reconnues, surtout monsieur Perret, dont la spécialité fut la littérature antique.
Le livre reste de taille modeste et la pensée bien accessible. Nous allons tâcher de suivre la pensée de l’auteur tout en étant obligé de simplifier.
Dans cet article, nous nous limiterons à la première partie du livre de monsieur Perret, démarche que nous poursuivrons dans un autre article avant d’achever dans un dernier article des considérations sur les incidences au niveau de la Foi.
Avant-propos
Avant tout, il est indispensable de souligner le caractère de fiabilité générale des Evangiles. Nous rappelons seulement quelques points fondamentaux :
- les découvertes archéologiques concordent dans leur ensemble à ce que nous pouvons savoir de la Palestine au 1er siècle de notre ère.
- la critique textuelle apporte des garanties irréfutables : en comparant les Evangiles avec la guerre des Gaules, ou d’autres textes de l’antiquité, la balance penche plus que largement en faveur des textes évangéliques. Or, personne ne remet en cause l’authenticité de la guerre des Gaules. Attardons-nous sur les deux critères de la critique textuelle :
- le 1er critère retient l’écart de temps entre la date supposée de composition du texte, et le plus ancien fragment trouvé. Pour la guerre des Gaules, la copie la plus ancienne du texte est datée autour de l’an 900, ce qui donne un écart d’environ 950 ans. Pour le Nouveau Testament, il existe des papyrus datés du 3ème siècle contenant la majeure partie du NT, soit donc un écart maximal de 250 ans environ.
- le second critère retient le nombre de copies : alors que pour la guerre des Gaules il ne nous reste plus qu’une petite dizaine de copies (ainsi que pour d’autres écrits antiques), le nombre de copies largement concordantes est de l’ordre de plus de 5 000 manuscrits en grec, 10 000 en latin, sans compter les autres langues (plus de 9 000) et les citations plus ou moins éparpillées chez les écrivains anciens, qui doivent approcher les 36 000.
Les Evangiles et tout le Nouveau Testament avec eux comptent donc parmi les écrits les mieux attestés de cette période. Rien que ces données nous permettent déjà d’avoir « les coudées franches ». Peut-on aller plus loin ? C’est que monsieur Perret et d’autres, tentent de faire, pour répondre à des critiques venues du monde de l’exégèse selon lesquelles les récits évangéliques ne s’appuieraient pas sur des faits, seraient des écrits théologiques ou tout au moins auraient été assez largement remaniés. Auparavant, détaillons un peu l’histoire de la formation des textes du Nouveau Testament, en particulier les Evangiles.
La formation du Nouveau Testament
Il faut en effet avoir présent à l’esprit que l’Evangile a d’abord été prêché, puis mis par écrit. Il y a eu d’abord une tradition (orale surtout donc), ou des traditions, avant la mise par écrit. En 1 Co 15, 3, nous avons le témoignage de st Paul lui-même, à savoir que le contenu de la Foi chrétienne, et le kérygme en tout premier lieu, est d’abord transmis, manifestement oralement.
La formation des Evangiles se caractérise comme un processus vivant, non figé, où si les Evangiles tels que nous les connaissons à présent arrivent plutôt « en fin de parcours », en réalité les traditions et les écrits peuvent être au moins concomitant au moins en partie. S’il est bien clair que les Evangiles n’ont manifestement pas été écrits dès le jour de Pentecôte, il me semble important d’éviter une systématisation qui conduirait inévitablement à des simplismes. La tradition n’est pas obligatoirement qu’orale, il y a peut-être des mises par écrit assez tôt. Et le caractère oral n’est pas achevé avec les écrits.
Par ailleurs, si nous ne connaissons pas tout de façon exacte, il est reconnu unanimement que la première lettre de st Paul aux Corinthiens à été rédigée vers 56 par st Paul lui-même, soit donc 25/26 ans après la mort et la Résurrection de Notre Seigneur. Ce qui en fait un écrit proche des évènements, le caractère de proximité s’accentuant encore par le fait qu’avant d’écrire, st Paul a d’abord été enseigné (cf. 1 Co 15, 3 notamment), enseignement reçu sans nul doute déjà bien des années auparavant (Jacques Perret pense pouvoir dater la conversion de st Paul vers l’an 37).
Précisons encore que notre auteur retient que la datation qui fixe le début d’une prédication chrétienne, moins de deux mois après la mort de Jésus, ne peut guère être fictive (p. 26).
