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Les « options » dans la liturgie sont-elles vraiment des options ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 8 min

Lors d’échanges sur la liturgie avec des amis prêtres, certaines questions sont soulevées. Il s’agit, vous l’aurez compris, d’un sujet qui me tient à coeur, et je ne manque pas d’occasions pour en parler avec des prêtres et des diacres de sensibilités diverses. Dernièrement, avec l’un d’entre eux, ont été évoquées les options posées par le missel romain (Nouvel ordo). Il en est ressorti que « la loi est faite pour l’homme et non l’homme pour la loi ». Le site Proliturgia a quant à lui consacré il y a quelques temps un billet à ce sujet des options, billet que nous reprenons ici, que nous faisons suivre d’un bref commentaire :

Le Missel romain issu de Vatican II laisse parfois la porte ouverte “options” : « On fera… on pourra aussi faire… ». Or cette idée d’ “option” est très souvent mal comprise. Aussi faut-il en préciser le sens lorsqu’elle s’applique à la liturgie.
Contrairement à ce qu’on croit, l’optionnel, en liturgie, ne signifie jamais – insistons sur le mot “jamais” – un choix laissé au célébrant.
En effet, la liturgie obéit à une règle essentielle qui est celle-ci : il y a une “norme” objective qui doit impérativement être suivie. C’est seulement lorsque cette norme ne peut pas être suivie, pour des raisons indépendantes du célébrant, que des “options” peuvent entrer en jeu.
L’erreur la plus courante que font aujourd’hui de très nombreux célébrants est celle-ci : ils commencent par considérer les “options”, les “choix” possibles, puis, à partir de là, reconstruisent ou agencent la liturgie. Ce qui a pour résultats d’obtenir des célébrations plus ou moins conformes à la norme, des célébrations bancales et hybrides faite de bric et de broc et dépourvues d’unité.
Or, c’est exactement le contraire qu’il faut faire : il faut partir de la norme et, dans la mesure où celle-ci ne peut pas être suivie, voir au cas par cas ce qu’autorisent les “options” légitimes. Telle a toujours été la règle de base en liturgie. Elle a du reste été rappelée dans la Lettre “Dominicae Cenae” de S. Jean-Paul II.
Des “options” ont toujours existé, même bien avant le Concile Vatican II. Seule différence : on ne parlait alors pas d’ “options” mais de “permissions” ou de “dérogations” ponctuelles à la règle générale.
Pour encore mieux comprendre cette notion d’ “option”, prenons la Présentation générale du Missel romain et voyons comment doit se dérouler le début d’une messe (cf. nn. 47 à 52) :
Texte : « Lorsque le peuple est rassemblé, tandis que le prêtre entre avec le diacre et les ministres, on commence le chant d’entrée (introït). (…) Il est exécuté alternativement par la chorale et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la chorale seule. On peut utiliser ou bien l’antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex ; ou bien un autre chant accordé à l´action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques. »

Commentaire : on voit ici qu’il y a une gradation. Il est d’abord demandé de chanter l’antienne d’entrée grégorienne donnée dans le “Graduel romain”. Si personne ne peut l’exécuter, on prendra l’antienne donnée le “Graduale simplex”. Et si cette dernière antienne est encore trop difficile à exécuter, alors – mais seulement alors – on peut prendre un chant dont les paroles, est-il précisé, doivent être accordées au sens de la liturgie du jour et approuvées par la conférence des évêques.
La gradation se poursuit dans le texte de la Présentation générale : « S’il n’y a pas de chant pour l’entrée, on fait réciter l’antienne que propose le Missel, soit par les fidèles, soit par certains d’entre eux, soit par un lecteur ou, autrement, par le prêtre lui-même, qui peut aussi l’adapter sous forme de monition d’ouverture. » 
Conclusion : il faut commencer par faire son possible pour que l’antienne grégorienne soit chantée et non pas se contenter systématiquement d’un cantique faisant office de chant d’entrée. La norme est le chant grégorien : on doit tout faire pour le favoriser.
Cette fausse compréhension de l’idée d’ “option” montre qu’un missel, quel qu’il soit, mis entre les mains de prêtres peu ou mal formés, conduit à la création de liturgies fausses, décousues, ennuyeuses car manquent d’unité et de cohérence.

« Dans la Liturgie de l’Église le Christ signifie et réalise principalement son Mystère pascal » dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC, 1085 . Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur société ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire  » (SC 8 ; cf. LG 50) est-il ajouté au paragraphe 1090.

