Saints bretons à découvrir

Retour sur le Pardon de la Madone des motards- Porcaro

Amzer-lenn / Temps de lecture : 15 min

le 15 août 2017, fête de l’Assomption de la Sainte Vierge

« Mieux vaut tard que jamais » dit-on avec justesse… et les facétieux, amateurs de contrepèterie ajoutent, ou pensent « in petto » : « vieux motard que jamais !… »

Les motards de tous âges s’étaient donné rendez-vous le 15 août à Porcaro, commune rurale du nord du département du Morbihan pour honorer leur madone ainsi qu’ils le font depuis bientôt 40 ans et je n’avais pas encore trouvé moyen de me joindre à eux ! ….
Premier choc, lorsque je suis arrivé sur site dès 7 h du matin, ma visite à la chapelle, à côté de l’église.

J’y suis accueilli par Notre Dame de Fatima, qui n’est autre que la Madone des motards, et tout autour d’elle la foule nombreuse des motards qui sont partis avec elle et parmi eux, Erwan, mon fils motard, emporté à 22 ans par une leucémie contractée à la suite d’un dramatique accident qui avait causé le décès d’une petite fille et l’avait laissé sur le seuil de la mort pour quelques mois encore, c’était il y a plus de 20 ans.
L’émotion palpable m’a étreint, comme beaucoup d’autres qui ont là, à proximité de la statue de la Vierge, la photo, un poème, un souvenir, quelque chose qui leur rappelle, le parent, l’ami, trop tôt disparu. C’est la perte de cet ami qui motive beaucoup de pilotes à revenir chaque année se confier aux bons soins de leur Madone qui a pris les traits de la dame apparue en 1917 aux petits enfants d’Aljustrel, près de Fatima, au Portugal : Lucie (9 ans) et ses cousins François (8 ans) et Jacinthe (6 ans), il y a maintenant, très exactement, 100 ans et dont le message est toujours aussi actuel : « mon coeur immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu ».

Mgr Guerra, représentant l’évêque de Fatima, l’avait prédit lors de sa venue à Porcaro, en 1992 pour présider le pardon : « partout où on met la vierge de Fatima la réussite est assurée car elle a un grand pouvoir ».

La question eschatologique : « qu’y a-t-il après la mort ? » est une des données fondamentales de notre condition humaine. C’est aussi la question préliminaire sur l’existence de Dieu.

Les chrétiens assurent que la mort a été vaincue par Jésus ressuscité et qu’avec lui nous sommes tous appelé, corps et âme, à la vie éternelle. C’est en effet, une « bonne nouvelle » que nous aprennent les Evangiles à la suite de l’Ancien Testament qui l’annonce.

Depuis, personne n’est revenu pour nous dire ce qu’il en est exactement. C’est pourquoi, chrétien, je suis dans l’espérance de cela, pas seulement dans l’espoir, comme pour quelque chose abandonnée à l’incertitude du hasard ; je suis sûr que, mort, je ressusciterai un jour, mais je ne sais pas quand !

C’est ça, avoir la foi, c’est une intuition profondément ressentie au fin fond de la conscience auquel répond – ou non – la volonté.
La vierge de Fatima, présentement Madone des motards, nous encourage à demander la foi pour l’obtenir
Mon job de baptisé est d’annoncer cette bonne nouvelle (Mathieu 24, 14), de rendre compte de cette espérance (1 Pierre 3, 15), à temps et à contre temps, mais toujours avec patience et persévérance (2 Timothée 4, 2)

Le reste vous appartient : libre de répondre ou non, c’est une question de volonté que seul vous pouvez mettre en branle.
Blaise Pascal (1623-1662), le janséniste que le pape jésuite François souhaite voir béatifié, avait pris le pari (Pensées, Lafuma 418 – Brunschvicg 233) : Dieu existe et je me comporte comme si. Le pari est gagné et je recevrai la récompense promise, le pari est perdu, dam’tant pis, j’aurai au moins fait progresser l’humanité par mes bonnes actions !

C’est devant la Madone, entourés de tous leurs amis défunts que des milliers de motards se sont réunis pour le pardon de Porcaro. Sans autre état d’esprit que celui de se retrouver, tous ensemble, dans une communion fraternelle comme savent la vivre les motards pardonneurs pour fêter l’assomption de la Sainte Vierge.