Le caractère un peu fastidieux de la démarche n’échappe à personne ; je le réduis en simplifiant mais il nous faut en passer par là si nous voulons asseoir nos convictions. A présent, pénétrons dans la démarche historique, avec la première étape.
Une étude méthodique
Jacques Perret expose sa méthode en la qualifiant de « régressive ». Il s’agit pour lui d’opérer une remontée de ce que nous pouvons savoir de sûr aujourd’hui à ce qui a du se passer ; de vérifier en somme si les textes évangéliques redonnent bien ce qui a été vécu, de remonter « des textes aux expériences initiales » selon les termes de sa première partie. A cet effet, l’auteur propose donc à son lecteur de vérifier les étapes de la transition en deux sous-parties : d’abord du Nouveau Testament aux attestations les plus anciennes, puis des attestations les plus anciennes aux expériences des premiers jours. Dans une deuxième partie, posera la question de savoir si tout cela ne serait pas sous tendu par un évènement originel ? Il argumentera en historien.
Du Nouveau Testament aux attestations plus anciennes
Monsieur Perret veut ici répondre à la question de savoir si les affirmations relatives à la Résurrection du Nouveau Testament (surtout celles des Evangiles) ont été plus ou moins retouchées, ou bien s’il s’agit d’un écho assez direct de ce qui a dû être dit et proclamé dans les premiers temps. Nous avons vu que les Evangiles sont fiables, cela limite le champ de la fabulation édifiante (p. 26) mais on désirerait savoir en quelque sorte jusqu’où va cette fiabilité, notamment par une analyse des textes. L’auteur précise vouloir faire apparaître la connexion particulièrement étroite entre l’affirmation de la résurrection et les récits d’apparition (p. 26).
L’auteur examine successivement les trois points qui ressortent des pages évangéliques et du nouveau Testament :
- Les récits du tombeau vide
- L’affirmation de la résurrection
- Les récits d’apparition
La question pourrait se formuler ainsi : tous ces textes sont-ils fidèles à ce qu’on peut savoir des expériences qu’ils sont censés relater ? En d’autres termes, n’y aurait-il pas eu des déviations, des rajouts, ….par rapport non pas à l’évènement de la Résurrection (point qui sera le suivant), mais par rapport à ce qui été dit et cru au sujet de la Résurrection ? Ou bien encore, ne serait-on pas en présence de textes plus ou moins intentionnellement remaniés par rapport aux premiers témoignages ? Une relecture des évènements en fonction de critères apparus ultérieurement par la suite ? Ici, précisons que par « premiers témoignages », nous entendons ceux qui ont eu lieu dès les débuts de l’Eglise, donc la Pentecôte.
Le tombeau vide
Commençons par les témoignages sur le tombeau vide, même si Jacques Perret l’expose en dernier des trois points. Supposer, uniquement même pour l’hypothèse, une déviance par rapport aux annonces ; supposer une déviance par rapport aux faits (même si ce point sera examiné après la question des textes) est tout simplement impossible. Monsieur Perret cite le théologien luthérien Wolfhart Pannenberg : «Le kérygme de la Résurrection n’aurait pas pu tenir un jour ni une heure à Jérusalem, si le vide du tombeau n’avait pas été un fait bien assuré pour tous les intéressés ». L’argument est imparable, aussi nous ne reviendrons plus sur cette question, même dans l’article suivant, tout au plus pour le rappeler.
L’affirmation de la Résurrection
L’affirmation, ou plutôt les affirmations de la Résurrection de Jésus qui jalonnent l’ensemble du Nouveau Testament seraient-elles en fait la conclusion de développements théologiques relatifs au mystère du Christ ? Saint Paul notamment expose le mystère du Christ en de superbes pages, de longueur inégale (nous pouvons citer en autres : Rm 6, Eph 1, Col 1, 1 Co 15, 1 Tm 3, 16, et bien d’autres encore). Selon monsieur Perret, ces passages auraient été analysés comme des raisonnements intellectuels dont le but serait de démontrer que Jésus est le Sauveur universel. Dans ce cadre, la Résurrection serait sans doute l’argument le plus aiguisé. Saint Paul et les autres auteurs du Nouveau Testament auraient donc, selon cette thèse, élaboré une doctrine du salut au terme de laquelle la Résurrection emporterait immanquablement l’assentiment du lecteur. La Résurrection ne serait alors qu’un argument intellectuel, ce qui n’en fait pas un fait avéré.