La Constitution liturgique Sacrosanctum Concilium (issue donc de Vatican II) indique en préambule que « la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré. »

C’est pourquoi la liturgie ne s’invente pas mais se reçoit, en toute humilité et nous pourrions certainement pousser la réflexion en considérant que toute ingérence non justifiée (et ne relevant donc ni du pape ni de l’évêque ordinaire du lieu) porte atteinte à l’efficacité même de cette action sacrée. Car si c’est de la liturgie, et principalement de l’Eucharistie, comme d’une source, que la grâce découle en nous et qu’on obtient avec le maximum d’efficacité cette sanctification des hommes, et cette glorification de Dieu dans le Christ, que recherchent, comme leur fin, toutes les autres œuvres de l’Église, la notion même de se laisser imprégner est présente, et notre participation active revient à nous mettre en condition pour se laisser sanctifier par la liturgie, source et sommet de la vie de l’Eglise.

Ainsi, si le texte parle des prêtres, il est bien évident que les laïcs engagés d’une manière ou d’une autre qui ne sont pas formés peuvent être eux aussi amenés à la création de liturgies fabriquées (pour reprendre un terme de Benoît XVI). Le prêtre est serviteur de la liturgie (cf PGMR n°24). A plus forte raison, le laïc qui prépare les célébrations ne peut lui aussi ajouter, enlever ou changer quoi que ce soit dans la célébration de la messe (cf Cf. Constitution liturgique Sacrosanctum Concilium, n. 22.).

La compréhension des options posées ne peut sembler qu’un détail, mais celui-ci peut finalement révéler en profondeur certains aspects de notre vie chrétienne. Loin d’un attachement légaliste et rigoriste à la liturgie, tendre à la comprendre, malgré les difficultés, peut nous mettre dans les dispositions personnelles nécessaires à la pleine efficacité de la liturgie.

EN BREF (CEC)

1110 Dans la liturgie de l’Église Dieu le Père est béni et adoré comme la source de toutes les bénédictions de la création et du salut, dont Il nous a béni en son Fils, pour nous donner l’Esprit de l’adoption filiale.

1111 L’œuvre du Christ dans la Liturgie est sacramentelle parce que son Mystère de salut y est rendu présent par la puissance de son Esprit Saint ; parce que son Corps, qui est l’Église, est comme le sacrement (signe et instrument) dans lequel l’Esprit Saint dispense le Mystère du salut ; parce qu’à travers ses actions liturgiques, l’Église pérégrinante participe déjà, en avant-goût, à la Liturgie céleste.

1112 La mission de l’Esprit Saint dans la Liturgie de l’Église est de préparer l’Assemblée à rencontrer le Christ ; de rappeler et de manifester le Christ à la foi de l’Assemblée ; de rendre présent et d’actualiser l’œuvre salvifique du Christ par sa puissance transformante et de faire fructifier le don de la Communion dans l’Église.

L’auteur s’attache à soumettre ses articles à des prêtres avant de les publier. Il s’agit toutefois d’une analyse de l’auteur qui n’engage que lui-même et non l’institution ecclésiale.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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Un commentaire

  1. Merci Eflamm pour cet article et les rappels que vous faites: c’est important que certaines choses soient soulignés !

    Cependant, mis à part des cas isolés j’ai bien peur que vos propos restent lettre morte pour bon nombre de paroisses bretonnes (et pas que).

    Trop de prêtres (et à plus forte raison de laïcs) se contrefichent des recommandations de la PGMR ou de la constitution SC (dans ce qu’il y a de bon dedans) notamment en ce qui concerne la primauté du chant grégorien dans le chant liturgique.

    Et si certains fidèles ou prêtres se plaignent de certaines dérives liturgique qui ont hélas encore cours dans l’Eglise 50 ans après le Concile, c’est parce que depuis la réforme liturgique, aucun prêtre, évêque ou laïc du courant progressiste et moderniste n’a été sanctionné pour ne pas avoir respecté les directives de la PGMR et de la constitution SC quand ceux-ci parlent de la primauté du chant grégorien.

    Qu’on le veuille ou non (il serait grand temps de l’admettre 50 ans après) le Concile a favorisé l’éclosion de la secte progessiste-moderniste qui aujourd’hui encore infecte l’Eglise jusqu’au plus haut sommet….

    Maintenant c’est aux évêques de faire respecter par leurs prêtres les prescriptions de la PGMR et de SC et de veiller sérieusement et durablement à ce que la liturgie ne soit plus déformée, transformée, arrangée par certains.

    Vous abordez le sujet du chant de l’introit ou à défaut d’un chant en rapport avec la fête du jour
    et la nécessité d’alternance du chant entre chorale et assemblée ou chantre et assemblée. Rien que sur ce point, je suis bien placé pour savoir et pour voir qu’il y a encore un gros travail à faire sur le chant liturgique et dans celui-ci sur le rôle du chantre, des fidèles, de la chorale…

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