Dans l’église paroissiale de Porcaro, à côté de l’oratoire dédié à la Madone, sont inhumés les restes mortels de Madeleine Morice (1736-1769) membre du Tiers ordre des carmélites, une sainte femme qui fut honorée, comme Saint François d’Assise, des stigmates du Christ, c’est-à-dire de ses 5 plaies, aux mains et aux pieds ainsi qu’au côté qui saignaient abondamment chaque vendredi.

La Sainte Vierge lui apparut et lui fit cadeau d’une petite statue en faïence qui s’est avérée miraculeuse et fort honorée à Porcaro. Récemment volée, on ne voit plus dans la niche qui l’abritait que le socle, avec la prière suivante : « convertis le coeur de celui qui t’as volée »…

Je parie que la belle dame apparue il y a 100 ans à Fatima lui ressemblait.

Porcaro est donc un site marial tout indiqué pour la conversion.

Et de conversion il y en a bien besoin, chez les motards comme chez ceux qui ne le sont pas.
Ils étaient près de 12.000 sur le site. Les yeux gonflés de sommeil : la sono ne s’était tue que vers 3 heures du matin, ils sortaient petit à petit, les uns après les autres, de leur tentes plantées tout à côté de la moto, sans que l’on sache vraiment qui de la machine ou du pilote veillait sur l’autre….

La messe en plein air a commencé dans un silence relatif. Les motos étaient sagement garées dans le haut du terrain, face à l’autel. De temps en temps un moteur rugissait, histoire de vérifier que le gicleur du carburateur ne s’était pas obstrué durant la nuit.

La procession des bannières, la croix en tête, vient du sanctuaire, avec le clergé et les enfants de choeur. Les abbés Antoine De Roeck, aumônier des motards, mais aussi mon prof de morale fondamentale à la fac de théologie de l’UCO, Jean-François Audren, son prédécesseur média, également marcheur du Tro Breiz, ainsi qu’un prêtre venu de Tours et un autre de Belgie. Ils n’étaient pas de trop pour bénir pilotes et machines à l’issue de la cérémonie.

Une excellente chorale venue exprès de Redon avec musiciens et chanteurs a assuré l’animation de la cérémonie par ses chants orchestrés, tous de langue française. Il est vrai que nous sommes en pays gallo, mais mon bretonnant de rédac’chef ne manquera pas d’être quelque peu déçu.

Note intrusive du rédac’chef : c’est pas faux !

Attention, amis motards qui cherchez Dieu, il ne chevauche pas un gros cube ni une de ces rutilantes machines à 3 roues, bardées de cuir et de chromes rutilants, il n’est pas même au guidon d’une petite 125 ni même d’un scoot…. Il roule en vélo !

C’est ce que nous a raconté la première lecture de dimanche dernier, 19° du temps ordinaire, tirée du 1° livre des Rois : le prophète Elie s’attendait à voir Dieu sortir d’un ouragan, puis, à défaut, d’un tremblement de terre, ou alors, d’un feu ! …. Mais c’est dans le « murmure d’une brise légère » qu’il s’est révélé (1 Rois, 19, 12c). C’est bon à savoir…

Après la lecture du passage de l’Apocalypse de St Jean décrivant la femme « ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, couronnée de 12 étoiles », celle de la 1° lettre de Paul aux Corinthiens qui expose la victoire du Christ, vrai Dieu et vrai homme, sur la mort puis de l’évangile de Luc racontant la visitation de Marie, enceinte, à sa cousine âgée, Elizabeth, enceinte elle aussi, nous avons sagement écouté l’homélie du Père Antoine De Roeck, l’aumônier des motards, qui était très attendue.

Dans un saisissant raccourci il nous a expliqué que la Sainte Vierge, malgré sa grossesse, dès qu’elle a su qu’Elizabeth était enceinte du futur Jean Baptiste et qu’en raison de son grand âge, elle pouvait avoir besoin d’un coup de main, n’a pas hésité une seconde : elle a aussitôt enfourché sa moto (on voit de plus en plus de femmes piloter leur propre engin) et, casque en tête, « se mit en route et se rendit, avec empressement, vers la région montagneuse » où habitait Elizabeth qui l’a salué avec les paroles devenues celles du « je vous salue Marie » : « tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles et béni »

« Avec empressement » certes, mais en respectant les limites de vitesse… voilà le premier point de convergence entre la Sainte Vierge qui trace la route et les motards qui la suivent.

