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L’interdiction des rassemblements cultuels est-elle une atteinte à la liberté religieuse ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

L’épidémie de coronavirus a provoqué l’interdiction de messes publiques sur un temps donné (et qui risque d’être prorogé). Si on peut justifier la nécessité de lutter contre la propagation en prenant des précautions sanitaires, y compris en évitant tout rassemblement cultuel, il s’avère que cette interdiction porte cependant directement atteinte (momentanément) à la liberté religieuse, une liberté fondamentale qui concerne la totalité des cultes.

En effet, la loi de 1905 explicite dans son article 1 que la République française « assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». Cette loi française concernant la séparation des Églises et de l’État prolonge l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre la liberté d’opinion, même religieuse.

Article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

Alors quelles sont les restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public ? Il faut chercher… et rien dans le droit français – sauf erreur de notre part – qui ne concerne directement notre propos, évoquant la possibilité de restreindre pour raison d’épidémie l’exercice du culte. Cependant, l’interprétation de la notion d’ordre public couvre également les questions de santé et salubrité publique … CQFD

La Convention européenne des droits de l’homme prévoit ainsi dans son article 9 que « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui« . Nous renvoyons également aux conditions évoquées mercredi par Yves Daniel dans un article concernant les rassemblements collectifs, notion justifiant les interdictions de messes publiques dans certains diocèses. Choix bien rapides des autorités religieuses pour s’aligner systématiquement sur un arrêté préfectoral juridiquement discutable, dicté davantage par le souci de remplir le principe de précaution que de répondre à un besoin de prophylaxie.

Pour répondre à cette possible atteinte à la liberté religieuse, demandons-nous -dans le cas catholique mais la question se pose aussi pour les autres cultes – si les autorités religieuses concernées ont été contraintes d’émettre une directive de suppression des cultes ? A l’affirmative, l’atteinte à la liberté religieuse se pose, même si l’art 9 CEDH évoqué ci-dessus est une issue de secours possible. Cependant, cette issue met en exergue un traitement deux poids deux mesures : dans ces conditions, est-il logique que toutes les grandes surfaces restent ouvertes, lieu confiné où chacun touche et retouche ses fruits, légumes et autres articles ?

Le devoir de nos pasteurs va être de célébrer pro populo… sans peuple. Après l’histoire de la communion dans la main ou sur la langue, la question du jour va être : vont-ils tous choisir de célébrer ad orientem, vu qu’il n’y a plus personne en face ?

En conclusion, si l’autorité temporelle est dans son droit dès l’instant où elle considère qu’il y a un véritable danger public, les chrétiens sont quant eux dans leur droit en demandant de pouvoir exercer leur liberté de culte, particulièrement en cette période, qui plus est s’ils croient réellement que le Christ est présent durant la Sainte Messe. Tout en se rappelant que si la liberté religieuse est un droit, le sacrement est un don de Dieu et non un droit, comme l’a rappelé l’évêque de Vannes dans une vidéo. Tout en se rappelant aussi qu’il y a la nécessité et le devoir de protéger les plus fragiles, quitte à prendre des mesures drastiques dans ce cas de force majeure ; et, comme cela a été dit dans une publication précédente, on imagine bien que si certains critiquent nos évêques en pensant qu’ils sont à la remorque de l’Etat, d’autres ne se gêneraient pas pour dégommer encore une fois l’Eglise si elle ne faisait rien, en lui reprochant d’avoir été négligente.

En attendant, dans nos paroisses impactées, le devoir de nos pasteurs va être de célébrer pro populo… sans peuple. Après l’histoire de la communion dans la main ou sur la langue, la question du jour va être : vont-ils tous choisir de célébrer ad orientem, vu qu’il n’y a plus personne en face ?

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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6 Commentaires

  1. balaninu/PontAven

    Si nous ne pouvons pas aller à la Messe, pourquoi les mosquées et autres temples ne sont pas fermés ? Si les grandes surfaces sont ouvertes où comme vous l’expliquez très bien le peuple touche et retouche tout les fruits, légumes et autres boîtes de conserves, de bouteilles d’huile etc etc …..
    Je dis : NON ! Nous devons résister à tout prix ! La communion dans la bouche est certainement moins « contagieux » que la communion dans la main de toute façon ; si nous devons voir nos Eglises fermées et pas les autres, il y a donc deux poids deux mesures comme d’habitude, et ce sont les chrétiens qui en subissent les dommages… et nous sommes tellement obtus que nous ne comprenons même pas ce genre de manipulation. Beurk !