Monsieur Perret n’a pas vraiment de difficulté à prouver qu’en fait c’est le contraire, c’est bien l’affirmation de la Résurrection comme d’un évènement qui va entraîner de profonds approfondissements (d’une richesse énorme d’ailleurs, il faut le souligner), sur le salut opéré par Jésus, et plus largement sur le mystère du Christ. Comment en être sûr ? Jacques Perret invoque les premiers discours de st Pierre (Ac 2, 14-36 ; Ac 3, 11-26, …) qui présentent la Résurrection essentiellement d’abord comme un évènement, et non pas un exposé théologique. Il s’agit d’un fait, non d’un raisonnement.
Pour mieux s’en convaincre, monsieur Perret argumente en deux points : tout d’abord, entre les discours de saint Pierre dans les Actes et l’exposition du mystère du Christ chez saint Paul ou d’autres, la différence « de genre littéraire » saute aux yeux. Ensuite, monsieur Perret prend bien soin de préciser que le caractère ancien de ce discours de St Pierre est pratiquement irréfutable. Il s’agit de là de composition anciennes, antérieures sans doute aux lettres. Même si St Luc (l’auteur des Actes) a pu écrire l’ensemble son œuvre après certaines lettres des Apôtres.
Je m’excuse des méandres cognitifs que ce genre « d’enquête » engendrent, les questions sont un peu complexes. J’espère que la lecture n’est pas trop alourdie. Mais poursuivons.
Les récits d’apparitions
Il s’agit ici d’interroger les récits d’apparition de Jésus ressuscité comme nous avons interrogé les affirmations de la Résurrection : sont-ils ou pas anciens, donc censés être proches des annonces de la Résurrection ?
Pareillement, notre auteur conclue comme précédemment. Ces récits semblent bien aussi quasiment aussi anciens que l’affirmation elle-même. Qu’est-ce qui peut amener à conclure ainsi ? Tout d’abord une remarque de bon sens : l’annonce de la Résurrection va quasiment de pair avec les récits de la Résurrection « …qui, sur l’heure, pouvaient seuls lui donner un peu de plausibilité » (p. 29).
Ensuite, nous avons signalé plus haut qu’en 1 Co 15, 3 (écrite vers 56) saint Paul affirme «transmettre « ce qu’il a lui-même reçu » précisément au sujet de la Résurrection (et ceci peut s’appliquer plus largement sans doute). Avec sa conversion, St Paul sait que Jésus est ressuscité, il veut donc parler des compléments qu’il a reçus au sujet de la Résurrection et dont il en écrit certains aux versets subséquents. Plus ou moins directement, plus ou moins développés, il s’agit bien de récits des apparitions. Nous savons de façon certaine que st Paul évangélisa Corinthe vers 50/52 nous sommes si proches des évènements qu’on ne pouvait pas, à vingt ans de distance, raconter en telle matière n’importe quoi. (p. 29).
Jacques Perret avance encore l’argument que st Paul mentionne Pierre, Jacques et Jean, et les douze et que les apparitions semblent bien les avoir concernés ensemble. Il en retient donc un indice que les récits de ce genre ont dû commencer à circuler dès les premières semaines consécutives à la mort de Jésus ; en effet, il s’agit là d’un indice de continuité : les douze avant la mort, après la mort et au moment où st Paul écrit. Tout ceci pouvait parfaitement se vérifier à cette période.
Un point qui fait difficulté
Monsieur Perret aborde alors une difficulté très répandue, surtout parmi les exégètes : l’impossibilité (ou quasi) de faire concorder entre eux les différents récits d’apparitions évangéliques. A vouloir bloquer le tout dans une chronologie unitaire, voire dans un ordre vraisemblable, il est impossible de ne pas aboutir à des contradictions. (p. 29) A coup sûr, cette difficulté ne peut se réduire à une simple querelle de mots, et nous devons nous y arrêter, car elle entraîne avec elle beaucoup d’autres questions. Essayons d’y voir plus clair, même si je ne pourrai m’arrêter à toutes les objections, seulement les plus « consistantes ».