Bon ! le Père Antoine n’a pas tout à fait dit cela, mais c’est ce que ses paroles voulaient dire quand il donne Marie comme exemple aux motards.

Je le cite, cette fois : « dans ce cheminement, qu’elle fait sans hésiter, elle se lance sur la route, dans la solitude, elle pense au fond de son coeur, elle réfléchit, elle médite comme nous nous pouvons le faire dans la solitude sous notre casque.

Le motard, quand il est seul sur son engin, peut aussi penser, méditer, prier. Il goûte le paysage, apprécie la route, et tout en pilotant, il pense à toutes sortes de choses. Un peu de solitude, même dans l’empressement, c’est bon, un peu de rencontre intérieure, et c’est là qu’on trouve aussi dans cet isolement, dans ce geste qui nous fait aller au plus profond de nous-mêmes, la présence de Dieu et l’inspiration du Saint Esprit.
Marie a médité, et la rencontre avec sa cousine va faire un débordement de joie.

Le deuxième point, c’est que de cette rencontre jaillit l’exemple même de la charité fraternelle.

La Vierge Marie n’écoute que son bon coeur. Elle va aider sa cousine. Elle ne se contente pas de se réjouir de loin de cette grossesse qu’on ne pouvait presque plus espérer, elle cherche ce qu’elle va pouvoir offrir et elle trouve : sa présence et son aide. »

Une réglementation tatillonne va obliger à augmenter la taille des plaques d’immatriculation pour qu’elles apparaissent clairement sur les photos des radars. Il faut y mettre le pavillon européen, 12 étoiles sur fond bleu ? Qu’à cela ne tienne, il s’agit de la couleur mariale et des 12 étoiles de sa couronne décrite par le voyant de l’Apocalypse et l’aumônier des motards de suggérer : « rien n’interdit d’ailleurs de coller à l’intérieur des douze étoiles le tête même de la Sainte Vierge, ça c’est dans les normes ».

Il poursuit son homélie :

« Dieu, et Marie le montre, Dieu est audacieux !
Alors motards, développons le goût de l’aventure ! Osons aller de l’avant ! Il faut savoir piloter : la moto, ce n’est pas un tour de manège, qui nous fait faire des kilomètres sans rien faire avancer. Si tu pilotes avec passion et prudence, tu te construis ! Si tu oses franchir les kilomètres, que tu pars de chez toi, que tu quittes ton nid douillet, tu vas redonner de la vie et de l’audace dans le monde.
C’est exactement le sens de la résurrection que l’on a entendu dans la deuxième lecture « Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. ». À nous d’en prendre le relais, d’être des fils de Dieu, vivant.
Marie domine la mort, elle tient la lune sous ses pieds, (la lune c’est l’astre de la nuit, l’astre de la mort) elle est resplendissante dans le soleil (le soleil c’est l’astre de la vie). Marie domine la mort, elle porte la vie en elle, et elle nous fait entrer tout entier dedans.
Alors motards, choisissons la vie. Goûtons-là, rendons-la belle et pleine. Et comme chrétiens, valorisons la vie. Ne laissons jamais quiconque la déprécier pour quelque motif que ce soit… Ne mettons pas la nôtre en danger, mais faisons voir comme celle de chacun est belle, même abîmée, même bouleversée par les drames comme ça arrive malheureusement parfois, même écourté. »

Et conclut en ces termes :

