[PARDONS DE BRETAGNE] Pardon de St Roch, en Moëlan/Mer

Photo "Sortir en Bretagne"
Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Pardon de Saint Roch, chapelle Saint Philibert de Moëlan (29350)

Dimanche 21 août 2016

« La peste soit de l’avarice et des avaricieux » fait dire Molière à la Flèche s’adressant à son maître Harpagon dans l’Avare (acte 1, scène 3). Diable, au risque de m’attirer les foudres du recteur de Ploemeur, cette fois encore, je ne suis pas resté dans ma paroisse qui n’est pas celle de Ploemeur bien qu’également vouée à Saint Pierre !

Pourtant il n’y a pas à choisir entre la peste et le cholera : laissons de côté le choléra, paru et identifié bien plus tôt, par le médecin allemand Robert Koch (1843-1910), également « inventeur » du bacille qui porte son nom, responsable de la tuberculose, il s’agit, pour le choléra, d’une bactérie en forme de virgule dite « vibrion » et parlons de la peste .

Fontaine Saint Roch (Moelan / Mer)La peste provoquée par le bacille mis en évidence par le médecin d’origine suissesse Alexandre Yersin (1863-1943), qu’elle soit noire, bubonique ou grande, la peste a plusieurs fois, au cours des siècles, décimé et terrifié l’humanité. La dernière pandémie (1894-1945) fauchera trente-quatre personnes à Paris et dans sa banlieue en 1920.

La controverse sur les vecteurs de l’épidémie – les rats, les puces, ou certaines puces? – fait rage entre spécialistes depuis plus d’un siècle, mais là n’est pas mon propos.

Pourquoi je vous raconte tout cela ?

C’est parce qu’à Quimperlé, comme à Hennebont, villes portuaires  de la côte sud de Bretagne, placées respectivement sur la Laïta et le Blavet que remontaient les lourds navires chargés de marchandises en provenance du sud, malgré les efforts d’hygiène et les contrôles effectués, la peste a fait rage à plusieurs reprises tout au long du moyen âge.
Et à Quimperlé, comme à Hennebont, la population décimée s’est vouée, sinon à Dieu, du moins à sa mère et à ses saints. Et avec succès, puisque, grâce à Saint Roch que l’on prie dans sa chapelle à Moëlan, une dizaine deKilomètres au sud de Quimperlé, comme à Notre Dame de Paradis, honorée à Hennebont dans sa belle basilique que lui a construite François Michart en 1514, l’épidémie a régressé avant de disparaitre
au grand soulagement des populations côtières concernées.
Et un contrat cela s’honore, un voeu, cela se respecte, il ferait beau voir de trahir l’alliance conclue au prétexte que l’engagement est ancien et donc, prescrit, que le besoin ne s’en fait plus sentir et que le danger est désormais définitivement éloigné ! Pas de divorce possible en la matière.

En Bretagne, la fidélité, on sait ce que c’est ! Et puis sait-on jamais …
En Bretagne l’héritage c’est sacré et on s’y conforme, à toutes fins…

Eh bien, le pardon du voeu de Quimperlé à la chapelle Saint Roch, qu’il partage avec Saint Philibert, à Moëlan sur Mer, c’était ce dimanche 21 août 2016, à 9 h 30.
Le pardon du voeu d’Hennebont, ce sera le dimanche 25 septembre à 11h 15, qu’on se le dise !

Saint Roch est ce pèlerin, né à Montpellier vers 1350, représenté avec son large chapeau, frappé de la coquille saint Jacques, son bourdon en main. Il a contracté la peste lors d’un pèlerinage à Rome en soignant les pestiférés, retiré en pleine forêt pour ne pas contaminer ses contemporains, seul un chien venait l’approvisionner d’un pain volé à la table de son maître et le soigner en léchant le bubon de sa cuisse que les images nous montrent le désignant avec une complaisance morbide. Il n’avait pas 30 ans quand il est mort incognito en Italie, à Voghera, dans la haute vallée du Pô.
Son culte est ancien à Moëlan, sans doute en relation avec la peste endémique qui sévissait alors dans les parages et subsiste, malgré la disparition de la pandémie, même si le grand Saint Philibert (617-684), celui de Grand Lieu (Loire-Atlantique), de Jumièges (Seine-Maritime) et de Tournus (Saône et Loire), tend à le supplanter.

C’est l’abbé Samuel Pennec qui présidait les cérémonies, venu de Quimper où, depuis sa récente ordination en juin dernier, il a charge des jeunes. Il faut dire qu’au cours de sa formation – en alternance – il a « sévi » notamment en pays de Quimperlé qu’il connait donc bien.