En tout premier lieu, votre serviteur se permet de souligner que l’incohérence pour être réelle, n’en est pas moins assez relative : les récits évangéliques parlent de la même date, du tombeau vide et de diverses apparitions de Jésus ressuscité à différentes personnes. Et précisément, ce sont plutôt ces apparitions qui font ressortir une certaine incohérence. Cependant même là-dessus, les récits finissent tous par une ou plusieurs apparitions aux Apôtres, ces derniers garantissant finalement la réalité de la Résurrection. Ceci posé, regardons de plus près.
Il y a d’abord la question de l’authenticité : en somme, plusieurs versions différentes, voire divergentes, des apparitions du Ressuscité, mettent en doute la réalité de ces apparitions, donc de l’évènement. Cette question, pour sérieuse qu’elle soit, n’est toutefois pas celle qui se pose ici, nous la retrouverons dans la partie suivante. La question ici interroge les textes : n’aurions-nous pas affaire à des reconstructions ultérieures, et donc plus ou moins éloignées des annonces premières ? On n’impute pas forcément des visées coupables, mais tout simplement le désir de convaincre en arrangeant des récits, des annonces.
Notre auteur avance plusieurs arguments : dans le cadre de l’interrogation qui nous préoccupe et rappelée juste ci-dessus, la différence de récits ne contredit pas de soi l’ancienneté. Il y verrait même plutôt un indice d’authenticité : à plusieurs années de distance, si l’on avait voulu présenter des récits plus ou moins retouchés de la Résurrection, on aurait alors pu les « lisser » pour qu’au moins ils renvoient l’image d’une cohérence d’ensemble. Vu sous cet angle, l’incohérence des récits démontrerait plutôt une retransmission assez fidèle, et donc probablement des récits anciens. Notre spécialiste pousse plus loin l’argumentation : à tant faire qu’ajouter des récits d’apparitions, alors autant les faire cohérents, organisés, limpides.
A l’opposé, monsieur Perret relève plutôt dans le caractère chaotique, lacunaire des narrations que la tradition ecclésiale a recueilli d’abord un certain nombre de récits autonomes. (p. 29). Jacques Perret est tout à fait conscient que les auteurs ont aussi composé leur texte en triant les témoignages, récits ou traditions en fonction de leurs buts (à titre d’exemple, et pour autant que l’on puisse le comprendre, st Matthieu écrit pour des chrétiens issus du judaïsme). Mais en tout cela, il ne s’ensuit pas qu’ils arrangeraient de telle façon qu’ils déformeraient ; au contraire, ce qui s’impose à eux en premier lieu sont les faits, les évènements. N’inversons pas les perspectives ! « … ce sont les faits, les évènements qui leur ont paru importants et qui sont les matériaux primitifs de leur édifice. » (p 30) « Chaque élément de la tradition est à retenir et à apprécier sans préjugé ; de toute façon il est ancien, nous l’avons vu, proche de l’évènement, authentifié par l’usage qui en est fait dans des communautés où vivent encore des contemporains des faits racontés ; ils appartiennent à un ensemble qui mérite nos égards. » (P 31-32).
Il existe d’autres arguments contre une reconstruction « partisane » : le fait de ne pas passer sous silence que les apparitions n’ont pas convaincu tout le monde (certains eurent des doutes en Mt 28, 17), la lenteur voire le refus de croire des Apôtres (alors que ceux-ci peuvent être encore vivants ou bien leur mémoire est en grande vénération) ; l’espèce d’évanescence des récits, alors qu’il eut été plus facile de broder en terme réaliste sur un canevas analogue au sommaire que nous lisons en Ac 1, 3 ou 10, 40-42. (p. 33). Enfin, s’il est vrai que la glorification du Christ ressuscité est souvent comme le contrepoids de son humiliation, alors on aurait bâti des récits de Résurrection à l’exemple des théophanies imposantes (Transfiguration, ou celles de l’Ancien Testament).
Conclusion provisoire
A l’aune de tout cela, monsieur Jacques Perret conclue : Il semble donc que sur trois points :
– affirmation que Jésus avait ressuscité
– affirmation que Jésus avait apparu
– et vraisemblablement affirmation qu’au matin de Pâques le corps de Jésus n’était plus dans le tombeau ;
Les récits évangéliques reproduisent substantiellement ce qui se disait parmi les disciples dans les semaines qui suivirent la mort de Jésus.
Nous sommes arrivés au terme du premier point de l’enquête. Le prochain article voudra vérifier si les attestations les plus anciennes reproduisent fidèlement les expériences des premiers jours.