Il y a huit ans que Youenn Gwernig a rejoint Avalon, le paradis des Celtes. Sa famille, ses amis et ses fidèles musiciens, ont repris le titre de son roman culte, « La grande tribu », pour faire renaître ses textes, à travers un album, qui vient de sortir. Une invitation à redécouvrir une oeuvre émouvante.
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Carrure de lutteur, rire puissant… Ceux qui ont croisé « Le grand Youenn » se souviennent d’un homme viril, tonitruant et noceur. Ceux qui l’ont connu de plus près se remémorent aussi le père de famille malicieux et tendre, l’ami sincère et généreux. Sa présence émouvante sur scène, sa voix caressante, sa poésie sensible, son chant fragile… Youenn Gwernig était de feu et de vent. En couverture de « La grande tribu », son roman autobiographique, il est question d’un récit « à hurler de rire. Mais attention, avec ces drôles de Bretons, un éclat de rire peut cacher bien des larmes et l’immense nostalgie du pays perdu ». Ce manque, cette rage ressentis par le jeune Gwernig parti en Amérique gagner sa vie, lui inspireront ses poèmes les plus profonds. Des textes qu’il chantera, de retour au pays. Ce sont les années 1970, celles du renouveau de la culture bretonne.
Une grande tribu d’artistes
Celui qui a côtoyé la Beat generation de New York, qui a entretenu avec Jack Kerouac une abondante correspondance, va devenir le folk songer que la jeunesse bretonne attend. Il chante en breton, en français, en anglais. Ses filles, elles aussi imprégnées de cette culture américaine dans laquelle elles ont grandi, l’accompagnent sur scène. Elles composent sur ses poèmes, font vibrer le mont Saint-Michel de Brasparts de choeurs inédits. Joan Baez et Bob Dylan ne sont pas loin… La Breizh generation, celle qui est en quête d’une identité ouverte sur le monde, a trouvé son idole. Ces beatniks celtiques ont aujourd’hui 60 ans. Ils ont remisé leurs kabigs et leurs sabots mais dans leur bibliothèque, ils gardent précieusement une édition écornée du recueil de poèmes « An diri dir » à côté du 33 tours à la pochette jaunie de « Distro ar Gelted » (le retour des Celtes, 1975). Ceux-là et peut-être leurs enfants, vont adorer l’album « Pedadenn » (Invitation), en référence à un poème écrit dans les années 1970 (« Je vous invite, chère humanité, au jour et à l’heure qu’il vous plaira, pour une réception sans habit de rigueur, à venir danser dans la salle de mon coeur »). Le grand Youenn est parti. Son chant, les concerts chaleureux manquent à ses fidèles musiciens, à ses filles. L’hiver dernier, Annaig et Gwenola Gwernig, avec Arnaud Ruest, Ben Creac’h, Bernard Le Dreau et Jean-Jacques Baillard ont l’idée de faire revivre et découvrir l’oeuvre de leur père et ami. Le projet s’est construit autour de la production d’un album qui reprendrait quelques titres connus et aussi des chansons nouvelles, à partir de textes jamais mis en musique. Des petits-enfants Gwernig font vite savoir qu’ils veulent en être aussi. Certains sont musiciens, chanteurs. Erwan, le fils d’Annaig, dont la voix rappelle celle de son grand-père dans sa version de « E Kreiz an noz » (Au milieu de la nuit). Julie, sa soeur, Enora et Yann, ses cousins, les enfants de Mari-Loeiza, Anna, la fille de Gwenola et même Théo, 12 ans, l’arrière-petit-fils de Youenn, qui chante un lumineux « Gwez » (arbres). Les maris, les femmes, ont suivi. Véronique au violon, Yann, le gars du Vanuatu, qui a composé un reggae. Pour en savoir plus : www.gwernig.com
Source : Le Télégramme 12/03/2014