Photo "Sortir en Bretagne"
Photo “Sortir en Bretagne”

Et le voilà parti sous le soleil, le vent soulevant ses beaux vêtements sacerdotaux blancs,- il a négligé la chasuble verte pourtant liturgiquement préparée à son intention -, à la rencontre de la petite 100aine de pèlerins partis tôt le matin de Quimperlé, croix et bannière en tête. Il rejoint la croix et la bannière de la chapelle qui attendent à l’entrée du bourg avec quelques membres de l’association.
Et tout le monde, après le traditionnel baiser des croix et bannières, de rejoindre le placitre de la chapelle Saint Roch-Saint Philibert en rameutant tout au long du parcours à travers le bourg, rue des Ecoles, les paroissiens et paroissiennes qui attendaient tranquillement le passage de la procession pour s’y joindre.
Après avoir fait le tour de l’édifice, belle construction en forme de tau, dans le sens des aiguilles d’une montre, s’il vous plait, croix, bannières et pèlerins pénètrent par le porche-clocher dans la chapelle déjà pleine de fidèles.
L’assemblée est recueillie, pas de bavardages d’attente intempestifs, le silence est de qualité et me-sure l’attention du public à la cérémonie qui se déroule.
La nef est lumineuse, éclairée par la grande verrière du choeur qu’encadrent de chaque côté une petite fenêtre en ogive correspondant aux bas-côtés et une plus grande pour chacun des transepts aux pieds des quelles un autel, permettant ainsi à 5 prêtres, comme dans les abbayes cisterciennes, de dire leur messe – basse – simultanément.
Dans son homélie, Samuel, pardon, l’abbé Pennec, ne manquera pas de souligner l’actualité de la démarche des pèlerins de Quimperlé qui viennent rendre raison d’une guérison miraculeuse, il y a plusieurs siècles, de ce qu’on appelait alors, la peste.
« Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés » disait Jean de la Fontaine (1621-1695) des animaux malades de la peste…
Aujourd’hui la peste continue d’exister mais sous d’autres noms, comme le SIDA ou le VIH et la pandémie est aussi dangereuse que destructrice et contagieuse : la peste à nom « terrorisme », « fondamentalisme », « laïcisme » et toutes autres sorte de mots en « isme » qui contribuent à répandre cette culture de mort à juste titre vilipendée par notre Pape François à la suite de ses prédécesseurs (St Jean-Paul II, 25 mars 1995, Evangélium Vitae N° 12).

Bon, Samuel n’a pas dit tout cela ; il nous a simplement invités à avoir confiance en Dieu tout puissant, nous rappelant qu’avoir la Foi, vertu théologale, s’il en est (avec l’espérance et la charité) c’est précisément « faire confiance », malgré tous les avatars qui nous tombent dessus… C’est simple, mais c’est tout !
Le mal n’est pas une création de Dieu, c’est la résultante de notre liberté : Dieu nous a voulu libre, il a pris ce risque… A nous d’en faire un usage autre que celui qui nous attire tant.
A l’issue de la cérémonie, pas de bénédiction de l’eau de la belle fontaine pourtant toute proche, pas de Tantad, chacun s’est séparé pour vaquer à ses occupations dominicales, la fête des goémoniers au Pouldu, par exemple !
Pas de costumes locaux, ni de binious ni de bombardes et –ne le dites pas à mon ami Eflamm, il en ferait une jaunisse ! – pas de chants bretons non plus, pas même celui à Saint Roch qu’entonnaient à pleine voix les courageux et matinaux pèlerins de Quimperlé.
Mais qu’importe après tout, le voeu de Quimperlé à Saint Roch a été célébré comme chaque année depuis tant d’année, comme il le sera de nouveau l’an prochain, et c’est cette permanence qui compte.

Ah ! J’oubliais, le pardon de Saint Philibert c’est dimanche 28 août, chapelle Saint Roch – comme celui de Saint Roch était ce dimanche, chapelle Saint Philibert, toujours à Moëlan.

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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2 Commentaires

  1. Abbé Samuel Pennec

    Merci Yves Daniel pour cet article !

    Nous n’avons pas eu le temps de discuter après la messe, car je devais partir pour présider le pardon de saint Maudez en Clohars-Carnoët, plus précisement, dans les hauteurs du Pouldu.

    Le pardon de saint Maudez tombait cette année avec la fête des goémoniers au Pouldu. Depuis plusieurs années, à lieux a bénédiction des goémoniers et de leur atelages.
    Comme les deux fêtes, profanes et religieuses, tombaient le même jour, il y a eu une belle procession entre le Pouldu et la chapelle de Saint Maudez.

    Je suis arrivé avec ma voiture (un peu en retard) juste quand le procession arrivait à la chapelle de Saint Maudez.

    Il n’y a pas eu non plus de cantiques en breton, mais la messe, très belle et priante, était animée par des vacanciers, plutôt de la région parisienne.

    • ces pardons multiples et si gais sont une richesses de notre Bretagne offerte, comme le beau soleil d’été, à tous ceux, autochtones comme estivants, qui en sont affamés.
      Le plus dur pour les organisateurs étant de trouver un prêtre pour présider la cérémonie …
      Merci de ta jeunesse et de ta disponibilité abbé Samuel Pennec.
      Que Dieu te maintienne longtemps dans l’un comme dans l’autre !

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