L’héritage littéraire celtique est riche en mystères, en légendes et en récits épiques. Parmi les figures emblématiques de cette tradition, Ossian occupe une place particulière, grâce aux poèmes prétendument traduits par James Mac Pherson au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, cet héritage continue d’inspirer des auteurs contemporains comme Eflamm Caouissin, dont le livre Canntaireachd s’inscrit dans cette lignée tout en y apportant une touche moderne. Plongeons dans cette fascinante rencontre entre passé et présent.
Ossian et James Macpherson : une épopée redécouverte
En 1760, James Macpherson, un jeune poète écossais, publie Fragments of Ancient Poetry collected in the Highlands of Scotland. Il affirme que ces fragments sont des traductions de poèmes gaéliques anciens attribués à Ossian, un barde du IIIe siècle. Ces récits, empreints de mélancolie et de grandeur, captivent l’Europe et suscitent un engouement sans précédent.
Les poèmes d’Ossian, notamment Fingal et Temora, racontent les exploits héroïques de Fingal et de son fils Ossian. Ils influencent profondément la littérature et l’art européens, touchant des figures comme Chateaubriand, Musset, Napoléon, Goethe ou Mendelssohn, et trouvant un écho dans le mouvement romantique.
La controverse autour de l’authenticité
Dès le début, des doutes émergent quant à l’authenticité des traductions de Mac Pherson. Samuel Johnson, célèbre lexicographe anglais, est l’un des premiers à accuser Mac Pherson d’avoir fabriqué ces œuvres. Les études linguistiques et historiques révèlent des incohérences, et il devient de plus en plus clair que Macpherson a largement embelli, voire inventé, ces poèmes. Mais pour autant, cette oeuvre a le mérite d’exister et d’avoir ouvert la voie à un courant et à d’autres oeuvres.
Canntaireachd d’Eflamm Caouissin : une modernité ancrée dans la Tradition
Sans l’avoir voulu, puisqu’il ne connaissait pas cette oeuvre, Eflamm Caouissin, auteur contemporain, s’inscrit selon l’écrivain Bernard Rio, dans cette tradition élégiaque avec son livre Canntaireachd. Le titre même, qui fait référence à une forme de chant gaélique utilisé pour transmettre la musique de cornemuse, annonce un récit profondément ancré dans la culture celtique.
C’est un livre inspiré, un ouvrage dont le style et la présentation s’apparentent à la littérature élégiaque, en particulier l’Ossian que James Mac Pherson offrit aux lecteurs écossais et qui augura du souffle romantique en Europe. Les assonances et les allitérations renforcent cette impression et renvoient à un autre temps, mais le livre possède des résonances qui font aussi écho à notre temps, ces rappels à l’actualité tragique, les guerres, les épidémies, les manipulations, participent de l’œuvre au noir, de la matière sombre qui trouve son plus bel éclat lorsqu’elle est éclairée par la lumière. Or l’auteur souffle justement sur les braises de la mémoire, faisant jaillir des étincelles, ranimant le feu sacré… La littérature est plus qu’une fantaisie d’auteur et un divertissement de lecteur, elle relève d’une dimension spirituelle. En puisant dans les chants du Barzaz Breiz et dans les cantiques bretons, ce livre s’inscrit dans un flux et un reflux, un kan ha diskan , un pibroch qui vient du fond des âges, dévoilant un horizon dans la nuit profane. Ce récit illustre la manière et la matière de Bretagne. (Bernard Rio)
Canntaireachd navigue entre le fantastique, les légendes bretonnes, l’actualité et un riche fond culturel celtique. Caouissin réussit à tisser des liens entre le passé et le présent, créant une œuvre qui résonne avec la même puissance évocatrice que les poèmes d’Ossian. En flirtant avec les légendes et en les intégrant dans un contexte contemporain, il offre une nouvelle perspective sur l’héritage celtique.
Le Pont entre Passé et Présent
Comme les poèmes d’Ossian, Canntaireachd d’Eflamm Caouissin explore les thèmes de la mémoire, de l’identité et de la transmission culturelle. Alors que Mac Pherson cherchait à raviver un passé glorieux, Eflamm Caouissin utilise les légendes pour éclairer le présent et imaginer l’avenir. Cette démarche permet de redécouvrir la richesse des traditions celtiques tout en les réinventant pour les générations actuelles. Et s’il est parfois complexe pour le lecteur cartésien de suivre ces ballades particulières et digressions philosophiques, confie Augustin Debacker dans une critique parue dans Kroaz ar Vretoned, sa ténacité sera toutefois récompensée par l’appréhension d’une partie importante de la Bretagne : si elle reste simple et parfois rude dans son identité, elle se revêt parfois d’un voile poétique sans pareil, d’une délicatesse toute singulière
L’histoire d’Ossian et de James Macpherson, bien que controversée, a laissé une empreinte indélébile sur la littérature et la culture européennes. Aujourd’hui, des auteurs comme Eflamm Caouissin continuent de puiser dans cet héritage pour créer des œuvres qui résonnent avec notre époque. Canntaireachd est un exemple à découvrir de la manière dont les légendes et les récits celtiques peuvent être réinterprétés pour offrir de nouvelles perspectives, tout en honorant la richesse de leur origine.