« C’est chrétien, ça. Jésus nous dit « Je suis la vie », et notre monde crève à cause de l’enfermement, de manque d’air, d’immobilisme.
On n’est pas faits pour un monde stationnaire, il faut que le monde tourne pour qu’on tienne dessus : à nous d’enclencher, d’encourager, l’audace du mouvement.
La charité, ce n’est jamais de la charité de laboratoire, dans laquelle pour avoir la conscience tranquille, il suffirait de cliquer sur le site de son compte bancaire pour faire un petit virement mensuel pour les oeuvres de charité et en être satisfait surtout quand on reçoit son reçu fiscal. C’est un moyen de la faire, il faut savoir le faire (l’aumônerie des motards peut donner des reçus fiscaux, d’ailleurs). Mais il faut s’engager bien plus que ça, en entier, avec son corps, son âme, avec tous ses sens.
Imaginez un motard qui ne bougerait pas son corps, ou qui ne penserait pas. Son espérance de vie est inférieure à un kilomètre !
Motards, soyons audacieux et aventuriers ! Et Chrétiens, soyons prophétiques ! Il s’agit d’annoncer, à temps et à contretemps, cette bonne nouvelle du Royaume et cet amour infini de Dieu pour chacun d’entre nous.
Vous l’avez fait, ici, en venant à Porcaro. En soutenant la fête de Marie et la fête de cette paroisse. Beaucoup d’entre vous l’ont fait déjà l’an dernier, juste pour la messe parce que c’est ce qu’il y a de plus grand !
Et grâce à l’engagement courageux de beaucoup !
Grâce au travail colossal de centaines de bénévoles !
Nous sommes là ! Pour honorer Marie, parce que nous savons que Marie nous montre la meilleure route pour aller à Jésus et pour prendre à son exemple, des vrais cours de pilotage pour pouvoir goûter la vie, profite des bonnes trajectoires et finir auprès du Christ parce que nous l’aimons.
Que par Marie, chers Porcaréens, paroissiens de Porcaro, Chers motards, le Seigneur bénisse chacun d’entre nous, nos familles, nos malades. Qu’il bénisse les absents !

Bonne fête de la Madone ! »

Et ça a été une bonne et belle fête : à la fin de la messe, sur le signal de Philippe Duval, le grand ordonnateur, les milliers de moteurs se sont allumés, comme un seul homme, dans un gigantesque hurlement de pots d’échappement et le défilé a commencé, sur 5 rangs, autant qu’il y a de prêtres. Autant dire que les goupillons ont chauffés : la bénédiction a duré quand même, selon le Père de Roeck lui-même, 3 heures et demi d’horloge… (Ouest-France, éditions de Bretagne, 24/08/2017)

Le bruit, l’odeur de gaz brûlé, d’échappement, la poussière, m’ont rappelé le parc des Hunaudières du temps de mes années de collège au Mans.

Il y avait queue aux camions qui débitaient sandwichs, kebabs et bières.

Je n’ai pas pu faire la ballade à Malestroit faute d’avoir le casque exigé par la réglementation : en effet, nombreux ont été les motards interrogés qui m’auraient volontiers pris en croupe si j’avais été en possession de cet objet qu’aucun d’eux n’avait en double exemplaire.
Dam’ tant pis pour moi !

Mais l’an prochain, pour la 40° édition, je ne serai pas pris au dépourvu !!

L’année dernière, le Pardon ne s’était pas déroulé dans les conditions habituelles : pour cause de sécurité et sous la pression de la précautionneuse préfecture, le maire avait été contraint d’annuler la manifestation.
Il s’est malgré tout trouvé plusieurs milliers de motards à braver l’interdiction pour venir en pardonneurs prier la madone et recevoir la bénédiction de l’aumônier.

Il s’est également trouvé un irréductible contestataire, sans doute un peu paranoïaque, pour déférer à la censure du tribunal administratif compétent l’arrêté municipal d’interdiction. A mon avis, n’ayant aucune vocation à nourrir la jurisprudence administrative concernant les pouvoirs de police du maire, je gage qu’il va finir par se désister de son action qui n’a désormais plus sa raison.

Les motards de Porcaro, comme, grâce au livret spirituel des abbés Julien Naturel et Louis de Bronac, leurs aumôniers, les marcheurs du Tro-breiz, cette année du centenaire des apparitions de la Madone à Fatima, font leurs cette prière aux petits voyants que le Pape François vient de canoniser le 13 mai dernier.

Sainte Jacinthe et Saint François de Fatima
Petits bergers qui avez vu Notre Dame dans son éblouissante et incomparable beauté et qui savez que je ne l’ai pas vue moi-même, montrez-moi comment je peux La contempler dès maintenant avec les yeux de mon coeur.
Faites-moi comprendre le merveilleux message qu’Elle vous a confié.
Aidez-moi à le vivre pleinement et à le faire connaitre partout autour de moi et à travers le monde afin de contribuer à la paix tant désirée.
Je vous le demande par l’intercession du Coeur Immaculé de Marie que vous avez pris pour refuge et pour chemin vers Dieu.

 

Honda CB JX 125. Km 7, route de Bingerville à Abidjan, 1977

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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