    Il y a encore quelque temps, les chrétiens justement se réunissaient dans les églises pour prier implorer le DIEU de clémence et sa Très Sainte Mère ainsi que certains Saints qui ont quelque crédit au pied du Trône de DIEU et sans parler des processions faites justement pour attirer sur le pauvre peuple de France la clémence du Ciel ! et combien de fois la Très Sainte Vierge est apparue pour stopper quelques épidémies comme la peste…..(Valencienne par exemple) mais nous avons rejeté DIEU de la France, et le Menteur est bien heureux de trouver quelques prélats pour lui donner raison…. Que Dieu nous pardonne encore une fois, même si les péchés surabondent dans notre pauvre pays.

    • LB : Mais les mosquées et autres temples sont fermés, bien sûr dans ce cadre là.
      Selon moi, le problème est à poser en termes d’exemplarité et non en terme de liberté religieuse. C’est à proprement parler un contre témoignage de ne pas protéger la population localement, mais plus encore la propagation aux pays emergents… c’est notre responsabilité individuelle et collective que de ne pas contaminer les personnes âgées qui ne manqueraient pas de venir à à la messe…Si on interdit les réunions politiques (également inscrites dans les droits du citoyen) il est logique d’interdire la messe, les cultes, les rencontres dans les mosquées . Quand aux magasins fermés, je vois mal toute une population arrêter de manger alors que la communion spirituelle est le fait de bien nombreux pays totalitaires ou privés de prêtres. Et la messe télévisée ou la méditation des textes demeure toujours possible. Ce qui m’inquiète (et pourtant je pense avoir une foi et une pratique qui pourraient justifier un questionnement comme le vôtre) est que si le texte ci dessus était le fait d’un musulman, on crierait unanimement à la provocation intégriste… Alors Ar Gédour ? Un peu déçue, je l’avoue !

      • Chère Laetitia, vous parlez de mon article ou du commentaire d’un de nos lecteurs au-dessus du vôtre ?
        Cet article, qui n’est pas une provocation mais une tentative de réponse à des questionnements vus et entendus ces jours-ci, met en exergue une dimension constitutionnelle (qui concerne tous les croyants et pas uniquement les cathos), et c’est le sens du questionnement. Mais il n’enlève en rien la responsabilité individuelle ou l’exemplarité, comme vous pouvez le lire.

        Je vous renvoie aussi à mon texte Dieu, nos églises, nos saints et le coronamachin.

    • @Balaninu/Pontaven : les mosquées et les temples ont aussi été visées par l’interdiction. Il a été question de gérer la situation dans l’urgence, mais il ne faut pas voir de christianophobie. Il y en a assez ailleurs pour en voir là où il n’y en a pas.

      • balaninu/PontAven

        Merci de ce renseignement que j’ignorai, n’ayant pas de télé ni radio, je ne fais que m’instruire sur différents sites catholiques ! donc excusez mon commentaire un peu trop …. j’ai mon épiderme catholique fragile !

  2. En effet, ma réponse était une réaction au commentaire. Ce matin, j’ai mis en pratique la communion spirituelle en solidarité avec les personnes divorcées remariées et toutes celles des pays émergents. Par ailleurs, la proposition de communier dans les mains ( pour ceux qui ne le pratiqueraient pas d’une façon habituelle), permet si les mains disposées « en trône » sont portées suffisamment haut devant le prêtre, qu’il puisse laisser l’hostie se déposer d’elle même sans qu’elle ne tombe, ce qui sur un plan sanitaire est évidemment bien plus prudent que de la poser sur la langue ou sur des mains potentiellement souillées ( risque de postillons -invisibles certes, mais inévitables-, sur les mains du célébrant qui continuera de donner la Communion malgré la contamination. Deuxième remarque : je crains en effet également que d’invoquer la liberté religieuse n’incite à quelques remous non catholiques et surtout plus nombreux que les nôtres ! Ce n’est, selon moi, pas le moment d’invoquer cet argument qui peut être facilement instrumentalisé. Bien fraternellement. Laetitia

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